15ème législature

Question N° 8293
de M. Fabien Roussel (Gauche démocrate et républicaine - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > entreprises

Titre > Avenir des commissaires aux comptes

Question publiée au JO le : 15/05/2018 page : 3978
Réponse publiée au JO le : 10/07/2018 page : 6076

Texte de la question

M. Fabien Roussel attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les conséquences néfastes d'un éventuel relèvement des seuils de nomination du commissaire aux comptes dans les sociétés. À l'heure actuelle, les seuils au-delà desquels une entreprise doit faire auditer ses comptes s'élèvent à 3,1 millions d'euros pour le chiffre d'affaires, à 1, 5 millions d'euros de total bilan et à 50 salariés pour les SARL. Or dans un rapport rendu le 9 mars 2018, rédigé dans le cadre de la future loi PACTE, l'inspection générale des finances (IGF) plaide pour l'application du seuil européen de 8 millions d'euros pour le chiffre d'affaires et de 4 millions pour le total bilan, le seuil de salariés restant identique. La conséquence immédiate d'une telle disposition, si elle était adoptée, serait de faire sortir le commissaire aux comptes de quelque 150 000 sociétés commerciales (soit 80% des mandats), mettant en péril au moins 5 000 emplois. D'autres incidences négatives sont à redouter comme la désertification territoriale de l'audit, la concentration des mandats français sur quelques gros cabinets anglo-saxons, la perte d'une filière de formation de 10 000 étudiants par an et la fin d'une filière intégratrice d'étudiants étrangers. Avancée au nom d'un allégement administratif, la mesure risquerait au contraire de fragiliser nombre de dirigeants de petites et moyennes entreprises, pour lesquels le commissaire aux comptes joue un rôle essentiel de conseil. C'est lui aussi qui l'informe des évolutions réglementaires, qui anticipe et l'alerte en cas de difficulté de son entreprise. Qu'en sera-t-il demain en l'absence d'un tel partenaire, dont les honoraires ne dépassent pas, en moyenne, un millième du chiffre d'affaires ? Une augmentation substantielle des défaillances d'entreprises est à craindre. Le budget de l'État lui-même risque d'être affecté, avec la mise hors de contrôle de l'assiette fiscale déclarée par ces 150 000 entreprises. Des erreurs de déclarations de TVA ou de mauvaises interprétations de dispositions fiscales nouvelles sont à redouter. L'absence de commissaire aux comptes entraînerait également la suppression de la possibilité de révéler des faits délictueux au procureur de la République. Si, au niveau des petites entreprises, des adaptations sont nécessaires, elles doivent être menées en concertation avec les professionnels. Pour toutes ces raisons, il lui demande de préciser les intentions du Gouvernement en vue de pérenniser le rôle des commissaires aux comptes auprès des PME.

Texte de la réponse

Dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), le Gouvernement souhaite alléger les obligations pesant sur les petites entreprises, afin de faciliter leur développement. Parmi les mesures envisagées, à cet effet, le relèvement de certains seuils, réglementaires et fiscaux, constitue une orientation importante pour réduire les charges administratives qui leur sont applicables. Dans ce cadre, le Gouvernement envisage, en effet, de relever les seuils de certification légale des comptes, par un commissaire aux comptes, au niveau prévu par le droit européen, c'est-à-dire 8 M€ de chiffres d'affaires, 4 M€ de bilan et 50 salariés. Une analyse, conduite par l'inspection générale des finances (IGF), a en effet démontré que la pertinence de seuils d'audit légal, plus faibles que ceux fixés par le droit européen, n'est pas établie tant du point de vue de la qualité des comptes des petites entreprises, que de leur accès au financement. Le rapport de l'IGF démontre, en outre, que les coûts supportés par les petites entreprises françaises, qui ne sont pas visées par l'obligation européenne de certification légale des comptes, sont élevés (de l'ordre de 600 M€, soit en moyenne 5 511 € par an pour une entreprise située sous les seuils européens). Pour cette raison, il semble pertinent, au regard des enjeux financiers limités associés, de rendre facultative l'intervention d'un commissaire aux comptes dans les petites entreprises, alors que 75 % d'entre elles recourent, en parallèle, aux services d'un expert-comptable, qui concourt, d'ores et déjà, à la qualité comptable dans ces structures. Cette démarche est conforme à l'objectif fixé par le Premier ministre, dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise des flux réglementaires et de leur impact, d'identifier et d'éliminer les surtranspositions du droit européen dans notre droit national, alors qu'un nombre significatif d'États membres ont fixé des seuils identiques ou supérieurs à ceux prévus par le droit européen. Elle est également pleinement cohérente avec les orientations du Gouvernement visant à établir un nouveau contrat avec les entreprises, fondé sur la restauration de liens de confiance mutuelle entre l'État et les acteurs économiques, et, ainsi, une diminution du poids des contrôles et une responsabilisation individuelle accrue, comme en témoigne la création d'un droit à l'erreur, prévu par le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Le relèvement des seuils d'audit constitue un défi pour la profession de commissaires aux comptes, impliquant une évolution en profondeur de son activité. Afin d'étudier, de manière précise, les conséquences de cette réforme et d'envisager les mesures d'accompagnement nécessaires, l'appui d'une mission présidée par M. Patrick de Cambourg - Président de l'Autorité des normes comptables, a été sollicitée sur l'avenir de la profession. Cette mission aura, notamment, pour objectif d'identifier des missions nouvelles, légales ou non, pouvant être confiées aux commissaires aux comptes ; de rechercher les moyens pour renforcer l'attractivité de cette profession et de permettre le maintien d'un maillage territorial suffisant de la profession dans les territoires ; de proposer des mesures d'aide aux professionnels les plus touchés par la réforme ; enfin, de formuler des propositions visant à favoriser le développement de l'expertise comptable et à enrichir ses missions d'appui et de conseil aux entreprises ne disposant pas d'un commissaire aux comptes. Les conclusions de cette mission permettront au Gouvernement d'adopter, d'ici à l'été 2018, un plan d'action visant à accompagner la mise en œuvre du relèvement des seuils d'audit.