Question écrite n° 7199 :
Applicabilité procédure amende délit d'usage et de détention de stupéfiants

15e Législature

Question de : M. Ugo Bernalicis
Nord (2e circonscription) - La France insoumise

M. Ugo Bernalicis interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les délais et les coûts relatifs à la mise en application de la procédure d'amende forfaitaire au délit d'usage et de détention illicite de stupéfiants. Le 25 janvier 2018, la mission d'information portant sur l'opportunité de recourir à la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle pour sanctionner l'infraction d'usage illicite de stupéfiants, confiée à MM. les députés Eric Poulliat (LaREM, Gironde) et Robin Reda (LR, Essonne) a remis les conclusions de ses travaux. Bien qu'ayant dressé un constat juste, actant même une dépénalisation de fait, alors même que les rapporteurs ont pu constater, lors de leurs auditions, les enjeux sanitaires et économiques en la matière, il est regrettable que la majorité circonscrive le débat, en abordant le problème uniquement sous l'angle répressif. Aussi surprenant soit-il, la mission d'information a travaillé sur une procédure qui dispose certes d'une existence légale, pour l'instant limitée aux délits de conduite sans permis ou sans assurance, mais qui n'est toujours pas entrée en vigueur. Autrement dit le rapport s'interroge sur les effets escomptés d'une mesure qui n'a jamais été appliquée et sur laquelle il n'existe donc aucun recul quant à ses effets potentiels. En dépit de l'absence de visibilité sur les bénéfices escomptés d'une telle mesure, M. le député s'interroge sur le délai et le coût des mesures nécessaires à sa mise en application. Il se trouve que l'applicabilité de la mesure est conditionnée à trois actions : l'adaptation des applicatifs métiers des différents acteurs de la chaîne de traitement ; l'équipement en tablettes NEO des forces de l'ordre afin de savoir si la personne interpellée est en situation de récidive ou non ; l'augmentation des moyens alloués au tribunal de grande instance de Rennes, seul compétent en matière de traitement de procès-verbaux électroniques et de réclamations. Bien que fermement opposé à la mise en place d'une procédure d'amende forfaitaire délictuelle, il souhaite pouvoir apprécier le sérieux du Gouvernement et, en conséquence, savoir dans quels délais et pour quels budgets, les différents obstacles à l'applicabilité de la mesure qu'il vient de soulever, pourront être levés.

Réponse publiée le 4 septembre 2018

La sécurité est une priorité du Gouvernement. C'est pourquoi les moyens humains, matériels et technologiques alloués aux forces de l'ordre sont en augmentation. Mais l'efficacité suppose également des transformations en profondeur. Tel est le sens de la police de sécurité du quotidien (PSQ) lancée début février 2018 par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Celle-ci s'inscrit dans une démarche globale de modernisation des modes d'action des forces de l'ordre, avec par exemple les chantiers lancés pour supprimer les tâches indues qui éloignent les policiers de leurs missions opérationnelles et pour renforcer le continuum de sécurité avec les autres acteurs, publics et privés, de la sécurité. Il est également indispensable, pour redonner du sens à l'action policière et permettre aux forces de l'ordre d'être plus présentes et plus efficaces sur le terrain, de rendre plus simple la procédure pénale et plus effective et plus lisible la réponse pénale. La possibilité de sanctions immédiates par le biais de la « forfaitisation » de certaines infractions permet à cet égard d'apporter des réponses rapides et effectives à des infractions participant au sentiment d'insécurité des Français. La possibilité de forfaitiser certains délits, comme la conduite d'un véhicule sans permis ou sans assurance, a été introduite par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle. L'extension de cette procédure à d'autres délits, dont l'usage illicite de stupéfiants, vise à mieux prendre en compte ces infractions par une sanction simplifiée qui permettra de rendre plus lisible la peine et par suite de réprimer plus efficacement, d'alléger le travail purement « administratif » des policiers et des gendarmes mais aussi de désengorger les juridictions. La forfaitisation du délit d'usage illicite de stupéfiants constituera donc une mesure de simplification de la procédure pénale. Très attendue par les forces de l'ordre, elle dégagera du temps opérationnel pour d'autres missions de voie publique, au bénéfice direct de la sécurité de la population. Elle permettra également aux enquêteurs de donner la priorité à la lutte contre les trafics. Actuellement, le temps moyen de traitement d'une procédure pour usage de stupéfiants, pour un consommateur majeur reconnaissant les faits et sans antécédent judiciaire en matière d'infraction à la législation sur les stupéfiants, est d'1h30 à 2h. Il dépasse fréquemment les 4 heures. La verbalisation sur la voie publique améliorera mécaniquement l'efficience, en termes de temps et d'effectifs, du traitement de cette délinquance. Cette mesure sera débattue au Parlement à l'automne 2018 dans le cadre du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. S'agissant des récidivistes, il y a lieu de rappeler que, lors des auditions devant la mission d'information parlementaire relative à l'application d'une procédure d'amende forfaitaire au délit d'usage illicite de stupéfiants, confiée à MM. Eric POULLIAT et Robin REDA, le ministère de l'intérieur a défendu l'application de cette procédure aux personnes en état de récidive légale, le maintien du caractère délictuel de l'infraction permettant cependant, si besoin, sa poursuite sous d'autres formes. Les usagers récidivistes ne doivent en effet pas être exclus du dispositif afin que cette mesure s'applique au plus grand nombre et constitue un outil de dissuasion. L'exclusion des mineurs du dispositif, en revanche, se justifie par la spécificité de la réponse qu'implique leur minorité (soins, suivi socio-éducatif, etc.) et donc par la nécessaire intervention de l'autorité judiciaire. Sur le plan quantitatif, la procédure forfaitaire aura vocation à s'appliquer à la majorité des usagers. Les mineurs représentent en effet, depuis plusieurs années, 19 % des personnes interpellées pour usage de stupéfiants. La forfaitisation sera donc applicable à plus de 80 % des usagers. En 2017 par exemple, environ 148 000 personnes auraient pu être concernées par cette amende sur les 182 756 faits d'usage constatés. Il est toutefois difficile aujourd'hui de quantifier le nombre de personnes qui seront précisément concernées par cette mesure, mais les constatations du délit d'usage de stupéfiants devraient en tout état de cause croître en raison de la simplification du traitement procédural. Enfin, concernant le coût de cette mesure, il est difficile à évaluer. Depuis septembre 2017, plus de 50 000 terminaux numériques NEO (nouvel équipement opérationnel) ont été déployés pour la seule police nationale. Toutefois, si ces terminaux seront utilisés pour la verbalisation de l'ensemble des délits forfaitisés, ils ne sont pas spécifiquement dédiés à cette procédure et sont déjà utilisés pour de nombreuses fonctions : verbalisation de contraventions, consultation de fichiers de police, etc. Les travaux de développement de l'application « PVe forfaitisation » présente sur les terminaux NEO, comme les phases de tests techniques ou d'expérimentation sur le terrain qui sont conduits en 2018 pour la forfaitisation des délits routiers, serviront aussi pour le traitement des usages de stupéfiants et d'autres infractions.

Données clés

Auteur : M. Ugo Bernalicis

Type de question : Question écrite

Rubrique : Crimes, délits et contraventions

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 10 avril 2018
Réponse publiée le 4 septembre 2018

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