Question écrite n° 7674 :
Filière bovine dans les négociations sur le Mercosur

15e Législature

Question de : M. Philippe Huppé
Hérault (5e circonscription) - La République en Marche

M. Philippe Huppé interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les réponses à apporter aux inquiétudes des éleveurs sur les négociations actuelles qui ont lieu entre l'Union européenne et le MERCOSUR. Selon un sondage réalisé par le journal France agricole, 85 % des éleveurs estiment qu'un accord avec les pays du MERCOSUR présente un risque important, voire très important pour leur exploitation. Sur les négociations qui ont lieu en ce moment, les agriculteurs ont émis des craintes sur l'impact qu'aura l'abaissement des droits de douane sur les produits bovins. En effet, l'état des négociations actuelles prévoirait une exemption progressive de droits de douanes pour une quantité allant entre 70 000 et 100 000 tonnes équivalent carcasse de viande bovine. Ils émettent des doutes à la fois quantitatifs, mais aussi qualitatifs sur ces produits. Quantitatif dans le sens où cette exemption supposerait une importation plus conséquente de marchandises extracommunautaires sur un marché touché par des crises multiples. De plus, ces produits sont vendus environ 30 % moins cher par rapport à ceux que les producteurs français proposent, à l'heure où la filière connaît un déficit s'élevant à près de 230 millions d'euros selon un rapport du Sénat, et où le nombre d'exploitations ne cesse de diminuer. Qualitatif dans le sens où par exemple, les produits bovins sud-américains sont régulièrement élevés à l'aide de traitement antibiotique ou autres produits hormonaux, alors que les conditions d'élevage et d'exploitation en France sont de plus en plus strictes sur ce point et plus globalement sur l'ensemble des normes sanitaires. Les avantages que l'Union européenne, et notamment la France, va pouvoir tirer de ces accords, particulièrement dans le secteur automobile, ou par la reconnaissance du MERCOSUR de certaines indications géographiques protégées, mettant ainsi en valeur la qualité française à l'international, sont indéniables. Pour ce qui concerne l'élevage bovin, ils semblent être, dans l'état actuel des négociations, malheureusement plus ténus. Les agriculteurs ont placé une grande confiance dans le Gouvernement actuel, notamment à la suite des états généraux de l'alimentation et après la prise de position du Président de la République qui a déclaré dans son discours du 22 février à la nouvelle génération agricole que cet accord était « un très mauvais accord pas au niveau national parce qu'il était bon pour plein d'autres filières, [mais] pour l'agriculture ». Ils espèrent en ce sens la préservation de leurs intérêts par l'État français. Par conséquent, il souhaite connaître ce que le Gouvernement français souhaite mettre en place dans les négociations dans le but de protéger ses éleveurs.

Réponse publiée le 10 juillet 2018

L'Union européenne (UE) négocie actuellement un accord de libre-échange avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) avec un objectif affiché de conclusion en 2018. Les enjeux sont importants pour certaines filières agricoles françaises, notamment la filière bovine, compte tenu de la compétitivité des filières du Mercosur. Pleinement conscient de ces sensibilités, et en cohérence avec les objectifs des états généraux de l'alimentation, le Gouvernement est mobilisé pour assurer la défense des intérêts français et ainsi garantir la préservation du dynamisme économique des territoires. La France, soutenue par d'autres États membres, considère ainsi que la conclusion de l'accord UE/Mercosur est tributaire de l'équilibre entre l'ouverture du marché et la protection des filières sensibles agricoles dans la négociation, en particulier, le bœuf, l'éthanol, le sucre et les volailles. Concernant la viande bovine, l'UE a proposé à l'automne 2017 un contingent de 70 000 tonnes équivalent carcasse (tec). Face à la pression du Mercosur pour élever ce quota au-delà de 100 000 tec, la France demande que ce contingent soit le plus limité possible et ne s'écarte pas significativement de 70 000 tec. En cohérence avec les actions décidées dans le cadre du plan d'actionsur la mise en œuvre de l'accord économique et commercial global (AEGC/CETA), le Gouvernement fait en outre valoir que les concessions tarifaires sur les produits sensibles doivent s'inscrire dans les limites d'une « enveloppe globale », permettant de définir ce qui est soutenable pour les filières au regard du marché, à l'échelle de l'ensemble des négociations en cours ou à venir (Australie, Nouvelle-Zélande, Chili…). Il se mobilise également pour que ces concessions tarifaires soient directement liées à des mesures permettant de rétablir des conditions de concurrence équitables entre les producteurs français et ceux des pays du Mercosur (mécanisme de sauvegarde et conditions liées aux modes de production). Concernant le volet sanitaire et phytosanitaire, des audits ont été réalisés au Brésil par les services de la Commission européenne en 2017 et 2018 pour évaluer la fiabilité de la certification des exportations vers l'UE. Le Gouvernement sera particulièrement vigilant pour que soit garantie la fiabilité du système sanitaire du Mercosur avant la conclusion de l'accord, en cohérence avec les conclusions de ces audits. En tout état de cause, l'ensemble des importations de viande en provenance du Mercosur devront se conformer aux normes sanitaires de l'UE. En outre, les viandes bovines issues d'animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance non autorisée dans l'UE comme facteur de croissance resteront strictement interdites. Il reste du travail à mener d'ici la conclusion de cette négociation, le Mercosur devra démontrer qu'il peut proposer à l'UE un accord protecteur de ses sensibilités et synonyme d'avancées pour les secteurs agricoles offensifs. Le Gouvernement sera attentif jusqu'à la conclusion pour préserver les intérêts des filières agricoles françaises.

Données clés

Auteur : M. Philippe Huppé

Type de question : Question écrite

Rubrique : Commerce extérieur

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Dates :
Question publiée le 24 avril 2018
Réponse publiée le 10 juillet 2018

partager