15ème législature

Question N° 6345
de Mme Sophie Panonacle (La République en Marche - Gironde )
Question écrite
Ministère interrogé > Égalité femmes hommes
Ministère attributaire > Égalité femmes hommes

Rubrique > femmes

Titre > Mise en scène des féminicides à la télévision

Question publiée au JO le : 13/03/2018 page : 2035
Réponse publiée au JO le : 19/06/2018 page : 5340

Texte de la question

Mme Sophie Panonacle alerte Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, sur la violence insupportable véhiculée quotidiennement à l'encontre des femmes à la télévision, y compris sur les chaines du service public. En effet, pas un jour ne se passe sans que violences et féminicides soient mis en scène : elle était jeune, elle était âgée, elle était célèbre, elle était inconnue, elle était enceinte, elle était en couple, elle était célibataire, elle était mère, elle était professeure, elle était pompier, elle était journaliste, elle était mannequin, elle était l'incontournable prostituée de luxe ou toxicomane, elle était baby-sitter, elle était étudiante, elle était lycéenne, elle était adolescente, elle était enfant ; elle fut portée disparue, violée et une fois, quatre fois, dans une cage d'escalier, à son domicile étranglée, assassinée, tuée par balle, empoisonnée, traquée jusqu'à la mort, battue, étouffée. Son corps fut retrouvé congelé, dénudé, brûlé, jeté dans une benne à ordures, planté d'un couteau, abandonné dans une forêt, attaché à son lit, attaché à un calvaire, et lorsqu'elle était enceinte, son fœtus lui fut arraché de son corps. L'impact de ces images sordides sur le public, et plus particulièrement le jeune public, ne peut être que catastrophique pour la représentation de l'image de la femme, sa dignité et son intégrité. La mise en situation, parfois durant 7 heures de diffusion consécutive, de toute forme de violences à l'encontre des femmes ne peut que contribuer à la perpétuation de la culture du viol et au rabaissement de la femme dans notre société, laissant penser qu'il y aurait une forme de dédramatisation voire d'impunité à porter atteinte à leur intégrité. Alors que les Français passent en moyenne quatre heures par jour devant leur écran de télévision, il est essentiel de mettre un terme à la mise en scène de cette violence pathologique permanente à l'encontre de toutes les femmes et à ses effets délétères. Il serait opportun d'y substituer des émissions de qualité de nature à inspirer les jeunes générations à s'engager, à la suite de femmes ayant réussi à bousculer l'ordre établi, pour répondre aux grands enjeux sociétaux, climatiques, environnementaux et sanitaires de notre temps, et construire un avenir meilleur. Aussi, elle lui demande quelles mesures pourront être prises, au moins dans l'audiovisuel public, afin de mettre fin à la représentation quotidienne des féminicides à la télévision au profit de la valorisation du parcours et de la réussite des femmes, source d'inspiration positive et durable pour les enfants.

Texte de la réponse

La prévention et la lutte contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles commises à l'encontre des femmes sont les priorités de l'action du Gouvernement. Une nouvelle impulsion de la politique menée en la matière a été ainsi donnée par le Président de la République à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes le 25 novembre dernier. Le comité interministériel à l'égalité entre les femmes et les hommes (CIEFH) du 8 mars 2018 s'inscrit dans cette nouvelle dynamique, au travers de mesures complémentaires mobilisant l'ensemble des ministères concernés. La transmission d'une culture de l'égalité dès le plus jeune âge constitue l'un des axes structurant de la grande cause quinquennale pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Elle inclut des mesures visant à la déconstruction des préjugés et la prévention du harcèlement et des violences sexistes et sexuelles, notamment à l'école ou dans l'enseignement supérieur par la sensibilisation des parents via la mallette des parents, l'instauration d'un référent égalité dans chaque établissement scolaire et la formation de l'ensemble du corps enseignant à ces problèmatiques. Elle fixe également des objectifs pour la mobilisation des médias et des industriels culturels dans la prévention et la lutte contre les stéréotypes de genre. Dans le secteur audiovisuel, les pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ont été renforcés par la loi no 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes afin de lutter contre le sexisme et protéger l'image et les droits des femmes. La délibération no 2015-2 du 4 février 2015 relative au respect des droits des femmes par les sociétés mentionnées à l'article 20-1-A de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 vient préciser l'action du CSA en la matière. A cette fin, elle précise les programmes relatifs à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes que ces services doivent diffuser et fixe les indicateurs qualitatifs et quantitatifs sur la représentation des femmes et des hommes dans les programmes ; il est en effet stipulé que « tout éditeur de service de radio ou de télévision qui diffuse des programmes « jeunesse », des fictions audiovisuelles et des programmes dits de téléréalité met en œuvre un système d'auto-évaluation sur le fondement de grilles de lecture » réalisées par le CSA. Elle encourage, enfin, les acteurs du secteur de la publicité et les diffuseurs à souscrire des engagements volontaires en ce sens. Ainsi, le CSA a signé en mars 2018 la charte de lutte contre les stéréotypes sexuels, sexistes et sexués dans la publicité s'engageant Afin de rendre compte des progrès réalisés, le CSA produit depuis 2016 un rapport annuel relatif à la « représentation des femmes dans les programmes de télévision et de radio », à partir des données fournies par les médias. Ce rapport permet d'établir une sorte de classement des médias du type « name & shame » et d'observer d'année en année les évolutions. En 2017 par exemple, France Télévisions a proposé une série de soirées « fiction-débat » afin de sensibiliser les téléspectateurs au sujet des violences faites aux femmes. Par ailleurs, pour compléter son action, le CSA a mis en place un comité d'orientation « Droits des femmes » présidé par Sylvie Pierre-Brossolette, qui réunit plusieurs fois par an plusieurs personnalités. Il s'agit d'un lieu privilégié de réflexion sur les perspectives d'amélioration en matière de représentation et d'image des femmes à la télévision et à la radio, ainsi qu'une instance opérationnelle guidant le Conseil dans son action, en formulant des propositions concrètes. Il s'est également doté d'un dispositif de signalement en ligne, accessible à tout citoyen, pour l'alerter sur un programme ou une publicité diffusés dans les médias. Une fois saisi, Le CSA traite les signalements des auditeurs et des téléspectateurs de manière systématique ; il intervient auprès de la chaîne, de la station ou du service s'il constate de leur part une infraction au cadre juridique de l'audiovisuel. Il peut recourir le cas échéant à son pouvoir de sanction, qu'il a exercé à plusieurs reprises en 2017, 19 interventions ont ainsi eu lieu contre 8 en 2016, à l'encontre d'émissions télévisées, en raison de propos et comportements humiliants, dégradants, sexistes ou homophobes. L'égalité entre les femmes et les hommes est un combat culturel, le Gouvernement mobilise tous les acteurs de la société afin de responsabiliser chaque citoyen et chaque citoyenne et d'abaisser leur seuil de tolérance vis-à-vis des violences sexistes et sexuelles.