15ème législature

Question N° 771
de Mme Stella Dupont (La République en Marche - Maine-et-Loire )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère attributaire > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Rubrique > eau et assainissement

Titre > GEMAPI et fiscalité

Question publiée au JO le : 11/06/2019
Réponse publiée au JO le : 19/06/2019 page : 6104

Texte de la question

Mme Stella Dupont attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations », dite GEMAPI. Cette compétence est devenue obligatoire pour les EPCI à fiscalité propre depuis le 1er janvier 2018. Bien qu'une loi votée fin 2017 soit venue assouplir et simplifier les conditions dans lesquelles les EPCI peuvent transférer ou déléguer cette compétence, de nombreux élus locaux conservent des inquiétudes à ce sujet. C'est particulièrement le cas dans son département, le Maine-et-Loire. En effet, la Loire et certains de ses affluents sont dotés d'un vaste système de protection composé notamment d'un barrage et de plusieurs centaines de kilomètres de digues aujourd'hui majoritairement gérées par l'État. Dans le cadre de la mise en œuvre de la compétence GEMAPI, la loi prévoit une mise à disposition de l'ensemble des digues aux communes et à leurs groupements. Or plusieurs études ont confirmé que leur niveau de protection est souvent insuffisant en regard de leur importance. C'est donc un enjeu crucial de sécurité des populations, qui entraîne une responsabilité et un coût financier très important pour les EPCI. Il faut aussi mentionner les besoins d'effectifs. Rappelons qu'en période de crise, la surveillance de premier niveau (c'est-à-dire, quand la Loire atteint 4,5 mètres de hauteur à Saumur) nécessite de mobiliser pas moins de 26 agents et ce, 24 heures sur 24. Or la taxe GEMAPI nouvellement créée ne semble pas être le véhicule adapté au financement de cette compétence. Le rapport Richard-Bur pointait déjà deux difficultés à cette taxe : la première est qu'elle reste peu utilisée par les EPCI qui craignent d'alourdir la pression fiscale sur les contribuables. La seconde, qui est majeure, c'est qu'elle se heurte à un désajustement géographique entre les EPCI et les bassins versants, qui sont pourtant les seuls périmètres d'intervention pertinents pour exercer la compétence GEMAPI dans l'esprit des directives européennes. Cela créé une inéquité et une hétérogénéité entre les EPCI et les contribuables pourtant exposés aux mêmes risques en termes de cycle de l'eau. La question financière est centrale. Elle nécessite des engagements, de la visibilité et une solidarité nationale forte pour ne pas dénaturer l'équité territoriale entre les EPCI, et entre les contribuables. Il lui demande si un encadrement national est prévu. Elle pense notamment à un mécanisme de péréquation. Afin d'éviter de trop forts déséquilibres territoriaux, elle lui demande également ce que prévoit l'État pour le surcoût lié au transferts de digues domaniales.Mme Stella Dupont attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations », dite GEMAPI. Cette compétence est devenue obligatoire pour les EPCI à fiscalité propre depuis le 1er janvier 2018. Bien qu'une loi votée fin 2017 soit venue assouplir et simplifier les conditions dans lesquelles les EPCI peuvent transférer ou déléguer cette compétence, de nombreux élus locaux conservent des inquiétudes à ce sujet. C'est particulièrement le cas dans son département, le Maine-et-Loire. En effet, la Loire et certains de ses affluents sont dotés d'un vaste système de protection composé notamment d'un barrage et de plusieurs centaines de kilomètres de digues aujourd'hui majoritairement gérées par l'État. Dans le cadre de la mise en œuvre de la compétence GEMAPI, la loi prévoit une mise à disposition de l'ensemble des digues aux communes et à leurs groupements. Or plusieurs études ont confirmé que leur niveau de protection est souvent insuffisant en regard de leur importance. C'est donc un enjeu crucial de sécurité des populations, qui entraîne une responsabilité et un coût financier très important pour les EPCI. Il faut aussi mentionner les besoins d'effectifs. Rappelons qu'en période de crise, la surveillance de premier niveau (c'est-à-dire, quand la Loire atteint 4,5 mètres de hauteur à Saumur) nécessite de mobiliser pas moins de 26 agents et ce, 24 heures sur 24. Or la taxe GEMAPI nouvellement créée ne semble pas être le véhicule adapté au financement de cette compétence. Le rapport Richard-Bur pointait déjà deux difficultés à cette taxe : la première est qu'elle reste peu utilisée par les EPCI qui craignent d'alourdir la pression fiscale sur les contribuables. La seconde, qui est majeure, c'est qu'elle se heurte à un désajustement géographique entre les EPCI et les bassins versants, qui sont pourtant les seuls périmètres d'intervention pertinents pour exercer la compétence GEMAPI dans l'esprit des directives européennes. Cela créé une inéquité et une hétérogénéité entre les EPCI et les contribuables pourtant exposés aux mêmes risques en termes de cycle de l'eau. La question financière est centrale. Elle nécessite des engagements, de la visibilité et une solidarité nationale forte pour ne pas dénaturer l'équité territoriale entre les EPCI, et entre les contribuables. Il lui demande si un encadrement national est prévu. Elle pense notamment à un mécanisme de péréquation. Afin d'éviter de trop forts déséquilibres territoriaux, elle lui demande également ce que prévoit l'État pour le surcoût lié au transferts de digues domaniales. Enfin, la loi GEMAPI de décembre 2017 envisageait en son troisième article qu'un rapport d'évaluation soit rendu dans un délai de 6 mois à compter de son entrée en vigueur. Ce rapport devait notamment dresser un bilan de la protection du territoire national contre les risques d'inondations fluviales et de submersion marine. Il devait également étudier les évolutions institutionnelles et financières possibles de cette gestion. Elle lui demande de lui indiquer la date à laquelle ce rapport sera publié.

