15ème législature

Question N° 799
de M. Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Projet éolien offshore Dieppe - Le Tréport

Question publiée au JO le : 29/08/2017 page : 4219
Réponse publiée au JO le : 08/05/2018 page : 3920
Date de signalement: 28/11/2017

Texte de la question

M. Sébastien Jumel attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le dessaisissement du Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d'Opale de l'avis conforme sur le projet éolien Dieppe-Le Tréport. Le 6 juin 2017, la préfecture de Seine-Maritime a saisi le président du conseil d'administration de l'Agence française de la biodiversité pour avis conforme sur le projet éolien en mer Dieppe-Le Tréport. Cette saisine a été faite sur instruction de la direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) du ministère de la transition écologique et solidaire sur le fondement d'une interprétation de l'article R. 334-33 (nouveau), texte qui pourrait être précisé par une note ou circulaire. En estimant que l'avis conforme sur ce projet éolien offshore - qui concerne le domaine maritime qui se trouve dans le champ du Parc marin des estuaires picards et de la mer d'Opale - relève du conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité et en demandant à la préfecture de Seine-Maritime de saisir cette Agence d'avoir à rendre cet avis, le ministère fait le choix de déposséder le conseil de gestion du parc naturel marin précité de sa capacité à produire un avis sur un sujet sur lequel il travaille de longue date. Les parcs naturels marins ont été créés comme des instances de gestion décentralisées portées par une gouvernance locale, pour avoir à connaître de l'ensemble des projets susceptibles d'altérer de manière notable le milieu marin dans leur périmètre géographique de compétence, à l'exception de tout projet lié à la défense nationale et à ses impératifs. C'est à ce titre que le législateur leur a conféré un pouvoir important avec cette capacité à émettre des avis conformes sur les projets qui concernent la protection du milieu marin. Dans le cas d'espèce, le Parc marin des estuaires picards et de la mer d'Opale s'apprêterait à rendre un avis pour le mois de novembre 2017 sur le projet de parc éolien en mer Dieppe-Le Tréport lorsqu'il a eu connaissance il y a quelques semaines de cela de l'interprétation que faisait le ministère de l'évolution juridique relative aux avis conformes délivrés dans les parcs naturels marins. Laquelle interprétation s'est ensuite traduite par le choix de l'État de saisir l'Agence française de la biodiversité plutôt que le Parc marin concerné pour avis sur le projet éolien offshore. Cette recentralisation du pouvoir de décision qui ne dit pas son nom est très mal vécue par les membres du conseil de gestion du Parc marin des estuaires picards et de la mer d'Opale. Elle revient à changer les règles du jeu en cours de route alors qu'une méthode de travail avait été adoptée par ce conseil de gestion pour un examen collectif des effets potentiels significatifs sur le milieu marin de ce projet, et qu'un travail important d'analyse avait été engagé. Les représentants des collectivités locales, de la pêche professionnelle, des usagers et des scientifiques ont signifié au président du Parc leur mécontentement. Ils s'interrogent sur l'intérêt qu'ils ont de continuer à siéger au sein d'une instance dépossédée d'une partie de ses attributions. Une instance qui est, par ailleurs, comme le souligne le président de son conseil de gestion dans un courrier récent à l'attention de M. le ministre, assez dépourvue des moyens humains nécessaires à assurer les missions qui lui sont dévolues. Il faut ajouter que d'un point de vue strictement juridique, rien dans la loi n'interdisait, semble-t-il, aux services de l'État de saisir le Parc marin de l'avis à rendre sur le parc éolien offshore plutôt que l'Agence française de la biodiversité, que ce choix a été très tardif et qu'il procède d'une interprétation du texte qui peut être discutée. On ne peut que constater et déplorer en revanche la conséquence de choix : elle aura pour effet de priver les acteurs locaux qui sont la force du parc marin de la possibilité de rendre un avis ayant quelques effets possibles. On sait, cela a été souligné par le rapporteur du débat public en 2015, que, parmi les contestations du projet, celle qui porte sur le choix d'une zone d'implantation du parc éolien qui importera de manière très significative l'économie régionale de la pêche est la plus fondée. Le débat public a d'ailleurs regretté que l'État n'ait pas tenu compte des avis négatifs sur le fléchage, précisément, de cette zone-là pour l'implantation des éoliennes, exprimés lors de l'instruction d'un projet éolien offshore antérieur, finalement abandonné en 2010. La zone est demeurée la même pour le projet éolien offshore attribué en 2014 alors qu'elle est, sans conteste, la plus riche en ressources halieutiques de la Manche Est. Il résulte de tout cela que le dessaisissement du conseil de gestion du Parc marin des estuaires picards et de la mer d'Opale de sa capacité à rendre un avis conforme peut apparaître comme une volonté très claire de l'État de priver les acteurs locaux d'un moyen de faire évoluer le projet dans un sens plus conforme aux intérêts du milieu marin, et ce afin que rien ne puisse venir différer le développement du parc offshore. La soudaine nécessité de présenter une doctrine juridique restrictive à l'encontre du parc marin apparaît à cet égard pour le moins étonnante, troublante même. Il y a dans cette affaire des coïncidences de calendrier qui interrogent. Il porte à sa connaissance également le fait que le représentant du groupe Engie, groupe en charge du développement de ce projet éolien à travers la société Éoliennes en mer Dieppe Le Tréport, qui siégeait jusqu'à fin 2016 au conseil de gestion du Parc marin des estuaires picards et de la mer d'Opale, s'en est retiré à cette époque pour ne pas apparaître comme juge et partie. Dans les semaines qui ont suivi on a vu se déployer cette sorte de bouclier juridique que M. le député vient de lui décrire. Il lui demande donc de bien vouloir faire en sorte de revenir sur la saisine de l'Agence française de la biodiversité s'agissant de l'avis conforme sur le projet éolien offshore Dieppe Le Tréport afin que cette capacité soit officiellement rendue au conseil de gestion du Parc marin des estuaires picards et de la mer d'Opale dans l'intérêt même d'un projet qui n'a de sens pour la France que s'il préserve le milieu marin et la pêche professionnelle artisanale du littoral, un secteur vital pour l'économie régionale, dans ses ressources et moyens.

