15ème législature

Question N° 6749
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > chasse et pêche

Titre > Pêche au krill en Antarctique

Question publiée au JO le : 27/03/2018 page : 2532
Réponse publiée au JO le : 14/08/2018 page : 7468
Date de signalement: 05/06/2018

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur la pêche au Krill en Antarctique. En 1991, un traité désignant l'Antarctique comme une « réserve consacrée à la paix et à la science » a été signé. Il engage ses signataires jusqu'en 2048. Le krill, crustacé minuscule, représente la base de la chaîne alimentaire en Antarctique. Il sert d'alimentation aux baleines, manchots, phoques, oiseaux marins, poissons, céphalopodes. Le krill est présent sous forme d'essaims de plusieurs kilomètres de long dans les eaux polaires. On en trouve environ 379 millions de tonne en Antarctique. Les connaissances scientifiques sur cette espèce sont faibles. Ces dernières années s'est développé un engouement de l'industrie mondiale de la pêche pour le krill. L'huile de krill, complément alimentaire riche en oméga 3, est devenue très prisée. Fin 2011, l'Union européenne autorise son utilisation dans les produits laitiers, les matières grasses à tartiner, les sauces, les céréales, les plats diététiques et les cosmétiques. Le taux de pêche du krill est réglementé à 620 000 tonnes/an dans l'Antarctique du sud-ouest. 15 navires opèrent dans cette pêche industrielle, notamment des flottes norvégiennes, sud-coréennes et chinoises. Au-delà du fait que cette pêche se fait à proximité immédiate de zones d'alimentation des baleines et des manchots, elle entraîne des pratiques de transbordement avec des cargos connus pour infraction aux règles de sécurité et aux normes de prévention des pollutions. Pour Greenpeace, la pêche au krill est une « absurdité d'un monde où l'on veut pêcher toujours plus loin, toujours plus profond, dans des circonstances extrêmes alors que l'on connaît mal cette espèce, clé de voute de tout l'écosystème ». L'ONG relève également le risque de pollution due à la navigation et le fait que la pêche au krill empiète sur les sources alimentaires de la faune locale. Ils demandent la création du plus grand sanctuaire marin au monde, d'1,8 millions de km2 en mer de Weddell. Une pétition en ligne a déjà réuni 1 million de signature. Yan Ropert-Coudert, directeur de recherche au CNRS appelle aussi à la création d'un nouveau refuge pour les espèces marines en Antarctique. Cela aurait pour but de protéger les ressources alimentaires de plus de 75 000 couples de manchots Adélie, de sauvegarder 1 million de phoques et de préserver les zones d'alevinage du krill et de la légine. La convention sur la conservation de la faune et la flore marine de l'Antarctique (CCAMLR), chargée de gérer la pêche et de préserver l'environnement, a déjà envisagé des zones à protéger. Il demande l'application complète du Traité de 1991. Il demande également au Gouvernement s'il compte accepter la demande de Greenpeace sur ce thème.

Texte de la réponse

La convention pour la conservation de la faune et de la flore marines de l'Antarctique (CCAMLR), composante du système du traité sur l'Antarctique, et dont la France est partie, a été négociée après le constat alarmant de l'augmentation de la pêche au krill et de la chute de cette ressource, base de la chaîne alimentaire dans l'océan Austral. Cette convention, entrée en vigueur en 1982, prévoit un objectif de conservation des ressources marines vivantes tout en autorisant leur utilisation rationnelle. Ainsi, chaque année, son organe décisionnel, la commission CAMLR, à laquelle la France participe activement, définit les conditions et limites de captures pour chaque espèce pêchée, dont le krill, afin de garantir la durabilité des activités de pêche dans cet océan. Ces conditions et limites de captures sont validées sur la base d'avis du comité scientifique de la CCAMLR. Toutefois, certaines zones de l'océan Austral sont considérées comme particulièrement sensibles au vu de leurs écosystèmes fragiles et nécessitent une protection renforcée. La mer de Weddell fait partie de ces zones que l'Union européenne et ses États membres entendent sauvegarder, en portant un projet d'aire marine protégée (AMP) dans cette région de l'Antarctique. Même si l'Allemagne est en première ligne du fait de son expertise scientifique de la zone, le gouvernement français soutient déjà activement ce projet, qui n'en était jusqu'à présent qu'au stade d'examen par le comité scientifique de la CCAMLR. Il sera déposé cette année pour discussion à la commission CAMLR. Par ailleurs, la France porte auprès de la CCAMLR un autre projet d'aire marine protégée en Est Antarctique, au large de la terre Adélie, en collaboration avec l'Australie et avec le soutien de l'Union européenne et de ses États membres. Ce projet, qui a été déposé chaque année à la CCAMLR depuis 2012, se confronte à l'opposition de deux États parties, la Chine et la Russie, qui ne souhaitent pas accepter de contraintes supplémentaires pour les activités de pêche. En effet, le projet d'AMP en Est Antarctique propose, notamment, la fermeture de la pêche commerciale de krill sur une partie de sa zone pour préserver l'alimentation des manchots, et des restrictions supplémentaires pour les activités de pêche à la légine. Il aura également pour but de suivre les effets du changement climatique. L'Australie, la France et l'Union européenne le proposeront à nouveau en octobre 2018.