15ème législature

Question N° 778
de Mme Justine Benin (Mouvement Démocrate et apparentés - Guadeloupe )
Question écrite
Ministère interrogé > Cohésion des territoires
Ministère attributaire > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Rubrique > urbanisme

Titre > Application loi SRU outre-mer

Question publiée au JO le : 22/08/2017 page : 4180
Réponse publiée au JO le : 04/12/2018 page : 10977
Date de changement d'attribution: 16/10/2018

Texte de la question

Mme Justine Benin interroge M. le ministre de la cohésion des territoires sur l'application, en Guadeloupe, de l'article 55 de la loi 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. La loi « solidarité et renouvellement urbains », dite loi « SRU », prévoit dans son article 55 l'obligation pour certaines communes de disposer d'un taux minimum de logements sociaux, selon des critères définis par le code de la construction et de l'habitation (CCH). Le taux de 25 % de logements sociaux s'applique aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Île-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions qui sont situées dans une agglomération ou un EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants. Pour certaines communes, un seuil de 20 % s'applique selon des critères spécifiques. Enfin, certaines communes sont exemptées. Les articles 97 à 99 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté ont modifié les dispositions législatives relatives à la mise en oeuvre de l'article 55 de la loi SRU, codifiées aux articles L. 302-5 à L. 302-9-4 du CCH, pour d'une part, redéfinir les conditions d'application territoriale du dispositif et de fixation des niveaux d'obligation dans le sens d'un recentrage sur les territoires sur lesquels la demande de logement social est avérée et plus forte, et d'autre part, renforcer l'opérationnalité des outils existants pour rendre plus efficace l'action de l'État dans les communes carencées. En raison de l'inadaptabilité de cette loi au contexte guadeloupéen et à ses réalités, les services de l'État ont longtemps retardé sa mise en application. Ce n'est qu'en 2017 que certaines communes y ont été assujetties et se sont vues signifier des amendes de plusieurs dizaines de milliers d'euros. Les recettes des communes sont déjà ponctionnées d'une partie de leur dotation globale de fonctionnement, dans le cadre de la réduction des dépenses publiques de l'État. Aussi, le schéma d'aménagement régional et la vocation agricole de certaines communes guadeloupéennes rendent complexe voire annihilent toutes possibilités de dégager de nouveaux espaces fonciers. Ainsi, en dépit de leur bonne volonté et de leur souci de respecter une stricte application de la loi, plusieurs communes de Guadeloupe ne seront jamais en mesure, en l'état actuel de la réglementation, d'atteindre lesdits quotas. Elles s'exposent alors à être systématiquement condamnées financièrement, mettant en péril leurs budgets, déjà bien contraints. Elle l'interroge sur l'opportunité de procéder à une révision de l'article 55 de la loi précitée pour l'adapter à la réalité de chaque territoire de la République, et plus particulièrement des territoires insulaires comme la Guadeloupe, et in fine, sur la possibilité d'instaurer, à titre exceptionnel, une exonération pour les communes dont le contexte local le justifie.

