15ème législature

Question N° 8810
de M. Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > services publics

Titre > Dématérialisation du service public

Question publiée au JO le : 29/05/2018 page : 4375
Réponse publiée au JO le : 18/12/2018 page : 11830
Date de changement d'attribution: 03/07/2018

Texte de la question

M. Stéphane Peu alerte M. le Premier ministre sur les grandes difficultés liées à la dématérialisation croissante des procédures administratives et, à terme, de l'ensemble du service public. Le Président de la République a en effet souhaité créer un « État-plateforme 100 % numérique » et a annoncé son projet de dématérialiser 100 % des services publics d'ici 2022. D'une part, si l'intention de rendre plus efficaces et rapides certaines procédures est louable, la dématérialisation s'accompagne d'importantes difficultés à l'instar de certains publics qui s'y accommodent plus difficilement, notamment les personnes âgées, les étrangers maîtrisant mal le français, et plus largement tous les citoyens n'utilisant pas internet au quotidien. Par ailleurs, la dématérialisation ne doit pas devenir le cache-misère du service public, comme c'est aujourd'hui le cas dans de nombreuses préfectures et sous-préfectures, où, par exemple, les prises de rendez-vous s'effectuent désormais en ligne. En effet, très peu de créneaux sont disponibles pour les internautes et tous ceux qui se libèrent se trouvent occupés quasi-instantanément, tant la demande est importante. Certes, pour certaines démarches les longues files d'attente ont presque disparu, mais elles se trouvent remplacées par une file d'attente virtuelle, invisible mais pourtant bien réelle pour tous ceux qui ont un besoin urgent d'accéder aux services publics et qui en sont de facto privés. La situation n'est pas différente auprès du site de l'Agence nationale des titres sécurisés, qui connaît de nombreux dysfonctionnements depuis le mois de novembre 2017 et l'entrée en vigueur de l'obligation de passer par cette plateforme pour obtenir une carte grise. À tel point que le nombre de titre en attente s'élèverait à ce jour pour les seules cartes grises à 450 000. De très nombreux témoignages relatent également d'importants retards concernant d'autres démarches, comme la délivrance du permis de conduire. L'extension de la dématérialisation à la justice, annoncée dans le cadre des « chantiers de la justice » présentés par Mme la garde des sceaux en octobre 2017, n'a pas manqué de susciter l'émoi de l'ensemble de la profession. À l'image du 15 février 2018, où une centaine de magistrats, avocats et greffiers se sont réunis sur le parvis du tribunal de grande instance de Bobigny, deuxième plus important tribunal de France, afin de réclamer une justice « accessible » à tous. La dématérialisation de ce service public essentiel doit s'accompagner de recrutement de magistrats, avocats et greffiers afin qu'ils puissent faire leur travail correctement, au risque sinon d'éloigner encore davantage le justiciable séquano-dionysien de ce service public. Quotidiennement sollicité par des habitants de sa circonscription confrontés à des difficultés incommensurables liées à la dématérialisation du service public, il souhaite connaître les dispositions qu'il envisage de prendre afin, d'une part, de remédier rapidement aux nombreux dysfonctionnements rencontrés et, d'autre part, que la dématérialisation ne se fasse pas au dépit des citoyens, et notamment de ceux les plus éloignés d'internet, ni au détriment d'une augmentation des dotations du service public.

Texte de la réponse

Dans le contexte général de la transformation publique attendue par nos concitoyens, qui souhaitent un service public plus efficace et réactif, innovant et plus proche des administrés, le ministère de la justice ne saurait rester à l'écart de ces attentes très fortes. La dématérialisation des procédures dans ce ministère est une nécessité absolue pour renforcer le service public de la justice. C'est la raison pour laquelle la Garde des Sceaux a conduit un chantier prioritaire qui a débouché sur un plan de transformation numérique. Ce dernier concerne aussi bien la remise à niveau du socle technique indispensable, que la rénovation ou la création d'applicatifs innovants et faciles d'accès pour les usagers destinés à simplifier les missions de la justice en prenant mieux en compte les attentes réelles des justiciables. La formation et l'accompagnement des utilisateurs, particulièrement des plus fragiles d'entre eux, constitue un objectif essentiel, qui est naturellement pris en compte par le plan de transformation numérique. Des dispositifs spécifiques seront mis en place pour accompagner directement ceux des usagers n'ayant pas ou insuffisamment accès au numérique. A titre d'exemple, pour éviter toute rupture numérique, le service unique d'accueil du justiciable permet à l'usager de bénéficier d'un point d'accès et d'information pour l'ensemble de ses démarches (obtenir des informations sur les procédures qui le concernent, mais également effectuer des actes de procédure pouvant relever d'une autre juridiction). En effet, le ministère est très attentif à ne pas priver d‘accès les usagers ne maitrisant pas l'outil numérique : à ce titre, la saisine numérique ne sera pas imposée au justiciable mais restera une option. Par ailleurs, le ministère s'inscrit dans une progression significative de ses moyens pour conduire cette transformation. Cette progression est inscrite dans le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, en cours de discussion au parlement. 530 millions d'€ de dépenses d'investissement seront consacrés à la transformation numérique, dont 97 millions d'€ dès 2019. Les modes de fonctionnement évolueront ainsi profondément, dans un contexte de travail modernisé tant pour les usagers que pour les agents du ministère, et des moyens supplémentaires pourront être dégagés au profit de publics plus éloignés du numérique. D'ailleurs, en parallèle au volume notable de crédits mobilisés pour le plan de transformation numérique, les augmentations budgétaires dont bénéficie le ministère permettront d'importantes créations d'emplois concernant tous les corps de métiers, et notamment les magistrats et les agents des services de greffe (6500 emplois sur la période 2018-2022, 192 emplois créés en juridiction en 2019). Ainsi, la dématérialisation se traduira par une justice réellement plus accessible au service de tous les publics.