15ème législature

Question N° 684
de M. Gilles Lurton (Les Républicains - Ille-et-Vilaine )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > cours d'eau, étangs et lacs

Titre > Sédiments dans l'estuaire de la Rance

Question publiée au JO le : 26/03/2019
Réponse publiée au JO le : 03/04/2019 page : 3313

Texte de la question

M. Gilles Lurton appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la question de la gestion des sédiments de la Rance. En effet, ce fleuve doit faire face à une situation écologique de plus en plus critique. La fermeture de l'estuaire de la Rance par une usine marémotrice a entraîné une profonde modification du régime des marées et une accumulation de sédiments depuis 50 ans, incontestablement supérieur à ce qu'il aurait été sans la construction du barrage. Les actions entreprises jusqu'à présent ont permis l'enlèvement d'une à deux années de dépôts, ce qui est très insuffisant. Les conséquences environnementales et économiques inquiètent légitiment la population des communes riveraines de cet estuaire magnifique. Elles nuisent aux usages maritimes et côtiers ainsi qu'à l'image d'une destination touristique fréquentée par de nombreux visiteurs. Un rapport d'une mission interministérielle a été diligenté en 2016 et a proposé d'adopter un programme expérimental sur cinq ans pour un coût estimé à 9,5 millions d'euros en vue d'extraire 250 000 m3 de sédiments tout en cherchant une solution pérenne à plus long terme. Si des avancées notables ont pu être engagées, ce plan continue de se heurter à une question budgétaire. Aussi, il lui demande comment le Gouvernement entend finaliser le budget du programme quinquennal. Il souhaiterait notamment savoir s'il pourrait être étudié la possibilité d'une fiscalité écologique sur l'électricité produite par l'usine marémotrice de La Rance.

Texte de la réponse

SÉDIMENTS DANS L'ESTUAIRE DE LA RANCE


M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour exposer sa question, n°  684, relative aux sédiments de l'estuaire de la Rance.

M. Gilles Lurton. À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion d'interroger M. le ministre de la transition écologique et solidaire et vous-même, madame la ministre, sur la sursédimentation de l'estuaire de La Rance. Ce fleuve côtier doit faire face à une situation écologique de plus en plus critique due à l'extension du phénomène d'envasement de son estuaire. Il convient de réduire cet envasement au maximum pour préserver les usages, notamment de circulation maritime, et de mettre un terme à la progression des volumes qui continuent à se déposer. Cette sursédimentation a été aggravée par la réalisation en 1963 de l'usine marémotrice de la Rance, unique en son genre, qui produit de l'électricité avec le mouvement des marées.

Pour répondre à ce phénomène d'envasement, les acteurs locaux se sont mobilisés et ont mis en place différentes méthodes d'extraction. Je dois reconnaître qu'avec l'appui des services de l'État, la dernière opération dite « Lyvet III » a enfin pu être engagée.

Mais ces opérations sont notoirement insuffisantes et un programme expérimental de gestion des sédiments a été mis en place pour les années 2019-2022 visant à extraire 50 000 mètres cubes par an pour un montant total estimé à 6 millions d'euros. Nous sommes loin d'avoir réuni l'ensemble de ces financements et nous avons pour objectif la mise en place d'un tarif écologique de rachat de l'électricité produite par l'usine marémotrice de la Rance, classée pour le moment comme barrage hydraulique classique malgré le caractère renouvelable de la source d'énergie constituée par les marées. Nous demandons que cette énergie soit classée comme énergie renouvelable, ce qu'elle est de fait, et qu'elle bénéficie d'un dispositif de soutien propre comme les éoliennes offshore.

Pour cela, un avenant au contrat de concession de l'usine marémotrice est nécessaire. Avec mes collègues, le sénateur Michel Vaspart et Hervé Berville, qui me fait l'amitié d'être à mes côtés pour montrer l'unité sur ce dossier, avec aussi le député européen Alain Cadec, j'ai rencontré le commissaire européen en charge de ce dossier qui nous est apparu très favorable à notre position et qui demande désormais que le Gouvernement français en saisisse les instances européennes.

