15ème législature

Question N° 752
de M. Fabien Lainé (Mouvement Démocrate et apparentés - Landes )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > patrimoine culturel

Titre > Protection du patrimoine et trafic illicite de biens culturels.

Question publiée au JO le : 21/05/2019
Réponse publiée au JO le : 29/05/2019 page : 5062

Texte de la question

M. Fabien Lainé interroge M. le ministre de la culture sur la protection du patrimoine et le trafic illicite de biens culturels. Le 1er mars 2019, des vases sacrés et des hosties ont été dérobés dans l'église de Sainte-Eulalie-en-Born, dans les Landes. Quelques jours avant, le 27 février 2019, plusieurs pièces anciennes d'orfèvrerie religieuse dont un grand calice, une patène et deux ciboires, ont été volées dans l'église Saint-Sauveur de Sanguinet, paroisse Saint-Pierre-des-Grands-Lacs. Sur le plan régional, plusieurs lieux de culte et sites historiques ont été victimes de vols organisés, comme par exemple les églises de Saint-Léger-de-Vignague (Gironde) et de Saint-Antoine-du-Queyret, cibles de voleurs de carreaux ; l'église Saint-Michel-du-Vieux-Lugo à Lugos, vandalisée le 10 novembre 2017 ; les vols à répétition dans des presbytères dans les Pyrénées-Atlantiques, dont le dernier en date est celui de septembre 2017 ; le vol et profanation dans le vieux cimetière d'Hendaye, le 25 mai 2018 et récemment, le 28 février 2019 le vol d'un ciboire, d'une lunule et des hosties dérobés dans l'église Saint-Vincent de Naintré, dans le nord de la Vienne. De toute évidence, ces vols répétés ne touchent pas uniquement la Nouvelle-Aquitaine, mais ils agissent à échelle nationale, voire internationale, malgré les efforts de l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) et la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). En France, un vol d'objets religieux a lieu toutes les vingt minutes et le trafic illicite des biens culturels est souvent cité par les médias comme le troisième trafic dans le monde après celui des drogues et des armes. En parallèle au marché de l'art conventionnel (ventes aux enchères), on constate une prolifération de vente en ligne d'objets d'art sacré et d'intérêt historique. Plusieurs sites d'annonces de vente ou de petites annonces de particuliers commercialisent sur internet des objets dont la provenance n'est pas référencée et souvent douteuse. À titre d'exemple, sur une plate-forme de vente en ligne internationale on trouve à la vente : vierge en bois polychrome du XVIIe siècle ; ancien reliquaire en or du XVIIIe siècle ; statuette en bronze époque gallo-romaine ; chapiteau en bois Haute-époque ; ancienne paire de colonnes d'autel en bois doré ; lot d'objets en terre cuite époque romaine 200 a.J.C ; lot de documents, vieux papiers datés 1754 ; pierre anthropomorphe précolombienne ; cruche en terre cuite ancienne ; calice sacré en or XIXe siècle ; bijoux en bronze phénicien 100 a.J.C. Il convient dès lors de s'interroger sur la mise en place d'une l'obligation de vérification sur ces sites de commercialisation afin de garantir une traçabilité des objets et lutter ainsi contre les pillages, le vol, le recel et la commercialisation illicite de biens culturels. Il l'interroge donc sur les solutions envisagées pour faire face à ces trafics, notamment sur internet.

Texte de la réponse

VOLS ET TRAFICS DE BIENS CULTURELS


M. le président. La parole est à M. Fabien Lainé, pour exposer sa question, n°  752, relative aux vols et trafics de biens culturels.

M. Fabien Lainé. Le 1er mars 2019, des vases sacrés et des hosties ont été dérobés dans l'église de Sainte-Eulalie-en-Born, dans les Landes. Quelques jours plus tôt, le 27 février 2019, des pièces anciennes d'orfèvrerie religieuse ont été dérobées dans l'église Saint-Sauveur de Sanguinet. Dans la région Nouvelle-Aquitaine, ce sont plusieurs lieux de culte et sites historiques qui ont été victimes de vols organisés.

Ces vols répétés ne touchent pas cette seule région mais se produisent à l'échelle nationale, voire internationale, malgré les efforts de l'office central de lutte contre le trafic des biens culturels – OCBC – et de la direction centrale de la police judiciaire – DCPJ.

Un vol d'objet religieux a lieu en France toutes les vingt minutes, et le trafic illicite des biens culturels est souvent considéré par les médias comme le troisième trafic dans le monde, après celui des drogues et celui des armes.

