Question écrite n° 6792 :
Dangers de l'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques

15e Législature
Question signalée le 17 septembre 2018

Question de : M. Loïc Prud'homme
Gironde (3e circonscription) - La France insoumise

M. Loïc Prud'homme alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'ouverture à la concurrence des barrages hydrauliques. Le parc hydroélectrique français est composé de 433 sites, dont 80 % sont gérés par EDF. Suite à une mise en demeure de la Commission européenne datant de 2015, le Gouvernement s'apprête à mettre sur le marché 150 concessions entre 2018 et 2022, les plus grandes et les plus rentables, au profit d'opérateurs privés. Une concession sur la haute Dordogne, par exemple, sera mise sur le marché dès la fin de l'année 2018. La règlementation interdira en effet à EDF de concourir à plus de 60 % d'un lot mis sur le marché. La France est le seul et unique pays européen à se voir obliger de brader ces ouvrages sous la pression de la commissaire Margrethe Vestager au nom du dogme de « la concurrence libre et non faussée. ». Selon plusieurs connaisseurs du dossier, la France aurait pu échapper à cette injonction en classant le secteur comme service d'intérêt général. Cette absurdité pose plusieurs problèmes majeurs. D'abord celui de la souveraineté énergétique. Ces barrages, qui risquent fortement d'être cédés à des groupes privés étrangers, fournissent au pays 70 % de son énergie renouvelable et représentent 12 % de la production énergétique totale. Après la cession de la branche énergie d'Alstom à General Electric, la vente de ces concessions prive encore une fois le pays d'outils supplémentaires afin de mener une réelle et ambitieuse politique de transition énergétique tant attendue. Ensuite, celui de la sûreté des installations, pour laquelle sont investis chaque année 400 millions d'euros par EDF, alors que l'âge du quart du parc français dépasse les 70 ans. Des concessionnaires privés soumis à la concurrence seraient tentés de rogner sur leurs coûts mettant ainsi en péril des bassins enter de populations et la continuité de la fourniture en énergétique. Enfin, cela mettrait probablement fin aux facilités d'approvisionnement en eau accordées aux collectivités et acteurs locaux pour l'eau potable ou l'irrigation, qui représentent plusieurs millions de mètres cube d'eau mis à disposition chaque année à des prix raisonnables. Une manne sur laquelle de nouveaux opérateurs chercheraient à faire du profit avant tout, n'hésitant pas à vendre la production à l'étranger s'ils en tiraient un meilleur prix d'achat. Il lui demande de renoncer immédiatement à ce projet qui sacrifie la rationalité économique, l'indépendance énergétique nationale, la sûreté et l'intérêt général sur l'autel du dogme de la concurrence prônée par la Commission européenne.

Réponse publiée le 16 octobre 2018

La Commission européenne a adressé en octobre 2015 une mise en demeure aux autorités françaises au sujet des concessions hydroélectriques. Elle considère que les mesures par lesquelles les autorités françaises ont attribué à EDF et maintenu à son bénéfice l'essentiel des concessions hydroélectriques en France sont incompatibles avec l'article 106, paragraphe 1er, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, lu en combinaison avec l'article 102 de ce traité, en ce qu'elles permettraient à l'entreprise de maintenir ou de renforcer sa position dominante en France sur les marchés de fourniture d'électricité au détail. Le Gouvernement continue de contester le raisonnement selon lequel la possession de moyens de production hydroélectriques entraîne mécaniquement une rupture d'égalité sur le marché de la fourniture d'électricité au détail et le fait qu'il aurait accordé un quelconque avantage discriminatoire à EDF. Le Gouvernement met également en avant les enjeux sociaux, économiques et écologiques majeurs liés à l'hydroélectricité, et en particulier à la gestion de l'eau et à la sécurité des ouvrages. Dans le cadre des échanges avec la Commission européenne, le Gouvernement défend une application équilibrée de la loi de transition énergétique, qui a consolidé le régime des concessions et garantit le respect des enjeux de service public de l'hydroélectricité française, grâce à plusieurs outils : le regroupement des concessions dans une même vallée, la prolongation de certaines concessions dans le respect du droit national et européen, et la possibilité de constituer des sociétés d'économie mixte (SEM) lors du renouvellement des concessions lorsque les collectivités locales y sont intéressées. À la différence d'autres pays où les installations hydroélectriques appartiennent aux exploitants privés, le régime concessif permet de garantir que les ouvrages restent durablement la propriété de l'État avec un contrôle fort au travers de la règlementation et du contrat signé entre l'État et le concessionnaire, garantissant ainsi le respect de l'intérêt public. Le principe de mise en concurrence des concessions échues découle du droit européen et national, le Gouvernement s'y prépare tout en défendant certains principes essentiels, en particulier en s'opposant à toute interdiction de candidater pour EDF et à la remise en concurrence de concessions non échues.

Données clés

Auteur : M. Loïc Prud'homme

Type de question : Question écrite

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire

Ministère répondant : Transition écologique et solidaire

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 17 septembre 2018

Dates :
Question publiée le 27 mars 2018
Réponse publiée le 16 octobre 2018

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