Baisse des moyens du STEMO de Rouen
Publication de la réponse au Journal Officiel du 18 décembre 2018, page 11831
Question de :
M. Hubert Wulfranc
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Hubert Wulfranc attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des Services territoriaux éducatifs de milieu ouvert (STEMO), en particulier de celui de Rouen. Selon le rapport de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) remis récemment au ministère de la justice, le nombre de mesures d'enfermement appliquées aux mineurs a explosé sur la dernière période alors même que la délinquance des mineurs n'a pas augmenté de manière significative ses 15 dernières années (+1,8 %). Depuis 2016, deux fois plus d'adolescents sont détenus, placés en centre éducatif fermé (CEF), en centre de rétention administrative ou encore en psychiatrie. Parallèlement, la durée moyenne de détention provisoire a augmenté de 56 % entre 2014 et 2016. 75 % des mineurs faisant l'objet d'une procédure judiciaire sont aujourd'hui détenus avant leur jugement. Les mesures de probation deviennent la règle. Le nombre de contrôle judiciaire de mineurs a augmenté de 53 % en deux ans alors qu'ils sont de moins en moins doublés par des mesures éducatives. La sur-pénalisation est encore plus importante pour les mineurs isolés pour lesquels la CNCDH dénonce « une prise en charge inadaptée car la problématique principale n'est pas la délinquance ». De plus, la CNCDH est préoccupée par l'absence de prise en compte de la vulnérabilité spécifique des filles privées de liberté, souvent incarcérées avec des femmes adultes et éloignées géographiquement de leur famille. La commission préconise de revenir à une justice des mineurs privilégiant l'éducatif sur le répressif. Elle recommande à cette fin de redonner des moyens humains et financiers au milieu ouvert. À l'inverse, la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse donne aujourd'hui la priorité aux mesures d'enfermement. 70 millions vont ainsi être alloués pour créer 20 nouveaux centres fermés et un établissement pénitentiaire pour mineurs. Dans trois ans, il y aura plus de centres fermés que d'unités éducatives d'hébergement collectif. Or la CNCDH constate l'échec des CEF créés en 2002. Ces derniers étaient présentés comme une alternative à l'incarcération dans lesquels les mineurs devraient bénéficier d'un suivi éducatif et pédagogique renforcé et individualisé. Or la commission constate des taux de fugue très important, un climat de violence, un turnover du personnel encadrant, des fermetures de certains établissements. La CNCDH acte dans son rapport que les CEF sont, dans l'ensemble, un échec. Si les dispositifs d'enfermement disposeront de moyens supplémentaires, aucun crédit ne viendra abonder le financement des structures ouvertes (établissement de placement éducatif, unité éducative d'activités de jour, action éducative en milieu ouvert). Les organisations syndicales dénoncent ce choix qui se fait au détriment de l'encadrement au sein des structures ouvertes. Concernant le cas particulier du STEMO de Rouen, les organisations syndicales font état d'une croissance continue du nombre de jeunes suivis. Le STEMO de Rouen suivait 550 jeunes en 2015, 660 en 2016, 723 en 2017. Au 26 avril 2018, 314 jeunes étaient suivis par l'équipe du STEMO de Rouen; ce qui laisse à présager un nouveau record. Alors que le STEMO de Rouen était pourvu de 20 postes d'éducateurs ETP en 2014, ce dernier ne dispose désormais que de 17,6 ETP. Le travail dans les classes relais est mis à mal, faute d'agents en nombre suffisant. Les agents doivent partager leur temps entre les classes relais, les permanences administratives au tribunal, la maison de l'adolescent, les missions au quartier des mineurs à la maison d'arrêt de Rouen. Les agents du STEMO dénoncent une prise en charge des mineurs qui se dégrade. Les mesures d'investigation éducative mettent de plus en plus de temps à se mettre en place. Les quelques mesures ponctuelles de recrutement d'agents contractuels sont jugées totalement insuffisantes. Les organisations syndicales estiment qu'il faudrait recruter 4 postes d'éducateurs supplémentaires au STEMO de Rouen pour faire face à l'augmentation du nombre de jeunes suivis. Il lui demande de bien vouloir indiquer quelles mesures celle-ci entend prendre pour améliorer le suivi des jeunes mineurs pris en charge par le STEMO de Rouen. Par ailleurs, il lui demande quelles suites entend donner le ministère de la justice aux recommandations de la CNCDH qui préconisent d'axer les moyens sur les mesures de suivi des mineurs en milieu ouvert en lieu et place des structures fermées dont le bilan est jugé globalement négatif.
Réponse publiée le 18 décembre 2018
Vous alertez le Gouvernement sur la situation particulière des équipes du STEMO de Rouen et leur difficulté à mener à bien les mesures judiciaires d'investigation éducative (MJIE) en raison d'une augmentation croissante de jeunes pris en charge par ce STEMO depuis 3 ans et, en conséquence, l'augmentation de la charge de travail pour les professionnels. Le constat d'une augmentation de l'activité entre 2015 et 2017 est partagé et doit donner lieu à une évaluation permettant d'ajuster l'allocation des moyens si nécessaire. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) est en effet attentive à l'équilibre entre les moyens alloués et l'activité des services et soucieuse des conditions de travail des professionnels. S'agissant des CEF, vous interpellez le Gouvernement sur le bilan jugé globalement négatif des structures fermées, en particulier les CEF, et l'urgence de suivre les recommandations de la CNCDH qui préconisent d'axer les moyens sur les mesures de suivi en milieu ouvert. Les CEF constituent une modalité de placement utile et reconnue dans la prise en charge des mineurs multirécidivistes, multi-réitérants ou ayant commis des faits d'une particulière gravité. Ils constituent une alternative à l'incarcération et s'inscrivent dans un dispositif global de placement judiciaire, offrant ainsi un panel de réponses aux magistrats. Soucieuse de consolider le fonctionnement de ces établissements de placement judiciaire, la DPJJ pilote un plan d'action dont les axes dédiés aux ressources humaines visent à améliorer le recrutement, la formation des personnels exerçant dans les lieux de placement, dont les CEF afin notamment de stabiliser les effectifs. Enfin, le renforcement du dispositif des CEF par la création d'établissements supplémentaires, durant la présente mandature, est une volonté du gouvernement qui entend développer et garantir l'offre éducative en matière d'alternative à la détention. S'agissant de la détention, le nombre de mineurs détenus est en augmentation, ce qui a conduit la DPJJ à réaliser un diagnostic afin d'en déterminer les causes et à donner des instructions à ses services déconcentrés pour promouvoir les alternatives à la détention provisoire. S'agissant des jeunes filles en particulier, elles représentent environ 4 % des mineurs détenus. Leur faible nombre et leurs spécificités incitent la DAP et la DPJJ à conduire, de manière continue, une réflexion conjointe afin d'améliorer leur prise en charge, qu'il s'agisse des établissements vers lesquels elles sont orientées ou de l'accompagnement spécifique qu'elles nécessitent.
Auteur : M. Hubert Wulfranc
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 29 octobre 2018
Dates :
Question publiée le 5 juin 2018
Réponse publiée le 18 décembre 2018