15ème législature

Question N° 8996
de M. Sylvain Brial (Non inscrit - Wallis-et-Futuna )
Question écrite
Ministère interrogé > Outre-mer
Ministère attributaire > Outre-mer

Rubrique > outre-mer

Titre > Ordonnance n° 2016-1255

Question publiée au JO le : 05/06/2018 page : 4675
Réponse publiée au JO le : 04/09/2018 page : 7825

Texte de la question

M. Sylvain Brial appelle l'attention de Mme la ministre des outre-mer sur le très grand trouble provoqué sur le territoire des îles de Wallis et Futuna par l'ordonnance n° 2016-1255 du 28 septembre 2016. Cette ordonnance traite notamment le code général de la propriété des personnes publiques relative à l'outre-mer. Il rappelle que le code général de la propriété des personnes publiques fixe le régime du foncier à Wallis et à Futuna sous le régime du droit coutumier, et ce spécialement en référence au statut du territoire de juillet 1961 : le principe d'inaliénation des terres s'applique au bénéfice des royaumes, des villages, et des familles. L'attachement des populations à ce principe est essentiel. C'est un des piliers de la culture des territoires ; c'est un des fondements de la vie sociale locale. Il exprime l'opposition absolue des populations et spécialement des élus à toute modification de ce cadre légal. Il lui demande de lui préciser les conséquences pour le territoire de Wallis et Futuna de l'existence de cette ordonnance et de lui donner des garanties sur le maintien du régime foncier traditionnel. Il souhaite être assuré que le délai courant depuis la date de dépôt de ratification devant le Sénat n'aura pas de conséquence sur la portée des ordonnances et les possibilités légales ouvertes au Gouvernement d'agir par voie règlementaire pour modifier les pratiques traditionnelles.

Texte de la réponse

L'ordonnance no 2016-1255 du 28 septembre 2016 modifiant les dispositions du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) relatives à l'outre-mer, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, a déterminé le cadre juridique du droit domanial applicable à l'État et à ses établissements publics dans les îles Wallis et Futuna. Cette codification a été opérée pour l'ensemble des collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et pour la Nouvelle-Calédonie, dans le respect du principe de spécialité législative qui gouverne l'applicabilité des normes dans ces territoires. Elle tient compte de la répartition des compétences en matière domaniale entre l'État et la collectivité, telle que définie par la loi organique no 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer et le décret no 57-811 du 22 juillet 1957 relatif aux attributions de l'assemblée territoriale, du conseil territorial et de l'administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna, notamment son article 40. En vertu du 6° de cet article, il appartient, en effet, à l'assemblée territoriale d'édicter les règles applicables au domaine du territoire, y compris les terres vacantes et sans maître, et en matière de cadastre. La définition des règles applicables au domaine public de l'Etat appartient à ce dernier en vertu de la compétence de droit commun que lui confère le statut de 1961. Dès lors, dans ce cadre juridique ainsi défini, l'ordonnance du 28 septembre 2016 précitée n'a en aucune manière pour objet de porter atteinte au principe d'inaliénation des terres qui s'applique au bénéfice des royaumes, des villages et des familles. Le régime foncier traditionnel coutumier est garanti par les dispositions statutaires. En conséquence, l'ordonnance du 28 septembre 2016 n'a pu avoir pour effet d'attribuer arbitrairement un domaine public ou privé à l'Etat ou au territoire. En revanche, l'ordonnance du 28 septembre 2016 a pour objet de rendre applicables, pour garantir une plus grande sécurité juridique, les règles qui, en tant que de besoin, ont vocation à régir pour toutes les collectivités de la République, les propriétés dont l'Etat a acquis la maîtrise. En matière foncière, cette maîtrise n'aura pu être acquise qu'au terme de procédures conformes au régime foncier applicable dans la collectivité et notamment celles qui ont été négociées avec les autorités locales pour l'exercice des services publics dont l'Etat a la charge et les besoins des implantations immobilières correspondantes. Par ailleurs, la ministre des outre-mer tient à apporter des précisions sur deux points qui ont soulevé des interrogations au niveau local. Les premières portent sur les dispositions prévues à l'article L. 1122-1 du CG3P, telles qu'adaptées pour leur application dans les îles Wallis et Futuna. Si ces dispositions ont bien trait aux successions au sens large, elles n'auront cependant aucun effet sur les biens détenus selon la coutume qu'ils soient fonciers ou non, puisque ces derniers relèveront, soit de la propriété coutumière, soit de l'indivision familiale. Elles n'auront de pertinence que sur des biens détenus par des personnes relevant du statut personnel de droit commun. Les secondes portent sur les dispositions relatives au domaine public routier de l'Etat. Ces dispositions n'auront en pratique aucune application dans la collectivité puisque les routes relèvent aujourd'hui soit de la collectivité, soit des villages. La ministre des outre-mer peut assurer, Monsieur le député, que le Gouvernement a été particulièrement vigilant, dans le cadre de la définition de l'application à la collectivité de la partie législative du CG3P, au respect du statut des terres coutumières dans les îles Wallis et Futuna. Par ailleurs, l'absence de ratification expresse par le Parlement de l'ordonnance du 28 septembre 2016 ne saurait faire obstacle à la publication de la partie réglementaire correspondante du CG3P. En effet, le projet de loi de ratification no 229 de l'ordonnance no 2016-1255 a été déposé devant le Sénat le 14 décembre 2016. Or, cette ordonnance ayant été prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, il n'est pas nécessaire que le projet de loi de ratification soit adopté, mais qu'il soit simplement déposé pour que l'ordonnance ne puisse être caduque. Dans l'élaboration du dispositif réglementaire, une attention particulière sera portée à la préservation des compétences locales garanties par le statut de la collectivité. A ce titre, l'assemblée territoriale sera prochainement saisie du projet de décret d'application de l'ordonnance du 28 septembre 2016. Elle pourra ainsi formuler les observations qu'appelleront de sa part les dispositions du projet tant du point de vue des élus, que des autorités coutumières le cas échéant. Ces observations seront ainsi portées à la connaissance du Conseil d'Etat qui examinera la conformité des dispositions du décret aux dispositions statutaires. Par ces éléments, la ministre des outre-mer espère, Monsieur le député, avoir levé ainsi toutes les inquiétudes qu'a pu faire naître, auprès des autorités locales et de la population des îles Wallis et Futuna, l'exercice de codification législative et réglementaire des dispositions ultramarines du code général de la propriété des personnes publiques.