15ème législature

Question N° 756
de M. David Habib (Socialistes et apparentés - Pyrénées-Atlantiques )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > santé

Titre > Bassin de Lacq - Rapports de Santé publique France

Question publiée au JO le : 21/05/2019
Réponse publiée au JO le : 29/05/2019 page : 5066

Texte de la question

M. David Habib attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les interventions et rapports de Santé publique France. Cet organisme d'État a été mandaté par le Gouvernement suite à un rapport de la chambre régionales des comptes consacré à la gestion de la communauté de communes de Lacq-Orthez dont M. le député assurait la présidence et qui en saluait l'excellente santé financière. Le magistrat avait alors évoqué la nécessité d'avoir une connaissance plus scientifique des conséquences sanitaires de l'exploitation du gisement de Lacq. Depuis cette incidente, les associations de protection de l'environnement, et notamment la SEPANSO, se sont emparées de ce dossier croyant disposer d'un sujet à la hauteur de leur besoin de reconnaissance médiatique. L'État, comme toujours, par faiblesse, a répondu à ces interrogations en confiant à Santé publique France le soin d'établir une photographie des questions sanitaires sur le bassin de Lacq. M. le député avait, à l'époque, exprimé ses réserves considérant que cette étude n'apporterait rien, espérant que l'État disposait déjà d'éléments objectifs et que s'il y avait danger pour les populations ou les salariés, l'absence de réaction de l'État était gravissime. Ou il y a quelque chose et il faut interrompre l'activité de ces usines ou il n'y a rien et dans ce cas-là il convient de laisser l'activité économique et industrielle se développer. Dans la presse locale du samedi 11 mai 2019, les éléments du premier volet de l'étude sanitaire de Santé publique France sont évoqués à travers une analyse des attentes et du contexte local, fondée sur des témoignages recueillis en 2017. C'est le café du commerce ! Santé publique France fait preuve d'un manque de professionnalisme criminel. Aucune statistique, aucun fait scientifiquement avéré et des propos que l'on prête à des pharmaciens et des médecins sans que jamais le nom de ceux-ci ne soit cité. Pour quelle conclusion : « il peut se passer quelque chose ». Mme la ministre, ça suffit ! M. le député rappelle que le bassin de Lacq emploie 8 000 personnes. Dans ce pays, il est tellement difficile de construire une stratégie industrielle, de maintenir une activité et des investissements et de former les plus jeunes qu'il ne peut qu'appeler son attention sur les dégâts causés par cet organisme placé sous sa tutelle. Le rapport tel qu'il est présenté par la presse est digne d'un étudiant en première année de sociologie, pas davantage. Alors il lui demande si elle est prête à faire cesser ce massacre. Soit il y a danger et dans ce cas-là il lui demande de réagir, tout de suite, soit il n'y a pas de danger et dans ce cas-là il lui demande d'éradiquer le poison qui mine ce territoire et qui empêche tout investissement productif.

Texte de la réponse

RAPPORTS DE SANTÉ PUBLIQUE FRANCE SUR LE BASSIN DE LACQ


M. le président. La parole est à M. David Habib, pour exposer sa question, n°  756, relative aux rapports de Santé publique France sur le bassin de Lacq.

M. David Habib. Je souhaite appeler votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur une situation très particulière : celle de Santé publique France, organisme placé sous votre autorité. Disons-le franchement, les interventions de cet organisme m'ont mis très en colère. Ne voyez aucune malice dans mon propos ; j'espère qu'il n'y en aura aucune non plus dans votre réponse ; mais ce sentiment est, je crois, partagé par les autorités représentant l'État sur place.

Cet organisme d'État a été mandaté par le Gouvernement à la suite d'un rapport de la chambre régionale des comptes consacré à la gestion de la communauté de communes de Lacq-Orthez dont j'assurais la présidence. Le magistrat a considéré que la situation financière était excellente, mais il a aussi souhaité en savoir davantage sur les conséquences sanitaires de l'exploitation du gisement de gaz de Lacq. C'est tout !

À partir de ce moment-là, ce dossier a éveillé l'intérêt d'un certain nombre d'associations de protection de l'environnement – dont l'une qui est particulièrement à la recherche de lumière médiatique, et que par conséquent je ne citerai pas ici : qu'elle reste dans son obscurité, c'est certainement le meilleur service que l'on puisse rendre aux Béarnais ! Cette association s'est emparée de ce dossier et a développé une expression publique sur la question de la santé et du travail. L'État, comme toujours, par faiblesse, a répondu à ces interrogations en confiant à Santé publique France le soin d'établir une photographie des questions sanitaires dans le bassin de Lacq. Cette faiblesse n'est pas la vôtre : il y avait alors un autre gouvernement, une autre majorité – que je soutenais, par ailleurs.

