Commissaires aux comptes
Question de :
M. Pierre Morel-À-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - UDI, Agir et Indépendants
M. Pierre Morel-À-L'Huissier interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la réalité du lien indiscutable existant, selon ses services, entre d'une part, la croissance des entreprises et, d'autre part, l'allègement de leurs charges administratives associé à la réduction de leurs coûts. La suppression envisagée de 150 000 mandats de commissaire aux comptes, loin de faciliter la vie des PME, ne manquera de leur poser de graves problèmes lorsque des tiers (banquiers, fournisseurs, voire clients ...) subordonneront leurs relations à la présentation de comptes certifiés. Le rôle de l'expert-comptable auquel M. le ministre se réfère dans sa récente réponse à M. Delatte, député de l'Aisne, est d'établir des comptes mais il ne saurait certifier des comptes qu'il aurait lui-même établis. Sur ce point précis le commissaire aux comptes jouit d'une réelle indépendance puisque le législateur a fixé la durée de son mandat pour une durée de six (6) exercices. Il est souvent le seul, dans l'entreprise, à avoir l'autorité suffisante - compte tenu de son statut - pour exiger, lors de l'arrêté des comptes, les modifications à défaut desquelles les tiers risqueraient d'être abusés. Les moyens à la disposition du commissaire aux comptes ne sont pas neutres : le refus de certifications voire la révélation au procureur. Dans ces conditions, la suppression du rôle de 150 000 techniciens indépendants et assermentés est-elle réellement bénéfique pour l'intérêt général ? Par quel mécanisme le remplacement du commissaire aux comptes dans la mise en œuvre de la procédure d'alerte est-il prévu ? De très nombreuses opérations réalisées par toutes les sociétés et ce, quelle que soit leur taille, ne sont sécurisées que par l'intervention du commissaire aux comptes : réduction du capital, transformation, renonciation au droit préférentiel de souscription, distribution d'acomptes sur dividendes, inventaire du patrimoine (procédure de sauvegarde) etc. Qui remplacera le commissaire aux comptes dans ces missions de sécurisation ? Le recours à un commissaire aux comptes intérimaire ne connaissant pas l'entreprise serait-il envisagé ? De plus, à une époque où la lutte contre la fraude fiscale est une « grande cause nationale », il lui demande s'il n'observe pas une contradiction entre les intentions affichées et la suppression de 150 000 mandats de commissaire aux comptes. Pourtant l'expérience montre que les auteurs de fraudes et autres malversations ne limitent le cadre de leurs agissements à des structures dont le chiffre d'affaires atteint 8 millions d'euros. S'agissant du coût moyen annuel d'un commissaire aux comptes dans une PME, suivant ses calculs (cf. réponse du 8 mai 2018 à la question écrite n° 7460 de M. Delatte, député) il s'élèverait à 5 511euros. La réalité est fort différente. Selon les propres affirmations de M. le ministre, la suppression des mandats telle qu'il la préconise générerait une économie de 600 millions d'euros. Le nombre prévisible de disparitions de mandats étant de 150 000, il apparaît que le coût annuel est de 4 000 euros et non de 5 511 euros. En d'autres termes, les PME ayant un commissaire aux comptes supportent en moyenne un coût mensuel de 333 euros. En conséquence, il lui demande de confirmer s'il considère que l'économie mensuelle de 333 euros susceptible d'être réalisée par une PME constitue un argument suffisant pour le privilégier par rapport à la sécurité juridique et fiscale qu'apportent les commissaires aux comptes aux entreprises et à l'ensemble de la société (face aux risques de fraudes notamment).
Réponse publiée le 10 juillet 2018
Dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), le Gouvernement souhaite alléger les obligations pesant sur les petites entreprises, afin de faciliter leur développement. Parmi les mesures envisagées, à cet effet, le relèvement de certains seuils, réglementaires et fiscaux, constitue une orientation importante pour réduire les charges administratives qui leur sont applicables. Dans ce cadre, le Gouvernement envisage, en effet, de relever les seuils de certification légale des comptes, par un commissaire aux comptes, au niveau prévu par le droit européen, c'est-à-dire 8 M€ de chiffres d'affaires, 4 M€ de bilan et 50 salariés. Une analyse, conduite par l'inspection générale des finances (IGF), a en effet démontré que la pertinence de seuils d'audit légal, plus faibles que ceux fixés par le droit européen, n'est pas établie tant du point de vue de la qualité des comptes des petites entreprises, que de leur accès au financement. Le rapport de l'IGF démontre, en outre, que les coûts supportés par les petites entreprises françaises, qui ne sont pas visées par l'obligation européenne de certification légale des comptes, sont élevés (de l'ordre de 600 M€, soit en moyenne 5 511 € par an pour une entreprise située sous les seuils européens). Pour cette raison, il semble pertinent, au regard des enjeux financiers limités associés, de rendre facultative l'intervention d'un commissaire aux comptes dans les petites entreprises, alors que 75 % d'entre elles recourent, en parallèle, aux services d'un expert-comptable, qui concourt, d'ores et déjà, à la qualité comptable dans ces structures. Cette démarche est conforme à l'objectif fixé par le Premier ministre, dans la circulaire du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise des flux réglementaires et de leur impact, d'identifier et d'éliminer les surtranspositions du droit européen dans notre droit national, alors qu'un nombre significatif d'États membres ont fixé des seuils identiques ou supérieurs à ceux prévus par le droit européen. Elle est également pleinement cohérente avec les orientations du Gouvernement visant à établir un nouveau contrat avec les entreprises, fondé sur la restauration de liens de confiance mutuelle entre l'État et les acteurs économiques, et, ainsi, une diminution du poids des contrôles et une responsabilisation individuelle accrue, comme en témoigne la création d'un droit à l'erreur, prévu par le projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Le relèvement des seuils d'audit constitue un défi pour la profession de commissaires aux comptes, impliquant une évolution en profondeur de son activité. Afin d'étudier, de manière précise, les conséquences de cette réforme et d'envisager les mesures d'accompagnement nécessaires, l'appui d'une mission présidée par M. Patrick de Cambourg - Président de l'Autorité des normes comptables, a été sollicitée sur l'avenir de la profession. Cette mission aura, notamment, pour objectif d'identifier des missions nouvelles, légales ou non, pouvant être confiées aux commissaires aux comptes ; de rechercher les moyens pour renforcer l'attractivité de cette profession et de permettre le maintien d'un maillage territorial suffisant de la profession dans les territoires ; de proposer des mesures d'aide aux professionnels les plus touchés par la réforme ; enfin, de formuler des propositions visant à favoriser le développement de l'expertise comptable et à enrichir ses missions d'appui et de conseil aux entreprises ne disposant pas d'un commissaire aux comptes. Les conclusions de cette mission permettront au Gouvernement d'adopter, d'ici à l'été 2018, un plan d'action visant à accompagner la mise en œuvre du relèvement des seuils d'audit.
Auteur : M. Pierre Morel-À-L'Huissier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie et finances
Dates :
Question publiée le 22 mai 2018
Réponse publiée le 10 juillet 2018