Texte de la réponse

Ainsi qu'il l'a rappelé tout au long de la discussion parlementaire relative au projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, le Gouvernement considère que le dispositif issu de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) est équilibré, s'agissant de son périmètre d'application et du niveau des obligations assignées aux communes en matière de logement social (20 ou 25 % des résidences principales), au regard des spécificités locales. Toutes les communes aujourd'hui soumises à obligation de rattrapage et à l'effort de solidarité, dès lors qu'elles n'atteignent pas le taux applicable, sont nécessairement situées dans des agglomérations tendues, au sein desquelles la demande de logement social est largement supérieure à l'offre de logements disponible. Quand elles sont situées hors de ces agglomérations, elles sont pleinement intégrées, notamment par le réseau de transport en commun, dans les bassins d'activités et d'emplois. C'est ainsi le cas des communes soumises à l'article 55 de la loi SRU en Guadeloupe comme dans tous les territoires d'outre-mer dans lesquels le taux de ménages pouvant prétendre à un logement locatif social est de 75 %, et dans lesquels la demande en logement social est par conséquent très élevée (au 1er janvier 2018, on dénombre ainsi plus de 7 demandeurs en attente pour une demande satisfaite sur l'agglomération de Pointe-à-Pitre-Les Abymes). Au regard des besoins qui s'expriment de manière indiscutable dans ces communes et de leur intégration aux bassins de vie, aucune de ces communes ne saurait aujourd'hui raisonnablement contester la pertinence de l'effort à réaliser pour mieux loger les ménages modestes, et le Gouvernement ne peut que vivement regretter le retard pris, jusqu'en 2017, dans le territoire de la Guadeloupe pour lancer des dynamiques vertueuses de production de logement social. En outre, le dispositif tel qu'issu de la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017, et inchangé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, permet d'exempter de cet effort les communes situées dans des agglomérations peu tendues, ou, hors des agglomérations, dans des secteurs isolés, mal desservis, et peu attractifs, aussi bien pour les ménages modestes que pour les bailleurs sociaux. Le mécanisme en vigueur permet également de supprimer les obligations de développement de l'offre locative sociale dans des communes fortement contraintes, dont plus de la moitié du territoire urbanisé est grevée par des servitudes ou des dispositions limitant trop fortement ou interdisant la construction (plan de protection des risques, plan d'exposition au bruit, servitudes environnementales…). C'est ainsi que sur la base de ces critères, le Gouvernement a pris le 28 décembre 2017 un décret permettant d'exempter, pour les années 2018 et 2019, 274 communes des obligations résultant de l'article 55 de la loi SRU. Cela constitue ainsi une multiplication par quatre, par rapport à la situation antérieure, du nombre de communes dispensées de l'effort de solidarité, pour tenir compte des réalités territoriales et mieux articuler le périmètre d'application de l'article 55 à ces réalités et renforcer sa cohérence et sa crédibilité.Six communes de Guadeloupe, en dehors des agglomérations importantes, et mal reliées aux bassins de vie et d'emplois, sont exemptées dans ce cadre (près de 38 % des communes soumises à l'article 55 de la loi SRU en 2017 sur le territoire), preuve que le dispositif prend réellement en compte la situation des communes isolées, à vocation rurale, du territoire guadeloupéen. Au terme de ce décret, ce sont au final un peu plus de 1 000 communes au niveau national, dont une dizaine en Guadeloupe, qui restent soumises à l'obligation de rattrapage, et qui doivent lancer des actions ambitieuses de développement de l'offre de logements sociaux, à ce jour insuffisante au regard des besoins, au profit des plus fragiles de nos concitoyens. Parmi ces communes, s'il se trouve encore des communes rurales, c'est qu'elles ne répondent pas aux conditions d'exemption précitées, et que l'effort de production y est aussi souhaitable que possible, voire qu'on y observe un développement de l'offre de logements privés. Quand bien même dans ces secteurs, l'offre de foncier disponible est parfois restreinte et/ou coûteuse, le Gouvernement rappelle que le développement de l'offre de logements sociaux peut alors s'y opérer par conventionnement du parc existant et reconquête des logements vacants et dégradés dans les centres-bourgs. Les dispositions de l'article 55 de la loi SRU prennent donc déjà pleinement en compte les spécificités des territoires. Les communes et EPCI concernés peuvent se rapprocher des services déconcentrés de l'État pour mieux appréhender les critères pris en compte. S'agissant enfin de l'impact de ce dispositif sur les finances communales, il convient de rappeler, d'une part, que les prélèvements prévus par l'article 55, opérés annuellement et indexés sur le déficit en logement social des communes, sont plafonnés de 5 à 7,5 % des dépenses de fonctionnement communales, et, d'autre part, qu'ils ne sont donc pas de nature à bouleverser l'équilibre des finances locales. En outre, toutes les dépenses exposées par les communes soumises à rattrapage en faveur du développement de l'offre sociale de logement sont déductibles des prélèvements. C'est ainsi qu'au niveau national, près de 110 M€ de dépenses déductibles ont été défalqués des prélèvements 2017, annulant le prélèvement pour 30 % des 1 219 communes soumises. Pour toutes ces raisons, aucun moratoire n'est envisagé par le Gouvernement pour les communes soumises à ce jour à l'article 55 de la loi SRU en Guadeloupe, et plus généralement en outre-mer, en dehors de l'application du cadre d'exemption en vigueur.