15ème législature

Question N° 7389
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées (Mme la SE auprès de la ministre)
Ministère attributaire > Armées (Mme la SE auprès de la ministre)

Rubrique > anciens combattants et victimes de guerre

Titre > L'instruction du contentieux des pensions militaires

Question publiée au JO le : 17/04/2018 page : 3134
Réponse publiée au JO le : 02/10/2018 page : 8790

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des armées, en charge des anciens combattants, sur l'instruction du contentieux des pensions militaires. Par courrier du 8 janvier 2018, adressé aux associations d'anciens combattants, le service juridique du ministère des armées précise que le transfert du contentieux des pensions militaires d'invalidité aux juridictions administratives de droit commun aura lieu au plus tard le 1er janvier 2020. La saisine du tribunal administratif devra être précédée d'un recours administratif préalable obligatoire (RAPO), selon les modalités qui seront fixées ultérieurement par décret en Conseil d'État. Ce recours sera une tentative de conciliation, sans garantie d'une instruction rapide et sur les possibilités réelles de décisions favorables aux demandeurs. La structure chargée de l'instruction du futur RAPO serait une seule commission compétente sur l'ensemble du territoire national (métropole et outre-mer), sans précision sur l'implantation de son siège, sans prise en compte du déplacement du demandeur lorsque son domicile sera situé à des centaines voire des milliers de kilomètres, et sans que soit prévue l'assistance d'un avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle. De plus, sa composition exclut le représentant d'une association d'anciens combattants lorsque le recours sera formé par un militaire en activité ou par une victime d'actes de terrorisme, ne prenant donc pas en compte que les anciens combattants ont connu les combats comme les militaires en activité et que leurs associations ont toujours accueilli et défendu les victimes civiles de guerre telles que les victimes de terrorisme. Sans l'assistance d'un avocat, d'un médecin et d'un représentant du monde combattant devant cette commission, les décisions ne feraient qu'entériner les propositions émises par l'administration, comme cela a été le cas avec les décisions de la CCM (Commission consultative médicale) qui non seulement entérinait les propositions négatives de la commission de réforme mais réformait aussi des propositions favorables aux demandeurs de pensions. Il lui demande de retirer ce projet au profit d'une instruction du contentieux des pensions militaires plus respectueuse du monde des anciens combattants.

Texte de la réponse

Le traitement du contentieux des pensions militaires d'invalidité (PMI), en première instance et en appel, souffrait de dysfonctionnements anciens dénoncés par les associations de pensionnés, notamment dans le cadre d'un rapport de 2014 du comité d'entente des grands invalides de guerre comportant 30 propositions. En effet, les tribunaux des pensions et les cours régionales des pensions étaient, dans la pratique, fréquemment présidés par des magistrats honoraires qui n'étaient pas toujours en mesure d'assurer une présence permanente auprès de leur juridiction, par exemple pour orienter le travail des greffiers. De plus, les tribunaux des pensions relevaient du régime de l'échevinage, c'est-à-dire d'une organisation dans laquelle les affaires étaient entendues et jugées par des juridictions composées à la fois de magistrats professionnels et de personnes n'appartenant pas à la magistrature professionnelle, en l'espèce des médecins et des représentants de pensionnés. Or, il s'avérait de plus en plus difficile de renouveler le vivier des assesseurs échevins. En outre, le contentieux des PMI échappait aux processus de dématérialisation et de diffusion de la jurisprudence prévus dans les juridictions des ordres administratif et judiciaire (les décisions des tribunaux et des cours concernés n'étant actuellement pas publiées sur les sites publics de diffusion de la jurisprudence). Dans ce contexte, le délai moyen de traitement constaté aujourd'hui était de deux années et tendait au surplus à s'accroître sur les six dernières années, alors même que le nombre de décisions rendues tendait à diminuer. La longueur excessive de ces procédures avait du reste déjà valu à l'État plusieurs condamnations devant les juridictions des pensions (cf. CE, 19 juin 2006, n° 286459 ; CE, 13 juillet 2016, n° 389760). La Cour européenne des droits de l'homme avait également conclu à une violation par la France de l'article 6§1 de la convention, relatif au droit à un procès équitable, du fait de la durée des procédures litigieuses en matière de pensions militaires d'invalidité (cf. CEDH, 8 juillet 2003, Mocie c. France ; CEDH, 28 février 2007, Desserprit c. France). Pour répondre aux attentes légitimes des pensionnés et de leurs associations, des travaux de concertation très approfondis avaient donc été lancés depuis 2016. La solution qui s'est imposée est celle d'un transfert du contentieux des PMI aux juridictions administratives qui en connaissent déjà en cassation. Ce transfert, prévu par l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, s'accompagne de la mise en place d'un recours administratif préalable obligatoire (RAPO), qui constitue un temps consacré au réexamen des dossiers devant une commission afin de permettre et de garantir des échanges avec les pensionnés en toute confiance. Cette réforme d'ampleur a néanmoins soulevé des interrogations légitimes de la part du monde des pensionnés, conduisant le ministère des armées à recueillir les avis et propositions des associations représentatives du monde combattant, par écrit à la suite d'un courrier du 8 janvier 2018, mais également par l'organisation de plusieurs réunions d'échanges, dont l'une présidée par la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées le 5 mars dernier. Lors de cette dernière réunion, un certain nombre de garanties et d'arbitrages ont été annoncés aux représentants des associations. S'agissant plus particulièrement du futur RAPO, la commission unique d'examen des recours compétente pour le territoire métropolitain, l'outre-mer et l'étranger siègera au sein de l'Institution nationale des Invalides et sera dotée d'un pouvoir décisionnel. Elle pourra notamment auditionner sur sa demande chaque demandeur accompagné de la personne de son choix (dont, par exemple, un avocat ou un médecin). Si sa composition n'est pas encore définitivement arrêtée, elle comprendra toutefois un représentant des associations de pensionnés en tant que membre permanent. Ce dernier sera amené à se prononcer sur l'ensemble des recours formés devant la commission, y compris ceux formés par des militaires en activité ou par des victimes civiles d'actes de terrorisme. Enfin, les associations de pensionnés seront consultées dans le cadre des travaux d'élaboration du décret pris pour l'application de l'article 51 de la loi de programmation militaire précitée.