3ème anniversaire de la guerre pour les populations civiles du Yémen
Question de :
M. Sébastien Nadot
Haute-Garonne (10e circonscription) - La République en Marche
M. Sébastien Nadot alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le 25 mars 2018, 3ème anniversaire de la guerre pour les populations civiles du Yémen, avec déjà ses 10 000 morts et 53 000 blessés. Sur 27 millions d'habitants que compte le Yémen, 8 sont au bord de la famine, 2 ont été déplacés et plus d'1 million affectés par une épidémie de choléra, difficilement contrôlable en raison du conflit. En 2017, l'ONU déclarait que le pays connaissait « la pire crise humanitaire depuis la seconde guerre mondiale ». Les groupes djihadistes ont renforcé leur influence au Yémen à la faveur du chaos. Les forces progouvernementales soutenues militairement par la coalition organisée autour de l'Arabie saoudite s'opposent aux rebelles Houthis appuyés par l'Iran qui se sont emparés de vastes régions du territoire dont la capitale Sanaa. Tout indique qu'en tant qu'État, le Yémen a quasiment cessé d'exister. Ses infrastructures sont en déliquescence et son président est réfugié en Arabie saoudite. Le blocus imposé par la coalition menée par l'Arabie saoudite aggrave une situation déjà catastrophique. A de nombreuses reprises, il a empêché l'acheminement de nourriture, de médicaments et de carburant, conduisant à la fermeture d'hôpitaux et privant d'eau potable des villes entières. « Il faut mettre un terme au sang versé et ne pas s'accoutumer à la guerre car personne n'est gagnant sur le terrain de la bataille. Le grand perdant, c'est le peuple yéménite », déclarait fin 2017 Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, alors représentant spécial de l'ONU au Yémen. 2 millions d'enfants ne sont pas scolarisés et certains rejoignent les combattants. Chez les filles, l'Unicef a observé une très forte augmentation des mariages précoces et presque trois quarts d'entre elles sont mariées avant l'âge de 18 ans. La France a une responsabilité particulière en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. En cas d'urgence humanitaire, une action coercitive peut être menée par l'entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte des Nations unies. La résolution 43/131 du 8 décembre 1988 de l'Assemblée générale des Nations unies - votée à l'initiative de la France, suivie d'une seconde résolution datée du 14 décembre 1990 sur la création de couloirs humanitaires et affirme le principe d'un libre accès aux victimes de catastrophes naturelles et autres situations d'urgence. Cette résolution invite les États à faciliter l'acheminement des secours humanitaires. Le Yémen a besoin de cette aide. La France a une responsabilité redoublée par sa capacité à dialoguer avec les acteurs régionaux (Arabie Saoudite, Iran, Emirats). Par sa position au sein de l'Europe, par son histoire avec les pays concernés et ses possibilités d'agir, la France est un acteur diplomatique essentiel de cette région du monde. La France est en position d'exercer sa responsabilité de protéger, d'encourager et aider les États de la région à s'acquitter de cette même responsabilité. Enfin, pour apaiser ce conflit, la France a également une responsabilité à assumer puisqu'elle compte parmi les principaux fournisseurs d'armes de l'Arabie Saoudite, lequel pays a déjà utilisé des canons Caesar au Yémen tandis que des avions de combats et chars d'assaut français ont été utilisés par les Emirats arabes unis, alliés de l'Arabie Saoudite. Alors que le Parlement européen a adopté plusieurs résolutions (non contraignantes) visant à un embargo sur les ventes d'armes à l'Arabie Saoudite, comment la France compte-t-elle s'assurer que l'utilisation des armes une fois livrées et si c'est encore le cas - est normalement encadrée ? Il lui demande devant un tel drame humain, comment la France compte jouer son rôle de membre permanent du Conseil de sécurité à l'ONU et user de son potentiel diplomatique pour venir en aide aux millions de femmes, d'hommes et d'enfants yéménites qui se sentent abandonnés.
Réponse publiée le 22 mai 2018
La France est très préoccupée par l'aggravation significative de la situation humanitaire au Yémen ces derniers mois. Au total, ce sont aujourd'hui 22.2 millions de personnes, soit près de 75 % de la population, qui ont besoin d'une aide humanitaire, et 2.1 millions de personnes sont toujours déplacées à l'intérieur du pays. La Coalition arabe a annoncé une aide humanitaire de 1.5 milliards de dollars. La France considère avec intérêt cette initiative et mène un dialogue avec les Etats de la Coalition pour que cette annonce soit suivie d'effets et soit menée en concertation avec les Nations unies et les ONG présentes au Yémen. La France invite de manière constante les parties au respect des principes du droit international humanitaire dans la conduite des hostilités, particulièrement le principe de proportionnalité. En tant que partie à un conflit armé, la Coalition a des responsabilités à cet égard. La France entretient avec cette dernière un dialogue régulier s'agissant du respect du droit international humanitaire. Ces messages ont été passés au plus haut niveau, par le Président de la République et le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, à leurs interlocuteurs saoudien et émirien. Au Conseil de sécurité, la France se mobilise également pour que la situation humanitaire soit suivie de manière régulière. S'agissant des autorisations de licence, celles-ci sont délivrées sous la responsabilité du Premier ministre après avis de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). La délivrance des autorisations d'exportations des matériels de guerre se fait, dans le strict respect des obligations internationales de la France, notamment les dispositions du Traité sur le commerce des armes, et des huit critères de la position commune européenne. Cette évaluation tient notamment compte de la nature des matériels, de l'utilisateur final, des questions de respect des droits de l'Homme et du droit international humanitaire et de la stabilité régionale. Bien entendu, tout ce qui peut porter atteinte à la sécurité des civils fait partie des critères qui conduisent à autoriser ou ne pas autoriser ces exportations. Enfin, la France se mobilise activement pour obtenir un cessez-le-feu qui permette un accès humanitaire complet, sûr et sans entrave aux populations affectées pour favoriser le retour des parties à la table des négociations en vue d'un accord politique global et inclusif, dans le respect de l'intégrité territoriale du pays. La dégradation de la situation sécuritaire et l'affaiblissement de l'Etat yéménite font le jeu des groupes terroristes présents dans le pays, notamment Daech et AQPA (Al Qaida dans la Péninsule arabique). C'est pourquoi il est urgent de mettre un terme à ce conflit en mettant en œuvre une solution politique inclusive. La France apporte son plein soutien en ce sens au nouvel envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies, le Britannique Martin Griffiths, qui a pris officiellement ses fonctions mi-mars. Elle l'encourage à relancer les négociations yéménites dans les meilleurs délais en vue de parvenir à une sortie de crise.
Auteur : M. Sébastien Nadot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 27 février 2018
Réponse publiée le 22 mai 2018