Texte de la réponse

Les parcs naturels marins constituent des projets de territoires essentiels auxquels le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, est particulièrement attaché. Leur gouvernance innovante, associant au sein de leurs conseils de gestion l'ensemble des acteurs d'un espace maritime, permet de construire une vision partagée de l'avenir de nos zones maritimes, afin de concilier le développement maîtrisé des activités et la protection des écosystèmes. Pour gérer ces espaces en cohérence avec cette vision partagée, l'avis conforme pour les autorisations d'activités susceptibles d'altérer de façon notable le milieu marin des parcs naturels marins constitue un outil fondamental. Il est conscient des inquiétudes concernant la capacité des conseils de gestion à émettre ces avis conformes qu'ont suscité les modifications de la partie réglementaire du code de l'environnement. La situation actuelle résulte de l'application des textes modifiés à l'issue de l'examen par le Conseil d'État du projet de décret relatif à l'autorisation environnementale (décret publié no 2017-81 du 26 janvier 2017). L'enchaînement de ces modifications réglementaires, initialement envisagées pour étendre la liste de projets pouvant faire l'objet d'un avis conforme, a eu pour conséquence inattendue de restreindre les possibilités pour le conseil d'administration de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) d'en déléguer la possibilité aux conseils de gestion des parcs naturels marins concernés. Cette situation ne relève donc pas d'une interprétation de l'administration centrale. Il connaît les conséquences que cela a pu avoir sur la perception qu'ont ces acteurs de leur rôle, mais tient à assurer que cela ne correspond en aucune façon à une volonté de recentralisation. C'est pourquoi il a engagé un processus de large consultation auprès des acteurs, aux premiers rangs desquels les présidents de conseils de gestion des parcs naturels marins et les représentants des pêcheurs professionnels, ainsi que les élus intéressés. À la suite de ces consultations, il a demandé à ses services des propositions, le cas échéant sous forme de modifications juridiques, afin de concilier les différentes politiques mises en œuvre par le ministère (transition énergétique et protection de la biodiversité). À cet effet, un projet de décret vient d'être transmis au Conseil d'État. L'avis conforme est restauré au conseil de gestion des parcs naturels marins excepté pour les grands projets. Parallèlement, le ministre veillera à ce que le conseil d'administration de l'AFB, lorsqu'il est consulté pour avis conforme et qu'il ne peut déléguer cette compétence, puisse s'appuyer sur les observations préalables du conseil de gestion concerné pour émettre cet avis. Le dossier du projet de parc éolien Dieppe-Le Tréport a été examiné par le conseil d'administration de l'AFB car ce type de travaux ne fait pas partie des activités pour lesquelles le conseil d'administration peut déléguer la compétence de rendre un avis conforme aux conseils de gestion. Dans ce cas d'espèce, le conseil de gestion du parc naturel marin avait été invité à préparer préalablement un avis technique, produit grâce à ses travaux préparatoires. Le conseil d'administration de l'AFB a tenu le plus grand compte des observations du conseil de gestion. Ceci illustre l'importance de favoriser au maximum le dialogue entre les différents acteurs pour parvenir à concilier ces objectifs. En ce qui concerne les moyens mis à disposition des conseils de gestion de parcs naturels marins, la création des 9 parcs naturels marins a été menée à un rythme plus rapide que la progression des effectifs qui leur sont affectés, mais le ministre tient à souligner que la création de l'AFB a permis d'importants efforts qui ont été portés vers les parcs naturels marins. Une démarche va être lancée pour redéfinir le calibrage des moyens de gestion nécessaires à ces parcs naturels marins. La montée en puissance des équipes et moyens va se faire progressivement. En outre, il est aussi important de faire évoluer les parcs naturels marins vers des partenariats publics-publics, mais aussi publics-privés. Ceci sera étudié dans le cadre de la révision de la stratégie « aires marines protégées » annoncée par le ministre en marge des Assises de l'économie de la mer.