Squatteurs dans les résidences secondaires
Question de :
M. Christophe Arend
Moselle (6e circonscription) - La République en Marche
M. Christophe Arend attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la cohésion des territoires, sur la problématique des squatteurs dans les résidences secondaires. Récemment, la presse a révélé des occupations de logements dans des départements de France, dont le Val-d'Oise et l'Ille-et-Vilaine, sans que les propriétaires ne puissent agir contre cela. En effet, s'il existe une procédure judiciaire dite simplifiée pour l'expulsion de squatteurs de résidences principales, la procédure d'expulsion d'une résidence secondaire est bien plus laborieuse et se fait au détriment des propriétaires. En cas d'occupation d'une résidence secondaire, il est stipulé dans l'article 61 de la loi du 9 juillet 1991, que le propriétaire doit commencer par envoyer une « requête d'expulsion » au tribunal d'instance du domicile. Puis, un juge doit signer une ordonnance d'expulsion et la transmettre à un huissier. Ce dernier doit ensuite vérifier si le logement est réellement occupé de manière illicite. Il doit constater l'identité des squatteurs, ce qui est particulièrement difficile. En 2007, une possibilité d'expulsion immédiate en cas de preuve de violation du domicile a uniquement été ajoutée. Face à cette situation ubuesque pour les propriétaires, il lui demande comment le Gouvernement entend faciliter l'expulsion de squatteurs de résidences secondaires.
Réponse publiée le 5 juin 2018
L'article L 411-1 du code des procédures civiles d'exécution (ancien article 61 de la loi du 9 juillet 1991) permet l'expulsion ou l'évacuation d'un immeuble ou d'un lieu habité qu'en application d'une décision de justice ou un procès-verbal de conciliation exécutoire et à la signification d'un commandement de quitter les lieux, « sauf disposition spéciale ». Cependant, en matière d'occupation illicite d'un logement, il existe une procédure administrative permettant de déroger à l'exigence d'une décision de justice et de la délivrance d'un commandement de quitter les lieux. L'article 38 de la loi no 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, permet au propriétaire ou au locataire d'un « logement occupé » de demander au préfet, en cas de violation de domicile, de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire. Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé par le préfet, ce dernier doit procéder à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire. Cette procédure administrative d'expulsion s'applique dès lors que le délit de violation de domicile, tel que défini à l'article 226-4 du code pénal, est constitué. Or, en matière pénale « le domicile » est défini, par une jurisprudence parfaitement établie, comme étant « le lieu où une personne, qu'elle y habite ou non a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux ». Cette définition du domicile admet ainsi tant les résidences principales que les résidences secondaires ou tertiaires, du moment que le local est habité périodiquement et qu'il est meublé à cet effet (Crim. 1er janvier 1890 ; crim. 24 avril 1947 ; Crim., 13 mars 1974, no 73-93.328, Bull. crim. no 110 ; CA Toulouse, 23 juin 2004). Le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut ainsi avoir recours à la procédure administrative d'expulsion prévue par l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 que le logement occupé constitue ou non sa résidence principale. Il convient par ailleurs de préciser que l'article 226-4 du code pénal réprime également le fait de se maintenir dans le domicile à la suite d'une introduction illégale. Il s'agit d'une infraction continue qui permet, dès sa découverte, le recours aux mesures coercitives autorisées dans le régime de la flagrance. Les personnes peuvent par conséquent être interpellées, ce qui laisse le temps en pratique au propriétaire pour prendre les mesures nécessaires pour sécuriser les lieux. S'agissant de la procédure civile permettant d'obtenir une décision d'expulsion d'occupants d'une habitation, celle-ci est également identique qu'il s'agisse d'une résidence principale ou secondaire. Si le nom d'un ou plusieurs occupants est connu, la procédure en expulsion peut être engagée devant le tribunal d'instance du ressort où l'immeuble est situé. En ce cas, il est possible de saisir plus précisément le juge des référés de cette juridiction lequel statue dans des délais très rapides. L'ordonnance de référé est, par ailleurs, assortie de l'exécution provisoire, de sorte que l'appel ne sera pas suspensif d'exécution. Toutefois, une décision judiciaire ne peut être prononcée qu'à l'encontre d'une ou plusieurs personnes dénommées. C'est pourquoi, si le nom d'aucun des occupants n'est connu, un huissier de justice doit être autorisé à relever l'identité des occupants et à pénétrer dans les lieux par ordonnance rendue sur requête. Ces ordonnances, qui sont prises sans appeler ni entendre la partie adverse, sont également rendues dans des délais extrêmement brefs. Enfin, dès lors que les occupants du local sont entrés par voie de fait, comme cela est le cas pour les squats, il est possible de demander au juge non seulement la réduction ou la suppression du délai d'expulsion, qui est en principe de deux mois, en application de l'article L. 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, mais encore la suppression du bénéfice de la trêve hivernale prévue à l'article L. 412-6 de ce code. Le droit en vigueur offre ainsi aux propriétaires les moyens d'action appropriés pour obtenir dans des délais raisonnables une décision ordonnant l'expulsion des squatteurs de leur résidence qu'elle soit principale ou secondaire.
Auteur : M. Christophe Arend
Type de question : Question écrite
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Cohésion des territoires (M. le SE auprès du ministre)
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 6 mars 2018
Réponse publiée le 5 juin 2018