Question écrite n° 6545 :
Réforme du baccalauréat : développement des sciences économiques et sociales

15e Législature
Question signalée le 25 juin 2018

Question de : M. Hubert Wulfranc
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Hubert Wulfranc alerte M. le ministre de l'éducation nationale sur le devenir de l'enseignement des sciences économiques et sociales dans le cadre de la réforme du baccalauréat engagée par le Gouvernement. Dans son rapport sur le concours d'entrée 2017, le jury de l'École nationale d'administration déplore « une certaine unicité de vues entre les candidats » concernant l'épreuve de droit, une « frilosité » qui empêcherait les aspirants énarques de « proposer une réflexion, une vision personnelle du sujet ». Alors que les candidats ambitionnent de devenir l'élite administrative de la Nation, le jury déclare « traquer l'originalité comme une denrée rare ». Ainsi, rares sont les candidats de cette promotion qui auront exposé une analyse critique de mesures telles que le CICE, l'Europe ou encore, la fermeture à la circulation des voies sur berge à Paris, se désole le rapport. Aussi, la présidente du jury 2017 exhorte les futurs candidats au « courage qui consiste à faire une analyse personnelle », loin des « raisonnements formatés ». Pour qu'une institution, aussi réputée pour perpétuer une certaine pensée unique, se préoccupe enfin de la question du conformisme de ses étudiants, c'est que le problème du formatage intellectuel de la jeunesse a atteint un niveau sans pareil. Un formatage particulièrement visible dans l'enseignement universitaire de l'économie aujourd'hui totalement verrouillé par les économistes « orthodoxes » convaincus que la régulation par les marchés fonctionne de manière optimale, quand bien même la crise mondiale de 2008 a démontré l'incapacité des marchés financiers à s'autoréguler. L'ouvrage-manifeste « À quoi servent les économistes s'ils disent tous la même chose ? » publié en 2015 par des membres de l'Association française d'économie politique tire la sonnette d'alarme sur les dangers du monopole accordé aux économistes libéraux dans le débat public, lesquels dominent également, cooptation oblige, l'enseignement universitaire. Les auteurs de cet ouvrage indiquent ainsi que seuls 10,5 % des 209 professeurs d'économie recrutés à l'université entre 2000 et 2011 affichent une pensée hétérodoxe. Des économistes qui se sont vu refuser la création d'une section particulière au sein du Conseil national des universités. En effet, le ministère de l'enseignement supérieur lui-même a alors reculé devant la levée de boucliers des économistes orthodoxes, au premier desquels se tenait le dernier universitaire français récompensé par le « Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en hommage à Alfred Nobel ». En agissant ainsi, les économistes libéraux refusent d'ouvrir le débat, engoncés qu'ils sont dans leurs certitudes. Or en politique, comme en économie, le refus buté de la discussion et l'attachement aveugle aux dogmes conduisent presque toujours dans le mur. Si la réforme du baccalauréat avancée par le Gouvernement porte déjà en elle, de nombreuses interrogations sur le maintien du caractère national du diplôme par l'introduction d'une part de contrôle continu, il ressort qu'elle pourrait tendre vers une dilution des sciences économiques et sociales encore plus préjudiciable à la construction personnelle et critique des citoyens de demain. L'enseignement des SES au lycée, qui est déjà régulièrement exposé aux feux des critiques des organisations syndicales patronales pour l'étude d'analyses jugées hostiles à l'économie de marché, risque en effet d'être réduit à une portion congrue avec la réforme du baccalauréat annoncée. Cette discipline aujourd'hui cinquantenaire, associe diverses sciences sociales au premier rang desquelles l'économie, la sociologie et les sciences politiques permettant de mieux appréhender des enjeux de société tels que l'emploi et le chômage, la croissance et le développement durable, les inégalités entre les femmes et hommes, les déterminismes sociaux. Les SES sont très appréciées par les élèves, elles accueillent actuellement un tiers des bacheliers généraux aux profils sociaux particulièrement variés, et offrent des débouchés diversifiés et de bons taux de réussite. À ce titre, les SES devraient être un élément constitutif de la culture commune en étant proposées à chaque lycéen. Or elles ne font pas partie des enseignements obligatoires en première et en classe de terminale. Le passage à un bac modulaire impacterait négativement la série ES appelée à disparaître. En effet, les enseignements du socle de culture commune seraient réduits par rapport au tronc commun actuellement en vigueur. De même, le passage de trois spécialités en classe de première, à deux en classe de terminale pose question. Ainsi, les SES pourraient être abandonnées en classe de terminale ; de même, la cohérence des enseignements pourrait être remise en cause si les élèves à spécialité SES renoncent par exemple, à la spécialité mathématiques, ce qui ne manquerait pas d'hypothéquer leurs études supérieures dans de nombreuses filières post bac. Loin de renforcer la place des sciences économiques et sociales pour tous, la réforme du bac envisagée par le Gouvernement risque au contraire de les réduire, amplifiant davantage encore le phénomène de formatage intellectuel et citoyen des lycéens, lesquels seront les futurs salariés, entrepreneurs, agents publics et dirigeants de demain. À défaut d'un retrait pur et simple du projet de réforme du lycée envisagé par le Gouvernement, il lui demande que les sciences économiques et sociales soient intégrées au tronc commun de la classe de seconde générale et technologique pour un horaire de 3 heures par semaine, incluant des dédoublements définis nationalement, conformément aux préconisations de l'Association des professeurs de sciences économiques et sociales adressées à M. le ministre. L'enjeu est de permettre aux élèves, au moins un an dans leur scolarité, d'avoir le temps nécessaire pour se confronter aux savoirs et aux méthodes des sciences sociales pour commencer à s'approprier la culture économique et sociale indispensable aux citoyens du XXIe siècle.

