15ème législature

Question N° 6694
de M. Dominique Potier (Nouvelle Gauche - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transports

Rubrique > transports aériens

Titre > Aviation et GES

Question publiée au JO le : 20/03/2018 page : 2289
Réponse publiée au JO le : 26/10/2021 page : 7884
Date de changement d'attribution: 07/07/2020
Date de signalement: 09/07/2019
Date de renouvellement: 03/07/2018
Date de renouvellement: 16/10/2018
Date de renouvellement: 26/03/2019

Texte de la question

M. Dominique Potier attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES) provoquée par le développement du marché de l'aviation civile. En adoptant la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la France s'est engagée à diviser par quatre ses émissions de GES d'ici 2050. Cette volonté d'une politique ambitieuse de préservation de l'environnement fut également renouvelée lors de la signature des accords de Paris en fixant un objectif de « zéro émissions nettes ». Néanmoins, les résultats escomptés en la matière semblent être remis en question par les évolutions que connaît le secteur de l'aviation civile. En effet, le milieu des années 2000 a vu l'émergence des compagnies low cost générant une croissance extrêmement forte et non prévue du trafic aérien. Selon la mission de médiation relative au projet d'aéroport du Grand-Ouest, c'est « une révolution structurelle du marché du transport » qui s'est opérée. Révolution dont l'impact sur les émissions de GES est notable puisque, comme l'explique le politologue Luc Sémal, « en 2011 déjà le trafic international transitant par la France comptait pour plus de 5 % dans nos émissions nationales ». De plus, selon le rapport, « Focusing on environmental pressures from long-distance transport term 2014 », réalisé par l'Agence européenne de l'environnement, la production de GES serait en moyenne de 14 grammes par passager et par kilomètre effectué à bord d'un train, contre environ 285 grammes à bord d'un avion. Si certaines pistes de régulation trompeuses furent envisagées, comme la promotion du « green-flying », il apparaîtrait que d'autres solutions pérennes et structurelles pourraient être mobilisées par les pouvoirs publics, tel le développement des transports ferroviaires. En effet, dans son étude infographique « Autocar, train, avion ou voiture 5 trajets comparés » de 2015, l'association UFC - Que choisir a démontré que, sur 5 trajets comparés au niveau européen, une seule fois seulement l'offre ferroviaire l'emportait. Dès lors, il note que, paradoxalement au traitement public de Notre-Dame-Des-Landes, tout le débat sur l'intensification de la demande de transport a porté, au fond, sur le développement des aéroports et non des voies ferroviaires. Il lui demande donc, si une politique tarifaire, se basant notamment sur le couple « bonus-malus », pourrait être mise en œuvre afin de réformer durablement l'utilisation des modalités de transport d'aviation au profit du transport ferroviaire afin de prendre en compte l'ensemble des externalités générées par l'aviation civile. Au-delà de cette nouvelle législation, il lui demande comment le Gouvernement entend réformer durablement l'utilisation des modalités de transport d'aérien au profit du transport.

