15ème législature

Question N° 9078
de M. Sébastien Cazenove (La République en Marche - Pyrénées-Orientales )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité routière

Titre > Les inquiétudes des professionnels des écoles d'apprentissage de la conduite

Question publiée au JO le : 05/06/2018 page : 4667
Réponse publiée au JO le : 25/09/2018 page : 8538

Texte de la question

M. Sébastien Cazenove attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la situation des professionnels des écoles de conduite face à l'enseignement délivré par des plateformes dématérialisées recourant à des enseignants indépendants. Les apprentis élèves ayant conclu un contrat à distance avec les plateformes, passent ensuite leur examen de conduite en candidat libre. D'une part, ces nouveaux acteurs ne sont pas soumis aux mêmes contraintes ni aux mêmes charges que les auto-écoles classiques, induisant alors une notion de concurrence déloyale. D'autre part, selon le bilan des examens du permis de conduire en 2016 publié par le ministère de l'intérieur, le taux de réussite en candidat libre est passé de 54,56 % en 2015 à 49,05 % en 2016 et se trouve inférieur de 9 points au taux de réussite globale (58 %). De ce fait, les professionnels des auto-écoles craignent que cette pratique d'apprentissage en ligne ne nuise à la qualité de l'enseignement de la conduite et n'ait des conséquences dangereuses en matière de sécurité routière. Aussi, il souhaiterait connaître les mesures que le Gouvernement pourrait mettre en œuvre afin de garantir le niveau de formation proposé par ces opérateurs, pérenniser la sécurité routière et la profession.