Réponse publiée le 17 juillet 2018

La réforme du baccalauréat et du lycée général et technologique va contribuer à consolider la culture économique des lycéens français. Un certain nombre de mesures concourent à cet objectif : - en classe de seconde générale et technologique, un enseignement de sciences économiques et sociales est introduit dans le tronc commun des enseignements à raison d'une heure trente par semaine. Cette mesure constitue une avancée par rapport à la situation actuelle puisque les sciences économiques et sociales, jusqu'alors choisies uniquement comme enseignement d'exploration optionnel, deviennent désormais obligatoires et partie constitutive de la culture commune de tous les lycéens. - en classes de première et de terminale, l'objectif est de préparer les élèves à ce qui les fera réussir dans l'enseignement supérieur. Cela se traduit par des parcours plus progressifs sans les enfermer dans l'enseignement supérieur. Dans ce cadre, les sciences économiques et sociales peuvent être choisies par les élèves en tant qu'enseignement de spécialité de 4 heures en classe de première et de 6 heures en classe de terminale. L'organisation nouvelle des enseignements dans le cycle terminal doit permettre des choix diversifiés complétant cet enseignement. L'association rendue possible des sciences économiques et sociales avec des disciplines scientifiques telles que les mathématiques ou des disciplines littéraires permet ainsi une diversification des parcours selon le projet de l'élève grâce au choix de trois enseignements de spécialité en classe de première et de deux enseignements de ce type en classe de terminale. A titre d'exemple, les sciences économiques et sociales peuvent s'articuler avec l'enseignement de spécialité « histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques » auquel pourront participer les professeurs de sciences économiques et sociales pour la partie sciences politiques. De plus, une option de « Droit et grands enjeux du monde contemporain » (DGEMC) de 3 heures peut être choisie en classe de terminale ce qui permet d'élargir l'éventail des possibilités des élèves en matière de poursuites d'études supérieures. Ces modifications dans la structure des enseignements s'accompagnent d'une rénovation des contenus de programme, pour laquelle le Conseil supérieur des programmes a remis ses premières préconisations au début du mois de mai. Compte tenu des évolutions décrites ci-dessus, les sciences économiques et sociales ont toute leur place dans la nouvelle organisation du baccalauréat et du lycée général et technologique.

Données clés

Auteur : M. Hubert Wulfranc

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enseignement supérieur

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 25 juin 2018

Dates :
Question publiée le 20 mars 2018
Réponse publiée le 17 juillet 2018

partager