15ème législature

Question N° 699
de M. Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Maritime )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > aquaculture et pêche professionnelle

Titre > Renouvellement de la flotte de pêche française

Question publiée au JO le : 14/05/2019
Réponse publiée au JO le : 22/05/2019 page : 4804

Texte de la question

M. Sébastien Jumel interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le vieillissement de la flotte de pêche française dont l'âge moyen, supérieur à 26 années, est un obstacle au renouvellement des générations dans le métier et sur la possibilité de mobiliser des aides publiques pour la construction de bateaux de pêche neufs à la suite de la récente décision du Parlement européen de réintroduire dans la politique européenne des pêches la possibilité d'utiliser les fonds FEAMP pour subventionner la mise en chantier de navires.

Texte de la réponse

RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE PÊCHE FRANÇAISE


M. le président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour exposer sa question, n°  699, relative au renouvellement de la flotte de pêche française.

M. Sébastien Jumel. En l'absence du ministre de l'agriculture et de l'alimentation, ma question s'adresse au ministre normand présent au banc du Gouvernement !

« Construire un bateau neuf, c'est 50 % de courage et 50 % de folie », me confiait vendredi un patron de pêche de Cherbourg qui a pris le risque de lancer deux navires de pêche polyvalents, construits à Dieppe par Manche industrie marine, pour pouvoir transmettre le flambeau à son fils et à son petit-fils.

Vous le savez, la moyenne d'âge des navires de pêche excède 25 ans. Au rythme actuel, il faudra plus d'un siècle pour renouveler notre flotte, sachant, que d'ici à trois ans, 5 000 marins, dont 2 000 patrons de pêche, prendront leur retraite, que les pêcheurs peinent à recruter et que la vétusté de la flotte est un obstacle à l'attractivité du métier.

Un bateau neuf, c'est 30 % de consommation d'énergie en moins, soit un résultat considérable pour l'environnement et pour l'équilibre économique des artisans, sur lesquels pèse la remontée du cours du gazole, à 48 centimes le litre actuellement, contre 31 centimes il y a quelques mois.

Hors du système coopératif qui prévaut sur certains territoires – j'étais à Boulogne-sur-Mer et à Étaples hier –, les entreprises de pêche ne sont plus accompagnées dans la construction, depuis l'extinction des aides publiques, qui ne sont plus considérées comme eurocompatibles depuis 2004. La fin des aides publiques a mis un coup de frein à la modernisation de la flotte.

J'ai, chez moi, au Tréport, un artisan qui a en projet la réalisation sur un chantier français d'un chalutier polyvalent de 25 mètres en remplacement d'un bateau de 21 mètres. C'est aussi un beau projet de transmission, avec un équipage de huit marins. Le patron, Jean Rouit, 63 ans, a posé le sac à terre, mais il veut consolider la reprise par son fils, dans un contexte incertain, marqué notamment par le flou qui entoure le Brexit.

Un bateau neuf, ça coûte 4,5 millions d'euros ; la marche de la passerelle est haute. Pour ces exemples de « courage » et de « folie », combien de pêcheurs doivent renoncer, faute d'accompagnement, laissant filer entre les mains d'investisseurs étrangers nos capacités de pêche et accélérant le processus de concentration capitalistique, au détriment d'une pêche artisanale, respectueuse de la ressource, pourvoyeuse d'emplois en mer et à terre, y compris, on le voit, dans l'industrie navale ?

La mission d'information parlementaire sur la pêche que j'ai l'honneur de présider fait le constat, au fil de ses auditions, qu'il existe un chemin pour une politique de la pêche plus ambitieuse, avec une vision et des objectifs à la hauteur de nos atouts maritimes, sans préjudice de la compétence européenne.

Pour faciliter l'installation de jeunes pêcheurs et le renouvellement des générations, enjeux stratégiques pour notre pêche, pour renforcer la polyvalence des bateaux, indispensable à une gestion durable de la ressource, pour améliorer – je sais que vous êtes sensible à cet argument, monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales – le bilan carbone de nos navires sans attendre l'issue des débats sur le FEAMP, le fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, seriez-vous favorable à la mise en place, en concertation avec la profession, d'un outil strictement conditionné qui permette de mobiliser des investissements publics pour accompagner les sorties de flotte de navires vétustes, une sorte de plan de casse, évidemment conditionné au renouvellement de la flotte et à la construction d'unités neuves ?

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Monsieur Jumel, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, m'a en effet confié le soin de vous présenter ses excuses pour son absence et de vous répondre : un ministre normand répond à un député normand sous la surveillance d'un président breton !

M. le président. Attentif au sujet !

M. Sébastien Lecornu, ministre . Vous avez raison, monsieur Jumel : la pêche française est confrontée à un vieillissement. D'un côté, les navires français ont une moyenne d'âge de vingt-sept ans et, de l'autre, près de 40 % des pêcheurs français ont plus de 45 ans.

Pour contrer cette tendance, l'État et la filière sont pleinement mobilisés, bien sûr, d'abord en ce qui concerne la gestion de notre enveloppe nationale de capacité de pêche. Les modalités nationales de gestion de cette enveloppe ont été profondément révisées en 2017 pour accélérer le mouvement de renouvellement des navires de pêche français, leur permettre de gagner en sécurité et en modernité, et favoriser l'installation de jeunes professionnels. Cette réforme, ainsi que la conjoncture économique favorable que connaît la pêche, porte ses fruits : le nombre de projets de constructions neuves en métropole est ainsi passé de 26 en 2012 à 91 en 2018, soit une progression tout à fait significative.

Le cadre juridique européen interdit depuis 2006, vous le savez, toute aide publique au renouvellement de la flotte. Toutefois, à la demande de représentants professionnels et parlementaires, nationaux et européens, notamment ceux de nos départements d'outre-mer, la Commission européenne a prévu, en 2017, une exception spécifique pour le renouvellement de la flotte de pêche des territoires ultramarins. La poursuite du renouvellement de la flotte de pêche française passe désormais par une diversification des sources de financement des armements.

Enfin, le fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP, que vous avez mentionné, peut accompagner des investissements privés à bord des navires existants pour améliorer la sécurité et les conditions de travail, renforcer l'efficacité énergétique, offrir des perspectives d'appui à l'installation aux jeunes pêcheurs et soutenir l'innovation.

Je dirai enfin un mot sur la formation. Bien que les opportunités d'embauche soient réelles dans le secteur, la plupart des armateurs, propriétaires des navires, ne trouvent pas de jeunes marins à embaucher. Nous avons donc là aussi un enjeu : celui de rendre plus attractifs les lycées maritimes.

M. le président. La parole est à M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre, mais en réalité, sans apport et sans capacité de vendre son vieux bateau et les quotas individuels transférables qui vont avec, un pêcheur de 30 ans ne peut plus obtenir d'une banque les 3 millions nécessaires pour construire un bateau neuf. Il faut donc envisager la mise en place d'un dispositif innovant d'aides publiques consolidées qui permettent les sorties de flotte. C'est le sens de la mission que je conduis.