15ème législature

Question N° 801
de M. Laurent Saint-Martin (La République en Marche - Val-de-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > élections et référendums

Titre > Projet de suppression des machines à voter sur l'ensemble du territoire national

Question publiée au JO le : 19/11/2019
Réponse publiée au JO le : 27/11/2019 page : 11555

Texte de la question

M. Laurent Saint-Martin interroge M. le ministre de l'intérieur sur le fait que, dans sa feuille de route publiée en septembre 2017, le ministère de l'intérieur a annoncé le souhait du Gouvernement d'interdire les machines à voter. Inscrites dans le code électoral depuis 50 ans, ces machines ne sont en réalité utilisées que depuis une quinzaine d'années, à la suite d'expérimentations menées par le ministère de l'intérieur. Ces expérimentations ont conduit à un certain nombre d'incidents lors des élections présidentielles et législatives de 2007, ce qui a conduit le ministère de l'intérieur à mettre en place un moratoire sur les machines à voter. Depuis cette date, plus aucune commune n'a été autorisée à opter pour cette technique de vote. Le vote électronique demeure donc minoritaire sur le territoire national : ainsi, seules 64 communes utilisaient encore des machines à voter lors des élections présidentielles de 2017. En dépit de leur faible proportion, la persistance des machines à voter dans la vie politique fait l'objet de nombreuses critiques de la part des usagers : risque accru de fraude, difficulté à garantir le caractère secret du vote, erreurs fréquentes d'émargement dans les bureaux de vote utilisant ces machines et impossibilité de recompter les votes pour effectuer un contrôle. M. le député a ainsi été sollicité par des élus et des habitants de Villeneuve-le-Roi, une ville de sa circonscription du sud du Val-de-Marne. Ces derniers sont inquiets de l'utilisation des machines à voter dans leur commune, car les machines dont ils se servent sont obsolètes et présentent de nombreuses failles, notamment au moment de leur paramétrage. Ces inquiétudes, d'autres citoyens les partagent. M. le député a ainsi pu constater que certains de ses collègues, dans le Val-de-Marne mais aussi dans les Alpes-Maritimes, se sont également saisis de cette problématique. Ils ont protesté contre l'absurdité de la situation, qui conduit certaines communes à continuer à être dotées de machines à voter alors que les autres font face à un moratoire depuis plus de 10 ans. Une telle situation est génératrice d'incompréhension, et ne peut perdurer. Aussi, il lui demande de lui préciser les intentions du Gouvernement concernant l'utilisation des machines à voter lors des prochaines élections.

Texte de la réponse

UTILISATION DES MACHINES À VOTER


Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Saint-Martin, pour exposer sa question, n°  801, relative à l'utilisation des machines à voter.

M. Laurent Saint-Martin. Dans sa feuille de route publiée en septembre 2017, le ministère de l'intérieur a annoncé le souhait du Gouvernement d'interdire les machines à voter. Inscrites dans le code électoral depuis cinquante ans, elles ne sont en réalité utilisées que depuis une quinzaine d'années, dans le cadre d'expérimentations menées par le ministère de l'intérieur. Toutefois, des incidents survenus lors des élections présidentielle et législatives de 2007 ont conduit le ministère de l'intérieur à instaurer un moratoire sur les machines à voter. Depuis, plus aucune nouvelle commune n'a pu s'en doter.

Aujourd'hui, le vote électronique est minoritaire sur le territoire national : seules soixante-quatre communes y ont recouru lors de l'élection présidentielle de 2017. Mais bien que ces machines à voter soient en nombre limité, leur persistance dans notre vie politique suscite de nombreuses critiques de la part des usagers : risque plus ou moins avéré de fraude, difficulté à garantir le secret du vote, fréquentes erreurs d'émargement dans les bureaux, et, plus gênant, impossibilité de recompter les votes pour effectuer un contrôle.

Je n'ai pas l'intention d'appeler à une quelconque suspicion quant à la fiabilité des machines à voter, mais je souhaite expliquer que ce climat de suspicion peut exister dans les villes concernées, quand aucun propos rassurant n'entoure ces dispositifs. J'ai été sollicité par de nombreux élus et habitants de ma circonscription du Val-de-Marne, notamment de la commune de Villeneuve-le-Roi, qui recourt à ce système de vote. Nos concitoyens s'inquiètent de l'utilisation de telles machines, en particulier – de façon légitime, me semble-t-il – parce que le logiciel est paramétré dans la mairie, tandis que la préfecture a pour seul rôle de s'assurer du scellement du boîtier contenant le logiciel lors de l'installation des machines dans les bureaux de vote.

J'appelle votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur l'absurdité de la situation. Des communes continuent d'utiliser un système de vote dont un moratoire interdit désormais de se doter. Comment expliquez-vous ce paradoxe ? Et quelles mesures pouvons-nous prendre pour rassurer nos concitoyens dans la perspective des prochaines élections municipales ? Faut-il supprimer l'ensemble des machines à voter dans les soixante-quatre communes qui les utilisent encore ? A minima, pouvez-vous nous rassurer quant au rôle qu'exercera la préfecture avant la pose des scellés, dès le paramétrage du logiciel de comptage des voix ?

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Aujourd'hui, selon les chiffres dont je dispose, soixante-six communes sont équipées de machines à voter, dont trois sont sises dans le Val-de-Marne, monsieur Saint-Martin : Villeneuve-le-Roi, dont certains habitants vous ont sollicité, Bry-sur-Marne et Arcueil.

La liste des communes autorisées à utiliser des machines à voter est arrêtée dans chaque département par le préfet, en vertu de l'article L. 57-1 du code électoral. Depuis 2008, un moratoire a gelé le périmètre d'autorisation de ces machines, tout en permettant aux communes déjà équipées de continuer à les utiliser. Entre 2008 et 2012, trente-deux communes françaises ont renoncé à un tel usage. Le moratoire s'explique par les critiques visant ces machines, en particulier l'impossibilité de contrôler le dépouillement – contrôle auquel le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de dire son attachement – qui peut nuire à l'acceptation de ce dispositif par les électeurs.

Il n'est pas simple de tirer des conclusions des jugements techniques émis par les experts qualifiés, et encore moins une doctrine d'emploi. Le niveau élevé de risque cyber doit être pris en considération, avec une vigilance toute particulière dans l’appréhension des opérations de vote réalisées à l’aide de machines à voter. Mais les précautions qui entourent ces machines, non seulement dans leur conception originelle – puisque ce sont des équipements robustes coupés de toute connexion avec l'extérieur – mais aussi dans leur procédure d'utilisation – précisée par une circulaire du ministère de l'intérieur en amont de chaque scrutin –, sont de nature à contenir ces risques, nous semble-t-il.

Au vu de ces constats, le moratoire gelant depuis onze ans le périmètre des machines à voter paraît constituer, à ce jour, un point d'équilibre. Cela explique d'ailleurs probablement que le ministère de l'intérieur reçoive autant de demandes d'élus voulant interdire strictement ces machines que d'élus voulant au contraire développer leur usage et faire homologuer de nouveaux modèles.

La réflexion se poursuit. Le ministère de l'intérieur y prend sa part, en intégrant les enjeux de sécurité des systèmes d'information et en mobilisant, par conséquent, l'expertise de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, mais aussi dans le but de trouver une forme d'apaisement dans ce domaine – préoccupation qui est aussi la vôtre, monsieur le député. Tant que la réflexion chemine, le moratoire a vocation à être maintenu.