Accès des maires aux fichés S
Question de :
Mme Barbara Bessot Ballot
Haute-Saône (1re circonscription) - La République en Marche
Mme Barbara Bessot Ballot interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la possibilité de donner aux maires l'accès aux fichiers contenant les fichés S résidant sur leurs communes. Les fichés S recensent des personnes soupçonnées d'être une menace pour la sûreté de l'État : d'après la loi, peuvent faire l'objet d'une fiche S toutes les personnes « faisant l'objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard ». Près de 20 000 personnes sont inscrites au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), qui recense un large spectre de personnes, depuis celles en voie de radicalisation jusqu'à celle dont la radicalisation ou la participation à des réseaux islamistes est avérée. Ce fichier, à diffusion restreinte, contient les données personnelles des individus repérés et leurs liens avec d'éventuels autres suspects. Les tristes événements survenus dans l'Aude le 23 mars 2018 montrent, mais nous le savions déjà hélas, que tout le pays est concerné par la menace terroriste. Après Montauban, Toulouse, Paris, Nice, Saint-Étienne-du-Rouvray, Carcassonne et Trèbes, c'est bien la France, avec ses valeurs, ses métropoles, ses villes, ses petites communes qui sont touchées. Les forces de l'ordre ont toujours parfaitement et admirablement agi dans ces situations. La France peut se targuer d'avoir partout sur son territoire des élus engagés et soucieux de l'intérêt général. Ne faudrait-il pas que les maires puissent être informés de la présence de fichés S sur leur commune ? Le renseignement, maillon indispensable de la lutte antiterroriste peut et doit s'appuyer sur ces OPJ que sont les maires sur leur territoire. Ce maillage fin que représentent les communes, déjà en contact régulier avec les forces de gendarmerie, de police, améliorera la sécurité de la Nation toute entière. Elle lui demande si ce ne serait pas là également un moyen de valoriser les élus de terrain, leur engagement et au final la démocratie.
Réponse publiée le 15 janvier 2019
Les fiches S sont émises par les services de renseignement pour diffusion au sein du fichier des personnes recherchées et au système d'information Schengen au titre de la sûreté de l'Etat. Elles constituent un outil de surveillance, et d'aide à l'investigation administrative, sans aucun caractère coercitif. Elles permettent aux services de recueillir, en toute discrétion, des données sur un individu (entourage, déplacement, moyens de transport) lors de son passage de frontière ou d'un contrôle sur le territoire national ou dans un des Etats Schengen. Dans la mesure où les fiches S sont émises dans le cadre d'une enquête administrative, celles-ci ne constituent en aucun cas une évaluation ou un indice de la dangerosité d'un individu, ni a fortiori de sa supposée implication dans une infraction pénale. Il n'est dès lors pas envisageable de les communiquer aux élus dans la mesure où le secret, gage de l'efficacité du travail de renseignement, conditionne directement l'utilité des fiches S. De même, la transmission de telles informations nuirait directement à la confidentialité des enquêtes de renseignement en cours. Enfin, la compromission de cette confidentialité, outre la responsabilité personnelle qu'elle ferait peser sur les auteurs de toutes diffusions incontrôlées, serait de nature à obérer l'aboutissement des investigations en renseignement et donc, in fine leurs chances d'être prises en compte par l'autorité judiciaire. Pour autant, il convient de souligner que le Gouvernement n'est pas demeuré inactif face à la nécessité de promouvoir une meilleure complémentarité entre les politiques locales des collectivités territoriales et l'action engagée par l'Etat en ce domaine. En effet, à l'issue du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) le 23 février 2018 à Lille, le Premier ministre a présenté les 60 mesures prévues par le plan national de prévention de la radicalisation. Parmi les principaux axes de travail présentés par le Gouvernement dans ce plan figurent l'objectif de « compléter le maillage détection/prévention » ainsi que celui « d'impliquerles collectivités territoriales dans les prises en charge » des personnes présentant des signes de radicalisation, et l'accompagnement de leur famille. Pour la mise en œuvre du premier objectif, les collectivités territoriales sont ainsi invitées à nommer des « référents », élus et/ou coordonnateurs du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance/conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance afin de renforcer et sécuriser l'échange d'information avec les cellules de suivi pour la prévention de la radicalisation et l'accompagnement des familles (CPRAF) et améliorer les dispositifs de détection, de signalement et de prise en charge des personnes radicalisées. Est également prévu par le Gouvernement l'élaboration d'un cadre national de formation en direction des élus « destiné à être décliné au niveau territorial en vue d'intensifier les actions de formations des agents territoriaux » en lien notamment avec le centre national de la fonction publique territoriale et le conseil national de la formation des élus locaux. Conformément aux annonces du Président de la République en mai 2018, Christophe CASTANER, ministre de l'intérieur, a signé le 13 novembre 2018 une circulaire renforçant les échanges entre les préfets et les maires en matière de radicalisation. Répondant à une attente exprimée de longue date par les maires, cette circulaire prévoit que les préfets informeront les maires qui en font la demande sur l'état général de la menace sur le territoire de leur commune. Elle prévoit en outre la désignation, au sein des services de l'Etat, d'interlocuteurs de proximité pour permettre aux maires de signaler, en temps réel, une situation de radicalisation présumée, et garantit aux maires un retour systématique sur les signalements qu'ils effectuent. Enfin, elle autorise le préfet, dans certaines situations, à transmettre personnellement au maire des informations confidentielles nominatives, par exemple pour attirer son attention sur le profil d'un employé municipal présentant un risque de radicalisation, ou encore sur les risques associés au subventionnement d'une association ou d'un commerce. Pour garantir la confidentialité des échanges ainsi que celle du travail des services de police, de gendarmerie et de renseignement, une charte sera signée entre le préfet, le maire et le procureur de la République. Pour la mise en œuvre du second objectif, le plan prévoit de s'appuyer sur les sous-préfets d'arrondissement et les délégués du préfet pour développer les actions de coopération entre les collectivités territoriales et les services de l'Etat en lien avec les CPRAF et les opérateurs sociaux de proximité (caisse d'allocations familiales, missions locales, etc.). Sont également prévus dans ce cadre, le renforcement de l'action des conseils départementaux dans le suivi des enfants de familles de retour des zones d'opérations de groupement terroristes en lien avec les CPRAF au niveau local et le SG-CIPDR au niveau national, ainsi que la généralisation des plans de prévention de la radicalisation dans les contrats de ville.
Auteur : Mme Barbara Bessot Ballot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 24 avril 2018
Réponse publiée le 15 janvier 2019