J'avais, à l'époque, exprimé mes réserves au Gouvernement et au préfet. Quel est l'intérêt de cette étude ? Soit les services de l'État connaissent l'existence d'un risque, et alors il faut intervenir tout de suite et demander l'interruption des activités, en vertu du principe de précaution : la santé doit primer, ce n'est pas négociable. Mais s'il n'y a pas de risque, alors il ne faut pas cultiver un sentiment d'insécurité sanitaire sur ce territoire !

L'État a néanmoins pris la décision de lancer cette étude. Le 11 mai dernier, en période de réserve électorale, un rapport préliminaire de Santé publique France a été publié. Ce que l'on y lit, ce sont des propos dignes du café du commerce ! Pas le début d'une statistique avérée ; pas le début d'un cas sur lequel il y aurait eu accord des autorités sanitaires. La parole est donnée à des pharmaciens et des médecins, qui disent qu'il se passe quelque chose, mais sans que jamais leur nom ne soit cité : impossible de vérifier l'authenticité de ces propos !

Avec le soutien des élus, des industriels et des organisations syndicales, je vous le dis, monsieur le secrétaire d'État : soit il se passe quelque chose, et vous devez nous le dire et intervenir immédiatement pour faire cesser les activités industrielles ; soit il ne se passe rien, et vous devez calmer cet organisme. Dites à Santé publique France, qui confie à des élèves de première année de sociologie le soin de réaliser ce type de rapport, qu'ils réservent leur expression à d'autres territoires que le bassin de Lacq, qui a tant donné à notre pays !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. À malice, malice et demie, monsieur le député. (Sourires.) Ne préjugez pas de ce que pensent de Santé publique France les services locaux de l'État !

Je vais essayer de vous répondre en objectivant autant que possible le processus en cours.

Vous l'avez rappelé, le bassin de Lacq concentre de multiples activités industrielles, et de nombreux emplois, depuis plusieurs décennies ; à ce titre, il fait l'objet d'un suivi continu par les autorités. La maîtrise des conséquences de ces activités sur la santé constitue une priorité pour l'État.

En réponse à une saisine de la direction générale de la santé concernant l'opportunité d'une surveillance épidémiologique autour du bassin industriel de Lacq, Santé publique France a développé une approche mixte, qui combine les approches qualitatives et quantitatives. Je vais me permettre de développer ce point, en réponse au jugement que vous émettez sur les premières conclusions qui ont pu filtrer dans la presse – sans que je sache par quel biais celle-ci a pu en avoir connaissance.

M. David Habib. C'est votre administration qui les a données !

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État . Trois études ont ainsi été engagées : une analyse du contexte local ; une étude exploratoire de morbidité ; une étude géographique de mortalité.

L'objectif de la première étude est d'identifier les perceptions, interrogations et attentes des différents acteurs locaux, à l'égard des liens entre santé et environnement autour du site industriel. Pour établir ce rapport, Santé publique France s'est appuyée sur une étude qualitative par entretiens semi-directifs. Ceux-ci, au nombre de trente-neuf, ont été menés auprès de différentes catégories de parties prenantes : représentants d'administrations de l'État, élus locaux – vous, peut-être –, acteurs industriels, représentants syndicaux de salariés, professionnels de santé, riverains, associations de défense de l'environnement et de la santé.

Ce rapport s'est également appuyé sur certains résultats du programme ACTER « accompagner les changements vers des territoires résilients », qui associe le CNRS et l'université de Pau.

L'importance de l'axe emploi-économie émerge chez tous les interviewés, en référence à une histoire industrielle très ancrée localement. Des craintes nées de l'arrêt d'activités et de la reconversion en cours des activités industrielles locales sont également exprimées : vous vous en êtes fait le relais ici. L'axe santé-environnement apparaît comme une préoccupation croissante, avec des niveaux d'inquiétude variables selon les acteurs interrogés. Il est relayé notamment par les deux principales associations consultées.

Les résultats des études épidémiologiques sont attendus, même si une absence de conclusion causale est probable, du fait de limites méthodologiques – multifactorialité, effets cocktails. Une transparence sur les méthodes et les conditions de réalisation des études épidémiologiques est particulièrement attendue, ainsi qu'une meilleure information des professionnels de santé locaux sur les polluants et leur impact sur la santé.

Enfin, une évaluation de la fréquence de certains symptômes ou pathologies, ne figurant pas nécessairement dans les bases de données utilisées par les épidémiologistes, a été plébiscitée. Une étude de santé déclarée sera envisagée prochainement pour tenter d'y répondre.