Parallèlement au marché de l'art conventionnel que sont les ventes aux enchères, la vente d'objets d'art sacré et d'intérêt historique prolifère sur internet. Plusieurs sites d'annonces de vente ou de petites annonces de particuliers commercialisent ainsi des objets de provenance non référencée et souvent douteuse.

Une plateforme de vente en ligne internationale propose par exemple, pêle-mêle, une vierge en bois polychrome du XVIIe siècle, un reliquaire en or du XVIIIe siècle, une statuette en bronze d'époque gallo-romaine, un chapiteau en bois Haute époque, une paire de colonnes d'autel en bois doré, et même des bijoux phéniciens en bronze datant du premier siècle avant notre ère.

On peut dès lors se demander s'il ne serait pas utile de mettre en place, pour ces sites de commercialisation, une obligation de vérification qui permettrait de garantir la traçabilité des objets et, ainsi, de lutter contre le pillage, le vol, le recel et la commercialisation illicite des biens culturels.

Monsieur le ministre, quelles sont les solutions que le Gouvernement envisage pour faire face à ces trafics qui se déroulent, notamment, sur internet ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture.

M. Franck Riester, ministre de la culture. Je vous remercie de me donner l'occasion de m'exprimer sur un sujet important et qui, pour le ministère de la culture, constitue un enjeu fondamental. La lutte contre le vol et le trafic de biens culturels va d'ailleurs de pair avec la prévention des pillages et la mise en sûreté des lieux protégés, au sens du code du patrimoine.

Vous avez évoqué des faits survenus dans des églises, notamment en Nouvelle-Aquitaine ces deux dernières années. À ce sujet, je souhaite saluer l'intense coopération qui a lieu contre de tels vols, tant en France qu'à l'étranger, entre les services de police et de gendarmerie, les douanes, les opérateurs du marché de l'art et mon ministère, aussi bien d'ailleurs au niveau de l'administration centrale que des directions régionales.

Tous ces services se mobilisent pour que les propriétaires prennent conscience de l'attention qu'ils doivent porter à leur patrimoine mobilier, car certains d'entre eux ne mesurent pas le danger que courent leurs biens. Ils sont donc encouragés à mettre ceux-ci en sûreté, mais aussi à tout faire pour récupérer les éléments de leur patrimoine volés ou disparus, même si les vols ont été commis il y a très longtemps.

S'agissant des vols dans les églises, on constate que, s'ils continuent à se produire, leur nombre a fortement diminué. En effet, les faits de vol de ce type sont passés de plus de 600 par an sur tout le territoire dans les années 2000, à une fourchette annuelle comprise entre 100 et 140 faits de vol. Cette baisse s'accompagne d'un changement de la nature des biens volés, qui sont de plus en plus souvent des objets constitués de métaux.

Lorsqu'un bien culturel est volé, la documentation le concernant doit être communiquée le plus rapidement possible au service spécialisé de l'OCBC et au service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale – SCRCGN.

J'ai demandé à mes services d'examiner ce qu'il conviendrait de faire pour que nos compatriotes soient mieux informés en cas de vol. En effet, l'information dont ils auraient besoin n'est pas assez suffisamment accessible et votre question, monsieur le député, donne à penser qu'elle doit également être améliorée.

La documentation communiquée permet d'enregistrer l'objet dans la base nationale de données sur les œuvres d'art volées qui, ensuite, alimente la base internationale d'Interpol à laquelle le public a accès depuis 2009, et qui vient d'être rénovée.

Cette remontée rapide d'informations produit des résultats indéniables puisque, depuis plusieurs années, il n'est pas rare que les responsables de vols soient très rapidement appréhendés. Le dispositif mis en place a permis de récupérer beaucoup plus d'objets volés qu'on ne le faisait auparavant, tous n'étant cependant pas retrouvés.

Concernant les objets d'art mis en vente sur internet, il est absolument nécessaire que nous responsabilisions les plateformes, de la même façon que nous le faisons dans d'autres domaines comme la lutte contre les propos haineux, les « infox » ou le piratage.

La formation et la sensibilisation des différents acteurs concernés sont très importantes pour prévenir les vols et les actes de malveillance.

Il pourrait aussi être intéressant de faire évoluer le cadre législatif et réglementaire en sanctionnant plus durement le vol, la dégradation de biens culturels et la lutte contre le trafic de biens culturels nationaux et internationaux.

Enfin, nous entendons continuer à responsabiliser les plateformes et à informer le grand public des dispositifs leur permettant de récupérer leurs biens volés. Mon ministère se tient, sur ces sujets, à votre disposition.