Question écrite n° 6901 :
Présence de l'aspartame dans les médicaments - Principe de précaution

15e Législature

Question de : M. Patrick Vignal
Hérault (9e circonscription) - La République en Marche

M. Patrick Vignal interroge Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la présence d'aspartame dans les médicaments. Cet édulcorant de synthèse (codé E 951), le plus vendu au monde, a toujours été soupçonné d'effets cancérigènes et est à l'origine de controverses importantes. Ainsi, une étude menée sous la direction de Morando Soffritti, l'Institut Ramazzini de Bologne (recherche en cancérologie environnementale) a confirmé dans un article paru en décembre 2010 dans l'American journal of industrial medicine, des résultats déjà présents dans leurs études de 2005 et 2007 : l'édulcorant accroît les risques de cancer du foie et du poumon chez des rats mâles ayant absorbé régulièrement de l'aspartame, tout spécialement si l'exposition a commencé dans la vie prénatale. Concernant les humains, deux études récentes suggèrent quant à elles un potentiel effet cancérogène et un risque d'accouchement prématuré chez la femme enceinte. Actuellement l'aspartame se trouve dans de nombreux produits alimentaires allégés en sucre, mais également dans des médicaments - y compris dans ceux destinés à contrecarrer les effets secondaires des traitements du cancer, mais aussi dans les médicaments disponibles sans ordonnance tels que les pastilles pour la gorge. C'est pourquoi, compte tenu de l'incertitude dans laquelle nous nous trouvons face aux possibles conséquences néfastes de l'aspartame sur la santé humaine, il l'interroge sur les moyens en sa possession pour appliquer le principe de précaution à l'égard de cette substance.

Réponse publiée le 31 juillet 2018

L'excipient est une substance différente du principe actif, présente dans un médicament. Il n'a aucune activité pharmacologique recherchée mais sert à faire parvenir le principe actif dans l'organisme à l'endroit où il doit agir. Il conditionne également l'aspect, la couleur ou encore le goût du médicament. L'aspartame (E 951) est un édulcorant artificiel faible en calories qui possède un pouvoir sucrant environ 200 fois supérieur à celui du sucre. Son utilisation est autorisée dans l'Union européenne dans de nombreux produits d'alimentation (boissons, desserts, confiseries…) mais aussi dans les médicaments. La première réévaluation complète réalisée par l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) à la demande de la commission européenne a conclu, en décembre 2013, que l'aspartame et ses produits de dégradation étaient sûrs pour la consommation humaine aux niveaux actuels d'exposition. Pour réaliser son évaluation des risques, l'EFSA a entrepris un examen rigoureux de toutes les recherches scientifiques disponibles sur l'aspartame et ses produits de dégradation, en tenant compte tant des études menées chez l'animal que celles menées chez l'homme. Après une analyse approfondie, les experts européens ont conclu que la dose journalière acceptable (DJA) actuelle de 40 mg/kg de poids corporel/jour constituait une protection adéquate pour la population générale. Toutefois, chez les patients souffrant du trouble médical phénylcétonurie (PCU), la DJA n'est pas applicable car ceux-ci doivent observer un régime strict faible en phénylalanine (un acide aminé présent dans des protéines). Les experts ont exclu le risque potentiel que l'aspartame provoque des dommages aux gènes ou induise le cancer. Ils ont également estimé que l'aspartame n'entraînait pas de dommage pour le cerveau et le système nerveux et qu'il n'affectait pas le comportement ou le fonctionnement cognitif chez les enfants et les adultes. En ce qui concerne la grossesse, le groupe scientifique a noté qu'il n'existait pas de risque pour le développement du fœtus suite à une exposition à la phénylalanine dérivée de l'aspartame à la DJA actuelle (sauf chez les femmes souffrant de PCU). Par ailleurs, s'agissant de l'aspect pharmaceutique, tout médicament doit faire l'objet, conformément aux dispositions de l'article L. 5121-8 du code de la santé publique, avant sa commercialisation, d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) octroyée au terme d'une procédure européenne ou nationale selon des exigences d'efficacité, de qualité et de sécurité harmonisées, issues de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. La qualité des matières premières, des articles de conditionnement primaire, des emballages extérieurs et des produits pharmaceutiques finis est ainsi évaluée préalablement à la délivrance de l'AMM. Précisément, la qualité des matières premières (substances actives ou excipients) utilisées dans la composition d'un médicament, doit répondre aux exigences de la directive précitée et des recommandations européennes. La démonstration de la conformité à ces exigences fait l'objet d'une évaluation réalisée soit par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ou par ses homologues européens, soit par la Direction européenne de la qualité du médicament (DEQM). Dans ce cadre, la législation impose notamment aux fabricants de médicaments qu'ils utilisent des excipients appropriés pour lesquels ils déterminent, sur la base d'une évaluation formalisée du risque conforme à des lignes directrices de la commission européenne, les bonnes pratiques de fabrication adéquates. Cette évaluation du risque tient compte des exigences imposées par d'autres systèmes de qualité pertinents, de la source et de l'utilisation prévue de ces excipients, ainsi que de précédents cas de défaut de qualité. En l'espèce, l'aspartame fait l'objet d'une monographie dans le cadre de la pharmacopée européenne. La pharmacopée européenne, établie sous l'égide du conseil de l'Europe, constitue une norme officielle qui fournit une base scientifique au contrôle de la qualité pendant les processus de développement, de production et de commercialisation. Ces normes concernent la composition qualitative et quantitative et les essais à effectuer sur les médicaments, sur les matières premières utilisées dans leur production, dont les excipients, et sur les intermédiaires de synthèse. Les producteurs de médicaments ou de substances à usage pharmaceutique doivent donc appliquer ces normes de qualité lorsqu'elles existent, pour pouvoir commercialiser leurs produits en Europe. La pharmacopée européenne comprend notamment des monographies, élaborées de façon à répondre aux besoins des services chargés du contrôle qualité des médicaments et de leurs constituants, des fabricants de médicaments et de leurs différents composants. Enfin, l'aspartame se métabolise en acide aspartique, en méthanol et en phénylalanine. Or, l'absorption de phénylalanine présente un risque pour les patients porteurs du gène homozygote de la phénylcétonurie. L'aspartame a donc été classé sur la liste des excipients à effets notoires. L'inscription sur cette liste implique de la part des titulaires d'AMM l'obligation de mentionner cet excipient sur l'étiquetage du conditionnement extérieur et sur la notice d'information destinée aux patients ; la connaissance de cet excipient est en effet nécessaire pour une utilisation efficace et sans risque du médicament concerné, des précautions d'emploi s'imposant pour certaines catégories particulières de patients.

Données clés

Auteur : M. Patrick Vignal

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Solidarités et santé

Ministère répondant : Solidarités et santé

Dates :
Question publiée le 27 mars 2018
Réponse publiée le 31 juillet 2018

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