Aussi, madame la ministre, ma question est simple : votre gouvernement acceptera-t-il de saisir les instances européennes, notamment Mme Vestager, commissaire européenne à la concurrence, de cette demande d'avenant au contrat de concession de l'usine marémotrice de la Rance ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.

Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Vous avez interrogé M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Ne pouvant être présent, il m'a chargée de vous répondre.

Vous appelez son attention sur la question de la gestion des sédiments de la Rance. Je comprends les inquiétudes des acteurs de ce territoire et des riverains. Les sédiments se sont accumulés dans l'estuaire et, malgré un effort important de gestion sédimentaire, de profondes modifications sont observées dans cet écosystème remarquable.

Le rapport publié en mai 2017 issu d'une mission commune du conseil général de l'environnement et du développement durable et du conseil général de l'économie n'a pas pu déterminer si la présence du barrage a été à l'origine ou a accéléré l'envasement constaté, mais il a permis d'identifier plusieurs pistes de solutions pour éviter un envasement durable de l'estuaire. Comme il l'a préconisée, l'opération de vidage du piège à vase du Lyvet dite «  Lyvet III », soutenue par l'association Cœur Émeraude, a été mise en place, pour un coût de 1,5 million.

Comme le recommandait également la mission, l'opération de gestion sédimentaire a été confiée à une structure de maîtrise d'ouvrage unique, l'établissement public territorial de bassin Rance-Frémur, qui est chargé de la suite des opérations d'expérimentation à cinq ans.

En moins de deux ans, la gouvernance a été profondément renouvelée sur cette partie de l'estuaire de la Rance. Ce sont désormais quatre instances qui conjuguent leurs compétences et leurs expertises pour mettre en œuvre le plan de gestion des sédiments : le comité de pilotage coprésidé par le président du conseil régional et la préfète de région, le comité des financeurs, la commission locale de l'eau Rance-Frémur-Baie de Beaussais et le conseil scientifique installé en septembre dernier. Le Gouvernement accorde toute sa confiance à Mme la préfète de région Bretagne et à Mme la sous-préfète de Dinan pour la poursuite des opérations d'expérimentation et de suivi environnemental.

La question du financement du programme quinquennal reste un enjeu crucial. Je ne crois pas toutefois que la création d'une fiscalité écologique spécifique sur l'électricité produite par l'usine marémotrice de la Rance soit l'option à privilégier à court terme. Je crois davantage aux synergies que pourront déployer l'ensemble des acteurs publics et privés pour la réussite de ce projet. EDF a ainsi augmenté sa participation à hauteur de 50 % au lieu de 40 % pour la gestion sédimentaire 2017-2023, l'objectif étant d'apporter pour le financement des travaux la parité entre EDF et les autres financeurs.

C'est également le sens de la réponse que j'avais eu l'occasion de donner à Mme Sylvie Robert, sénatrice, en novembre dernier. Je peux vous assurer de la vigilance du Gouvernement quant à la concrétisation de ces partenariats et je sais également pouvoir compter sur celle des représentants parlementaires d'Ille-et-Vilaine.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je vous remercie pour cette réponse. Nous reconnaissons évidemment les avancées dont vous venez de faire état, comme je viens de le dire. Néanmoins, la quantité de sédiments qui continue de s'amonceler sur la Rance demeure très importante et se renouvelle après chaque extraction.

Nous considérons donc que des financements supplémentaires seront nécessaires pour réaliser les travaux qui s'imposent : 3,7 millions ont été réunis sur un montant estimé de 6 millions.

Nous nous sommes intéressés au Parlement européen car, selon nous, l'usine marémotrice de la Rance est un équipement unique, très novateur en matière de production d'électricité, et qui correspond pleinement aux fiscalités s'appliquant aux énergies du type éoliennes offshore et autres. Nous insistons pour que des contacts soient pris avec le Parlement européen. Le commissaire européen, que nous avons rencontré, considère que cela s'inscrit parfaitement dans le cadre d'une fiscalité écologique.