Question de : M. Bertrand Sorre
Manche (2e circonscription) - La République en Marche

M. Bertrand Sorre attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur le projet de loi « PACTE » (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises). En effet, le ministre de l'économie et des finances a annoncé, lors d'une réunion publique à Colmar devant des chefs d'entreprise, qu'il avait l'intention de supprimer les commissaires aux comptes dans les plus petites entreprises. Cette communication fait écho à un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), qui avait été commandé avec la Garde des sceaux, Nicole Belloubet, et dont les analyses et les conclusions sont aujourd'hui contestées par le secteur. Si le Gouvernement suivait les conclusions de l'IGF, il priverait 150 000 entreprises (sur les 196 000 entités commerciales soumises au contrôle légal) d'un contrôle externe par un commissaire aux comptes et il repose tout simplement la question de la transparence de l'entreprise en France, en la privant d'un pilier de sa sécurité. La mission de tiers légal indépendant des commissaires aux comptes permet d'asseoir la sécurité financière indispensable au développement, à la confiance et donc à la croissance. Si cette mesure était retenue dans ce projet de loi, l'impact de celle-ci entraînerait la disparition de plus de la moitié des 13 500 commissaires aux comptes qui exercent en France, dans tous les territoires et aurait des conséquences dramatiques sur l'attractivité et le recrutement des jeunes diplômés, soit 10 000 collaborateurs par an. À la sécurité et la confiance, s'ajoutent l'anticipation et le regard irremplaçable que le commissaire aux comptes porte sur l'entreprise en difficulté. Il est démontré davantage de chances de redressement et de sauvegarde de l'emploi dans le cadre des entreprises ayant été « accompagnées » par un commissaire aux comptes. Enfin, l'absence de commissariat aux comptes ferait naître un risque accru de fraude de l'assiette sociale et fiscale déclarée par les entreprises. Il s'en suivra un risque évident de perte de recettes pour l'État et les acteurs sociaux au moment où justement le corollaire de la baisse des charges souhaitée passe par une meilleure assurance de leur règlement. Pour toutes ces raisons, cette mesure qui priverait les PME du « passeport de confiance » qu'est l'audit légal, apparaît beaucoup plus comme une mesure de dérégulation que comme un vecteur de simplification. Pour conclure, cette mesure sera un véritable séisme pour cette profession. Les commissaires aux comptes appellent les pouvoirs publics à ne pas rompre la chaîne de confiance de l'information financière et surtout à ne pas faire des PME les parents pauvres de la bonne gouvernance économique. Aussi, il souhaiterait avoir des informations complémentaires sur cette mesure et savoir si le Gouvernement compte l'inscrire dans la loi « PACTE ».

Réponse publiée le 29 mai 2018

Dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), le Gouvernement souhaite alléger les obligations pesant sur les petites entreprises, afin de faciliter leur développement. Parmi les mesures envisagées à cet effet, le relèvement de certains seuils réglementaires et fiscaux constitue une orientation importante pour réduire les charges administratives qui leur sont applicables. Dans ce cadre, le Gouvernement envisage, en effet, de relever les seuils de certification légale des comptes par un commissaire aux comptes au niveau prévu par le droit européen, c'est-à-dire 8 M€ de chiffres d'affaires, 4 M€ de bilan et 50 salariés. Une analyse, conduite par l'inspection générale des finances, a en effet démontré que la pertinence de seuils d'audit légal plus faibles que ceux fixés par le droit européen n'est pas établie, tant du point de vue de la qualité des comptes des petites entreprises, que de leur accès au financement. Le rapport de l'inspection générale des finances démontre en outre que les coûts supportés par les petites entreprises françaises qui ne sont pas visées par l'obligation européenne de certification légale des comptes sont élevés (de l'ordre de 600 millions d'euros, soit en moyenne 5 511 € par an pour une entreprise située sous les seuils européens). Pour cette raison, il semble pertinent, au regard des enjeux financiers limités associés, de rendre facultative l'intervention d'un commissaire aux comptes dans les petites entreprises, alors que 75 % d'entre elles recourent en parallèle aux services d'un expert-comptable, qui concourt, d'ores et déjà, à la qualité comptable dans ces structures. Cette démarche est conforme à l'objectif fixé par le Premier ministre, dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise des flux réglementaires et de leur impact, d'identifier et d'éliminer les surtranspositions du droit européen dans notre droit national, alors qu'un nombre significatif d'États membres ont fixé des seuils identiques ou supérieurs à ceux prévus par le droit européen. Elle est également pleinement cohérente avec les orientations du Gouvernement visant à établir un nouveau contrat avec les entreprises fondé sur la restauration de liens de confiance mutuelle entre l'État et les acteurs économiques, et ainsi, une diminution du poids des contrôles et une responsabilisation individuelle accrue, comme en témoigne la création d'un droit à l'erreur, prévu par le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Le relèvement des seuils d'audit constitue un défi pour la profession de commissaires aux comptes, impliquant une évolution en profondeur de son activité. Afin d'étudier de manière précise les conséquences de cette réforme et d'envisager les mesures d'accompagnement nécessaires, l'appui d'une mission présidée par Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables, a été sollicité sur l'avenir de la profession. Cette mission aura notamment pour objectif d'identifier des missions nouvelles, légales ou non, pouvant être confiées aux commissaires aux comptes ; de rechercher les moyens pour renforcer l'attractivité de cette profession et de permettre le maintien d'un maillage territorial suffisant de la profession dans les territoires ; de proposer des mesures d'aide aux professionnels les plus touchés par la réforme ; enfin, de formuler des propositions visant à favoriser le développement de l'expertise comptable et à enrichir ses missions d'appui et de conseil aux entreprises ne disposant pas d'un commissaire aux comptes. Les conclusions de cette mission permettront au Gouvernement d'adopter, d'ici à l'été 2018, un plan d'action visant à accompagner la mise en œuvre du relèvement des seuils d'audit.

Données clés

Auteur : M. Bertrand Sorre

Type de question : Question écrite

Rubrique : Professions libérales

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Économie et finances

Dates :
Question publiée le 10 avril 2018
Réponse publiée le 29 mai 2018

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