Texte de la réponse

Partant des données du CITEPA en 2017, le transport aérien, avec 21,1 Mt de CO2e, représente 13,42 % des émissions de CO2e du transport en France (157,2 Mt), soit 4,41 % des 478,5 Mt d'émissions de CO2e françaises globales ; 17,4 Mt sont à rattacher au transport aérien international et 3,7 Mt au transport intérieur. Entre 2000 et 2018, le nombre de passagers équivalents-kilomètres-transportés a augmenté de 62 %, tandis que la croissance des émissions de CO2 du transport aérien en France a été limitée à 21 %, soit une diminution de 25 % des émissions de CO2 unitaires (en kg de CO2 par passager équivalent-kilomètre-transporté), correspondant à une décroissance moyenne de 1,6 %/ an. Ces chiffres témoignent des efforts consentis depuis plusieurs années par ce secteur pour réduire son niveau d'émission, notamment grâce au renouvellement des flottes. En France, la détaxation du kérosène embarqué pour les vols internationaux répond aux recommandations de l'Organisation de l'avion civile internationale (OACI), destinées historiquement à faciliter l'essor du transport aérien et le développement des liaisons internationales, et, est traduite dans les accords internationaux sur les services aériens. Une taxation du kérosène pour les vols internationaux serait dès lors contraire aux engagements internationaux de la France. Au niveau européen, les carburants aériens sont exonérés de TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) en application de la directive dite « accises » (2003/96/CE) qui impose aux États membres l'exonération de taxes sur les carburants utilisés pour la navigation aérienne à l'exception de l'aviation de tourisme privée. Une taxation du carburant pour les services aériens intérieurs mise en place par notre seul pays compromettrait la compétitivité et l'activité des compagnies aériennes françaises, particulièrement fragiles, qui effectuent ces liaisons, sachant que le transport aérien domestique représente environ 20 % de l'activité aérienne commerciale et est effectué majoritairement par des compagnies françaises. Une telle mesure impacterait la connectivité de nos aéroports (hub de Paris et l'ensemble de nos aéroports) avec des conséquences sur l'emploi direct et indirect mais, également, sur l'économie et l'attractivité des territoires. Enfin, une telle taxe apparaît difficilement compatible avec le mode opérationnel de l'aérien, car les avions sont indistinctement utilisés pour des vols intérieurs et internationaux. La taxation du kérosène inciterait les compagnies aériennes, notamment étrangères, à développer la pratique du sur-emport (systématisation du ravitaillement des compagnies dans des Etats au sein desquels le prix du carburant aéronautique serait plus compétitif) qui entraînerait une surconsommation et pourrait engendrer des rallongements de parcours pour se ravitailler en kérosène, augmentant les émissions. Une taxe sur le kérosène devrait donc être envisagée à l'échelle de l'ensemble de l'Union européenne et plus largement de l'OACI. Le transport aérien doit se mobiliser dans la lutte contre le changement climatique. À ce titre, il assume d'ores et déjà des contributions fiscales significatives directement liées à son activité, assises, compte tenu des contraintes juridiques internationales, sur les passagers transportés et non sur le carburant comme pour les transports terrestres. Ainsi, la taxe de l'aviation civile (487 M€ en 2019) finance les missions d'intérêt général de la direction générale de l'aviation civile ; la taxe d'aéroport (1 Md€ en 2019) finance les missions de sûreté et sécurité dans les aéroports. Par ailleurs, l'aérien est le seul secteur à financer une taxe de solidarité (267 M€ en 2019, qui, avec l'écocontribution, aurait été portée à 440 M€ en 2020 hors crise), au profit du Fonds de solidarité pour le développement et des infrastructures de transport. En matière environnementale, ce secteur, au travers de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA – 49 M€ en 2019), finance l'aide à l'insonorisation en faveur des riverains des 10 principaux aérodromes français. Au regard de l'étude mentionnée, il peut être précisé qu'en se limitant au périmètre "liaisons intérieures métropole", les recettes des 3 taxes aéronautiques nationales sur les billets d'avion (taxe de l'aviation civile, taxe d'aéroport et taxe de solidarité) se sont élevées à 380 M€ en 2017, soit l'équivalent de 0,46 € par litre de kérosène consommé. Si l'on ajoute la taxe sur les nuisances aéronautiques, la TVA ainsi que le système communautaire d'échanges de quotas d'émission (SEQE-UE), les prélèvements obligatoires dont s'acquitte le transport aérien sur les liaisons domestiques atteignent près de 0,76 € par litre de kérosène. D'autres actions sont engagées au niveau international par le secteur aérien, témoignant d'un engagement financier du secteur et de sa participation effective à la lutte contre le changement climatique. L'aérien est ainsi le seul mode de transport qui participe au système communautaire d'échanges de quotas d'émission (SEQE-UE), dispositif qui contribue à la politique climatique de la France en plafonnant les émissions européennes de gaz à effet de serre ; en 2017, les compagnies aériennes françaises ont acheté 1,8 million de quotas de CO2, représentant un coût total de 27,7 M€, et reversent tous les ans plusieurs millions d'euros au budget de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). De même, à compter de 2023, ce secteur deviendra le premier au niveau mondial à compenser toute nouvelle émission de carbone par l'achat d'unités générées par des projets de réduction ou de séquestration carbone. Le coût lié à ces différentes mesures de compensation, répercuté par les compagnies sur le prix du billet d'avion, fait qu'est ainsi intégré dans le prix du billet une partie des externalités négatives de l'aviation. Enfin, dans le contexte de la transition écologique et de celui de la crise sanitaire, le Gouvernement entend préparer la rupture environnementale de l'aviation en confortant et en transformant les capacités de toutes les composantes de la filière par un soutien accru à la recherche et l'innovation. L'objectif est de mettre sur le marché un avion neutre en carbone d'ici 2035. À plus court terme, le Gouvernement souhaite accélérer le déploiement de carburants durables pour l'aviation. Le volet verdissement du plan de relance contient de nombreux projets en ce sens.