Texte de la réponse

L'enseignement, à titre onéreux, de la conduite des véhicules à moteur ne peut être organisé que « dans le cadre d'un établissement agréé » (article L. 213-1 du code de la route), l'école de conduite. Cet agrément est délivré par le préfet de département du lieu d'établissement. Au sein de cet établissement, l'enseignement est dispensé par un enseignant titulaire d'une autorisation délivrée également par le préfet de département. L'article R. 212-1 précise que cette autorisation d'enseigner est valable sur l'ensemble du territoire national. L'établissement est défini par l'arrêté du 8 janvier 2001 comme étant constitué par deux éléments : un exploitant et un local. Jusqu'à l'adoption de la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, l'inscription au permis de conduire ne pouvait se faire que dans le local, ce qui interdisait la conclusion des contrats en ligne. Cette obligation de s'inscrire dans le local, qui était également inscrite dans l'arrêté du 8 janvier 2001, n'existe plus depuis la loi du 6 août 2015 précitée qui a inscrit dans l'article L. 213-2 du code de la route la possibilité de conclure des contrats à distance. Ainsi, sous la seule réserve qu'une évaluation préalable ait été réalisée dans le local ou dans le véhicule, un établissement agréé peut proposer la vente à distance de prestations de formation à la conduite. Par ailleurs, les nouveaux acteurs de l'enseignement de la conduite se distinguent également des établissements traditionnels en ne présentant pas leurs candidats à l'examen. Leurs élèves sont des candidats libres, qui accomplissent eux-mêmes leurs démarches de demande de places d'examen auprès de la préfecture (bureau en charge des examens) de leur lieu de résidence. En outre, les enseignants attachés à l'établissement travaillent en général sous couvert d'un contrat de prestation de services et peuvent donc être basés dans un autre département. Ainsi, en l'état actuel du droit, très récemment précisé par la jurisprudence, rien ne s'oppose à ce qu'un établissement agréé dans un département dispense des cours sur tout ou partie du territoire national. La réglementation du code de la route ne doit pas être un obstacle à l'émergence de nouveaux modèles économiques, dès lors que l'enseignement dispensé permet aux apprentis conducteurs d'apprendre à conduire en toute sécurité et de se présenter avec les meilleures chances de réussite à l'examen. Toutefois, le Gouvernement est très attentif à l'amélioration de la transparence et au respect des autres règles fixées par le code de la route mais aussi en matière de concurrence et de droit du travail. L'exercice illégal de l'enseignement de la conduite en dehors d'un établissement agréé, constitue un délit. A ce titre, deux instructions ont été adressées le 25 mars 2016 et le 6 mai 2017 aux préfets afin que soient diligentées des opérations de contrôle en s'appuyant sur le comité opérationnel départemental anti-fraude (CODAF) présidé par le préfet et le procureur de la République. Ces derniers rappellent notamment la nature des sanctions administratives et pénales au titre des infractions prévues par le code de la route et le droit du travail. Dans ce cadre, plus de 1160 opérations de contrôle ont été menées sur l'ensemble du territoire (plateformes dématérialisées comprises) et certains préfets ont saisi le procureur de la République conformément aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale afin de l'aviser de certaines pratiques frauduleuses. Ainsi, l'exécutif est pleinement engagé pour que, sans préjudice du modèle économique choisi, les lois soient respectées par tous et que les jeunes puissent accéder à un permis de qualité, rapidement et à un coût raisonnable. Enfin, la mise en oeuvre du label « qualité des formations au sein des écoles de conduite », qui est entré en vigueur le 2 mars 2018, redonnera notamment toute son importance à un enseignement théorique collectif de qualité. En effet, ce dernier a été pensé et conçu pour permettre aux écoles de conduite volontaires de répondre à plusieurs enjeux et notamment délivrer une information transparente et claire pour le consommateur lui permettant de choisir son école de conduite ou son association agréée en toute connaissance de cause, ainsi que dispenser une formation de qualité pour devenir un conducteur responsable, respectueux des autres et de l'environnement. Une formation de qualité doit permettre la dimension collective de l'apprentissage et doit donner toute sa place au formateur. La formation théorique collective est un vecteur d'efficacité de l'apprentissage et de changement grâce aux interactions entre les élèves qui sont particulièrement bénéfiques pour faire évoluer les comportements. La formation collective favorise les échanges entre les élèves conducteurs et ainsi permet de développer des attitudes positives par rapport à la sécurité routière. Cette formation permet, lorsqu'elle est réalisée en alternance avec la pratique, une meilleure intégration des savoirs, car les connaissances et les compétences sont assimilées plus efficacement et plus rapidement, avec pour effet une meilleure réussite aux épreuves du permis de conduire et, par conséquent, une réduction du nombre d'heures de formation pratique, ce qui produit une baisse du coût de la formation pour l'usager. Plusieurs États européens (Norvège, Finlande, Pays-Bas, Autriche par exemple) imposent d'ailleurs le suivi d'un certain nombre d'heures de cours théoriques avant le passage de l'examen. L'alternance entre périodes de formation théorique collective et pratique en école de conduite et phases de conduite accompagnée avec un proche, même de courte durée, contribue à former des conducteurs plus sûrs, augmente les chances de réussite à l'examen et diminue le nombre de leçons pratiques nécessaires. Une formation de qualité doit s'appuyer sur le numérique et les nouvelles technologies quand ces derniers sont utilisés comme outils d'enseignement et non pas comme seul outil d'organisation ou de logistique, et sur le simulateur de conduite : les supports numériques enrichissent le contenu de l'enseignement et améliorent le suivi de la relation entre l'élève et l'enseignant. Les simulateurs de conduite sont quant à eux une voie encore sous-utilisée (notamment en raison d'un taux d'équipement faible) à la fois pour diversifier les situations d'apprentissage (pour améliorer la perception du risque) mais également pour réduire le coût global de la formation. En outre, le Gouvernement a souhaité engager une réflexion sur l'éducation routière en France afin de dresser le bilan des réformes mises en place et d'examiner les évolutions envisageables. Dans ce cadre, Madame Françoise DUMAS, députée du Gard et Monsieur Stanislas GUERINI, député de Paris, ont été nommés, par le Premier ministre, parlementaires en mission auprès du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et du ministre de l'économie et des finances pour mener, d'ici la fin de l'année, cette réflexion avec l'ensemble des acteurs de l'éducation routière. La mission parlementaire formulera des propositions permettant de garantir, dans le temps et en tout point du territoire, une formation de qualité au permis de conduire tout en assurant son accessibilité et celle des examens en termes de délais et de prix.