15ème législature

Question N° 8154
de M. Ian Boucard (Les Républicains - Territoire de Belfort )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > entreprises

Titre > Loi PACTE

Question publiée au JO le : 08/05/2018 page : 3825
Réponse publiée au JO le : 10/07/2018 page : 6076

Texte de la question

M. Ian Boucard interroge M. le ministre de l'économie et des finances quant aux vives inquiétudes des experts comptables s'agissant de leur mission de commissaire aux comptes, dans les sociétés commerciales, révisée par le projet de loi plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (loi PACTE). En effet, la loi PACTE qui sera présentée courant mai 2018 en conseil des ministres, prévoit de relever les seuils d'intervention des commissaires aux comptes pour les aligner sur les seuils européens. Ce qui correspond à l'absence de leur intervention pour des sociétés qui emploient moins de 50 salariés et qui représentent moins de 8 millions d'euros de chiffre d'affaires. Or ces sociétés représentent une grande partie du tissu économique français avec un chiffre d'affaires cumulé à elles seules de 340 milliards d'euros. Si la loi PACTE est adoptée en l'état, plus de 3 500 emplois de commissaires sont menacés et des milliers d'étudiants engagés dans la filière audit seront privés d'avenir professionnel. L'inspection générale financière (IGF) appuie cette révision en mettant en cause les commissaires aux comptes car ils font peu de révélations de fraudes fiscales. Or le fait qu'il y ait contrôle incite à la transparence financière de la part des entreprises. Les commissaires aux comptes assurent également un rôle de conseil et quand il y a une erreur, ils demandent une rectification avant de la « dénoncer ». L'absence de commissaire aux comptes dans ces entités risquerait donc de faire augmenter le nombre d'erreurs, d'irrégularités et de fraudes fiscales. En 2011, la Suède et le Danemark ont relevé le seuil d'intervention des commissaires aux comptes ce qui a eu pour conséquence une hausse de la fraude fiscale et des comptes insincères (souvent par erreur ou par omission et non par véritable fraude). Aujourd'hui, ces pays envisagent de faire marche arrière suite à un rapport de leurs cours des comptes qui confirment les effets néfastes de ce relèvement de seuil quant à la confiance, la sécurité financière et les défaillances d'entreprise. Les commissaires aux comptes agissent sur les entreprises qui font le plus appel aux crédits bancaires et au financement inter-entreprises, ils garantissent auprès des banques un « label » de qualité. L'économie reposant sur la confiance, s'il n'y a plus de contrôle il sera beaucoup moins évident pour les PME et TPE d'emprunter. Il lui demande donc les mesures prises pour garantir la sécurisation des comptes des petites entreprises Françaises et préserver l'avenir de la profession d'expert-comptable notamment dans son rôle de commissaire aux comptes.

Texte de la réponse

Dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), le Gouvernement souhaite alléger les obligations pesant sur les petites entreprises, afin de faciliter leur développement. Parmi les mesures envisagées, à cet effet, le relèvement de certains seuils, réglementaires et fiscaux, constitue une orientation importante pour réduire les charges administratives qui leur sont applicables. Dans ce cadre, le Gouvernement envisage, en effet, de relever les seuils de certification légale des comptes, par un commissaire aux comptes, au niveau prévu par le droit européen, c'est-à-dire 8 M€ de chiffres d'affaires, 4 M€ de bilan et 50 salariés. Une analyse, conduite par l'inspection générale des finances (IGF), a en effet démontré que la pertinence de seuils d'audit légal, plus faibles que ceux fixés par le droit européen, n'est pas établie tant du point de vue de la qualité des comptes des petites entreprises, que de leur accès au financement. Le rapport de l'IGF démontre, en outre, que les coûts supportés par les petites entreprises françaises, qui ne sont pas visées par l'obligation européenne de certification légale des comptes, sont élevés (de l'ordre de 600 M€, soit en moyenne 5 511 € par an pour une entreprise située sous les seuils européens). Pour cette raison, il semble pertinent, au regard des enjeux financiers limités associés, de rendre facultative l'intervention d'un commissaire aux comptes dans les petites entreprises, alors que 75 % d'entre elles recourent, en parallèle, aux services d'un expert-comptable, qui concourt, d'ores et déjà, à la qualité comptable dans ces structures. Cette démarche est conforme à l'objectif fixé par le Premier ministre, dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise des flux réglementaires et de leur impact, d'identifier et d'éliminer les surtranspositions du droit européen dans notre droit national, alors qu'un nombre significatif d'États membres ont fixé des seuils identiques ou supérieurs à ceux prévus par le droit européen. Elle est également pleinement cohérente avec les orientations du Gouvernement visant à établir un nouveau contrat avec les entreprises, fondé sur la restauration de liens de confiance mutuelle entre l'État et les acteurs économiques, et, ainsi, une diminution du poids des contrôles et une responsabilisation individuelle accrue, comme en témoigne la création d'un droit à l'erreur, prévu par le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Le relèvement des seuils d'audit constitue un défi pour la profession de commissaires aux comptes, impliquant une évolution en profondeur de son activité. Afin d'étudier, de manière précise, les conséquences de cette réforme et d'envisager les mesures d'accompagnement nécessaires, l'appui d'une mission présidée par M. Patrick de Cambourg - Président de l'Autorité des normes comptables, a été sollicitée sur l'avenir de la profession. Cette mission aura, notamment, pour objectif d'identifier des missions nouvelles, légales ou non, pouvant être confiées aux commissaires aux comptes ; de rechercher les moyens pour renforcer l'attractivité de cette profession et de permettre le maintien d'un maillage territorial suffisant de la profession dans les territoires ; de proposer des mesures d'aide aux professionnels les plus touchés par la réforme ; enfin, de formuler des propositions visant à favoriser le développement de l'expertise comptable et à enrichir ses missions d'appui et de conseil aux entreprises ne disposant pas d'un commissaire aux comptes. Les conclusions de cette mission permettront au Gouvernement d'adopter, d'ici à l'été 2018, un plan d'action visant à accompagner la mise en œuvre du relèvement des seuils d'audit.