15ème législature

Question N° 6140
de Mme Françoise Dumas (La République en Marche - Gard )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > nationalité

Titre > Acquisition de la nationalité française

Question publiée au JO le : 06/03/2018 page : 1841
Réponse publiée au JO le : 28/08/2018 page : 7634

Texte de la question

Mme Françoise Dumas attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les dispositions relatives à l'acquisition de la nationalité française pour les personnes nées en France avant le 1er janvier 1963 de parents algériens. Selon l'ordonnance n° 62-825 du 21 juillet 1962, qui fixe les conséquences de l'indépendance de l'Algérie sur la nationalité, les personnes de statut civil de droit commun domiciliées en Algérie au moment de l'indépendance ont conservé de plein droit la nationalité française. En revanche, les personnes de statut civil de droit local originaires d'Algérie n'ont pu conserver la nationalité française qu'à la double condition d'avoir souscrit une déclaration de reconnaissance de la nationalité française et d'avoir établi au préalable leur domicile en France. L'article 1er de la loi n° 66-945 du 20 décembre 1966 est ensuite venu modifier l'ordonnance précitée en mettant fin à la possibilité de souscrire une déclaration de reconnaissance de la nationalité française au 23 mars 1967 et en prévoyant que « les personnes de statut civil de droit local originaires d'Algérie qui n'ont pas souscrit à cette date la déclaration prévue à l'article 156 du code de la nationalité sont réputées avoir perdu la nationalité française au 1er janvier 1963 ». Ces dispositions ont non seulement affecté les personnes n'ayant pas souscrit de déclaration de reconnaissance mais également leurs enfants mineurs, en les privant, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation, de la possibilité de bénéficier des règles d'acquisition de la nationalité de droit commun. Par conséquent, la situation des enfants nés en France avant le 1er janvier 1963 de parents nés en Algérie diffère de celle des enfants nés en France après cette date de parents nés en Algérie avant l'indépendance. Ces enfants nés après le 1er janvier 1963 se voient en effet appliquer le double droit du sol, prévu par l'article 19-3 du code civil qui dispose « Est français l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né ». Les conséquences de ces dispositions sont multiples, parfois injustes. Elles peuvent même relever de l'absurde, notamment lorsque l'un des enfants d'une même fratrie ne peut se voir reconnaître la nationalité française alors qu'il est né sur le sol français et issu de mêmes parents que ses frères et sœurs qui eux sont Français. Aussi, elle lui demande s'il entend modifier la législation sur ce sujet.

Texte de la réponse

L'ordonnance no 62-825 du 21 juillet 1962 a tiré les conséquences de l'accession de l'indépendance de l'Algérie sur la nationalité française, avec effet au 1er janvier 1963. Les personnes de statut civil de droit local, régies par le droit musulman, originaires d'Algérie, ont automatiquement perdu la nationalité française le 1er janvier 1963, sauf si, établies en France, elles ont, dans les conditions prévues par le décret no 62-1475 du 27 novembre 1962, souscrit, avant le 22 mars 1967, une déclaration de reconnaissance de la nationalité française. En application des règles de droit commun issues de l'article 23 du code de la nationalité française ou de l'article 19-3 du Code civil, l'enfant né en France depuis le 1er janvier 1963 de parents nés en Algérie avant le 3 juillet 1962 est français, quel qu'ait été le statut personnel de ses parents et même si ceux-ci ont perdu la nationalité française le 1er janvier 1963. À l'opposé, l'enfant né en France avant le 1er janvier 1963 de parents de statut civil de droit local originaires d'Algérie a perdu la nationalité française à cette date si lui-même ou le parent dont il a suivi la condition n'a pas souscrit la déclaration de reconnaissance de la nationalité française. Sensible à la situation des ressortissants algériens concernés, dont la résidence en France est souvent très longue et qui témoignent d'un attachement fort à notre pays, le Gouvernement a, par une instruction du 25 octobre 2016, demandé aux représentants de l'État dans les régions et les départements de porter une attention particulière à l'examen des demandes de réintégration dans la nationalité française de ces personnes en veillant à ce qu'elles ne rencontrent pas d'obstacles dans leur démarche dès lors qu'elles établissent résider en France. Cette instruction souligne également que si les demandes de réintégration dans la nationalité française présentées par ces postulants devaient ne pas pouvoir aboutir, l'existence des deux nouvelles déclarations d'acquisition de la nationalité française au bénéfice des ascendants de Français ou des frères et sœurs de Français, créées respectivement par l'article 38 de la loi no 2015-1776 du 28 décembre 2015 et par les articles 59 et 60 de la loi no 2016-274 du 7 mars 2016, pourrait utilement leur être rappelée afin de satisfaire leur souhait de redevenir français. Le dispositif législatif en vigueur permet par conséquent pleinement aux personnes concernées de recouvrer ou d'acquérir la nationalité française. En témoigne le fait que 547 déclarations effectuées sur les bases de l'article 21-13-1 et 21-13-2 du Code civil ont pu aboutir en 2017. La situation des Algériens ayant perdu la nationalité française le 1er janvier 1963 et demeurés sur le sol algérien est en revanche différente. La condition de résidence sur le sol français est, en effet, un critère déterminant de notre droit de la nationalité. Les demandes de réintégration dans la nationalité française par décret (article 24-1 du Code civil) sont ainsi soumises aux conditions et règles de la naturalisation, notamment aux dispositions de l'article 21-16 du Code civil qui exigent de tout candidat à la réintégration qu'il ait fixé sa résidence en France ou que sa situation lui permettre d'être « assimilé à une résidence en France » (article 21-26 du Code civil). Le dispositif législatif en vigueur ne méconnait donc pas le principe d'égalité puisqu'il ne traite pas différemment des personnes dans la même situation mais établit des distinctions objectives selon le statut, la date et le lieu de naissance de celles-ci ainsi que le lieu de résidence. Alors que le dispositif en vigueur permet, comme indiqué ci-dessus, pleinement aux personnes concernées de recouvrer ou d'acquérir la nationalité française, il n'est par conséquent pas envisagé de le modifier d'autant qu'une telle modification aurait un impact dérogatoire significatif sur les principes de naturalisation. Il leur a également été demandé, dans le cas où les demandes de réintégration présentées devaient ne pas pouvoir aboutir, de rappeler aux intéressés l'existence des deux nouvelles déclarations d'acquisition de la nationalité française au bénéfice des ascendants de français ou des frères et sœurs de français, créées respectivement par l'article 38 de la loi no 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement et par les articles 59 et 60 de la loi no 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France. Ainsi, 547 déclarations effectuées sur les bases de l'article 21-13-1 et 21-13-2 du Code civil ont pu aboutir en 2017. Toutes les dispositions ont donc été prises pour que les personnes concernées puissent recouvrer ou acquérir dans les meilleurs délais la nationalité française, dans le cadre du dispositif législatif en vigueur.