Texte de la réponse

GESTION DES MILIEUX AQUATIQUES ET PRÉVENTION DES INONDATIONS


M. le président. La parole est à Mme Stella Dupont, pour exposer sa question, n°  771, relative à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations.

Mme Stella Dupont. La compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, dite « GEMAPI », est devenue obligatoire pour les EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – à fiscalité propre depuis le 1er janvier 2018. Bien qu'une loi votée fin 2017 soit venue assouplir et simplifier les conditions dans lesquelles les EPCI peuvent transférer ou déléguer cette compétence, de nombreux élus locaux conservent des inquiétudes à ce sujet.

C'est particulièrement le cas dans mon département, le Maine-et-Loire. En effet, la Loire, fleuve majestueux, et certains de ses affluents sont dotés d'un vaste système de protection composé en particulier de centaines de kilomètres de digues, gérées notamment par l'État. Dans le cadre de la mise en œuvre de la compétence GEMAPI, la loi prévoit une mise à disposition de l'ensemble des digues aux communes et à leurs groupements. Or plusieurs études ont confirmé que leur niveau de protection est souvent insuffisant en regard de leur importance. C'est donc un enjeu crucial de sécurité des populations, qui entraîne une responsabilité et un coût financier très important pour les EPCI.

Or la taxe GEMAPI ne semble pas être le véhicule adapté au financement de cette compétence. Le rapport de M. Alain Richard et M. Dominique Bur pointait déjà deux difficultés. Premièrement, cette taxe reste peu utilisée par les EPCI car, à défaut d'un transfert de fiscalité, ils craignent d'alourdir la pression fiscale sur les contribuables en créant une taxe nouvelle. La seconde difficulté est majeure : la taxe se heurte à un désajustement géographique entre les EPCI et les bassins versants.

De mon point de vue, ces derniers constituent les seuls périmètres d'intervention pertinents pour exercer la compétence GEMAPI dans l'esprit des directives européennes. Tous les ouvrages du bassin versant jouent un rôle pour un territoire donné : c'est un tout. La réglementation actuelle crée une iniquité et une hétérogénéité entre les EPCI et les contribuables pourtant exposés aux mêmes risques en termes de cycle de l'eau. La question financière est centrale ; elle nécessite des engagements, de la visibilité et une solidarité nationale forte pour ne pas dénaturer l'équité territoriale entre EPCI et entre contribuables.

Monsieur le ministre, un encadrement national est-il prévu ? Je pense en particulier à un mécanisme de péréquation. Afin d'éviter de trop forts déséquilibres territoriaux, que prévoit l'État pour le surcoût lié au transfert de digues domaniales ? L'article 3 de la loi GEMAPI prévoit la remise d'un rapport d'évaluation au Parlement, pour présenter « un bilan de la protection du territoire national contre les risques d'inondations fluviales et de submersion marine » et pour étudier « les évolutions institutionnelles et financières possibles de cette gestion ». Auriez-vous l'obligeance de nous indiquer à quelle date ce rapport sera publié ?

M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la ville et du logement.

M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement. Madame Dupont, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, qui m'a chargé de vous répondre.

Depuis le 1er janvier 2018, la compétence GEMAPI est devenue une compétence obligatoire des EPCI à fiscalité propre. Cette évolution vise à clarifier les responsabilités et les compétences, et à consolider les liens entre la gestion de l'eau et la prévention des inondations. Vous avez dit tout cela ; je n'y reviens pas.

Vous savez aussi que la GEMAPI peut être financée de deux façons : par les ressources non affectées du budget général et/ou par une taxe facultative, plafonnée à l'équivalent de 40 euros par habitant et par an, dédiée exclusivement à la prise en charge de cette compétence.

Plus d'un an après l'entrée en vigueur de la loi, il ressort que la prise de compétence GEMAPI se structure progressivement, malgré certaines disparités territoriales, j'y reviendrai.

Dans la plupart des cas, l'organisation de la compétence est aujourd'hui stabilisée et une dynamique positive est enclenchée. Les chiffres en témoignent : au 1er janvier 2018, parmi les 1 264 EPCI à fiscalité propre existants, 428 avaient instauré une taxe GEMAPI, et le produit total a dépassé 150 millions d'euros en 2018, contre seulement 25 millions d'euros en 2017.

Il reste cependant quelques territoires pour lesquels une solution consensuelle entre les acteurs doit encore être trouvée. C'est le cas, en particulier, des territoires situés le long de la Loire, dont vous avez fait état. Face à ce constat, le Gouvernement a confié une mission aux corps d'inspection pour expertiser toute option pouvant faire consensus. C'est en effet grâce à un tel consensus que nous pourrons trouver des solutions. Cette mission est en cours. Je ne dispose pas de la date exacte de remise de son rapport, mais je m'engage à en parler avec Mme Jacqueline Gourault pour que nous puissions vous fournir cette information.

J'insiste aussi sur le fait que des financements ont été consacrés aux digues domaniales de la Loire et que les EPCI peuvent transférer tout ou partie de la compétence GEMAPI à un ou plusieurs syndicats recouvrant un même bassin versant. Cela répond à l'une de vos questions, particulièrement parlante pour l'ingénieur des eaux et forêts que je suis.