15ème législature

Question N° 907
de M. Charles de la Verpillière (Les Républicains - Ain )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > étrangers

Titre > Prise en charge des mineurs non-accompagnés

Question publiée au JO le : 21/01/2020
Réponse publiée au JO le : 29/01/2020 page : 421
Date de changement d'attribution: 28/01/2020

Texte de la question

M. Charles de la Verpillière appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les problèmes que pose la prise en charge, par les départements, des mineurs étrangers « non-accompagnés » (MNA) arrivés en France sans leur famille. De 4 000 en 2012, leur nombre est passé à 17 000 fin 2018. Dans l'Ain, pour 23 MNA accueillis en 2012, 190 jeunes sont arrivés directement en 2018 et 143 ont été réorientés par la cellule nationale la même année. Au 31 octobre 2019, 227 MNA étaient pris en charge. La Guinée, le Mali et la Côte-d'Ivoire sont les trois nationalités prédominantes. Comme les autres départements, l'Ain est confronté aux difficultés juridiques et pratiques posées par l'évaluation de l'âge de ces personnes se déclarant mineures, d'autant plus, que le protocole entre l'État et le conseil départemental prévoit que les jeunes réorientés par la cellule nationale ont, en principe, été évalués au préalable par un autre département. La question budgétaire est également cruciale puisque les recettes en provenance de l'État sont très loin de couvrir les dépenses du département. Enfin, les efforts de formation sont souvent vains dans la mesure où beaucoup de jeunes fuguent, particulièrement à l'approche de leur majorité. Il lui demande donc quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour diminuer le coût subi par les départements, consolider le cadre juridique de l'évaluation de l'âge, et faire en sorte que l'État prenne toutes ses responsabilités.

Texte de la réponse

PRISE EN CHARGE DES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS


M. le président. La parole est à M. Charles de la Verpillière, pour exposer sa question, n°  907, relative à la prise en charge des mineurs non accompagnés.

M. Charles de la Verpillière. Ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé. Depuis 2013, l'État impose aux départements de prendre en charge les étrangers mineurs qui sont arrivés en France sans leur famille : les « mineurs non accompagnés ». Leur nombre s'est accru de façon exponentielle, passant de 4 000 en 2012 à plus de 20 000, aujourd'hui, au niveau national.

Mon département de l'Ain a connu la même évolution et nos services doivent aujourd'hui héberger et encadrer 227 mineurs non accompagnés. Les trois cinquièmes d'entre eux sont arrivés directement dans l'Ain, tandis que les deux cinquièmes restants sont arrivés dans d'autres départements et ont été réorientés vers l'Ain par la cellule nationale. C'est le premier problème auquel sont confrontés les départements : ils n'ont aucune maîtrise de la situation et doivent accueillir, au fil de l'eau, tous les mineurs non accompagnés qui leur sont envoyés.

Le deuxième problème concerne l'évaluation de l'âge de ces jeunes. Tout le monde comprend en effet qu'on ne peut pas héberger sous le même toit des enfants et de jeunes adultes, avec tous les problèmes que peut poser cette promiscuité. Or l'évaluation de l'âge est très difficile techniquement et juridiquement. En particulier, nous constatons que beaucoup de jeunes qui sont réorientés vers l'Ain à partir d'autres départements ont, en réalité, 18 ans ou plus. Il faut donc d'urgence que le Gouvernement modifie le décret du 30 janvier 2019 qui traite de cette question.

Enfin, le troisième problème concerne le financement : la participation de l'État est – pardonnez-moi le terme, madame la secrétaire d'État – carrément ridicule. Dans l'Ain, elle n'atteint pas 300 000 euros, sur un total de 6 millions d'euros supportés par les contribuables du département. Ce constat se passe de commentaires.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Le Gouvernement est particulièrement sensible aux difficultés rencontrées par les conseils départementaux pour la mise à l'abri, l'évaluation et la prise en charge des mineurs non accompagnés, ou MNA. C'est pourquoi, comme il s'y était engagé, il a renforcé depuis le début de l'année 2019 l'appui opérationnel et financier qu'il leur apporte.

La réforme des modalités de participation financière forfaitaire de l'État à la phase de mise à l'abri et d'évaluation des personnes se présentant comme MNA vise à permettre une compensation plus juste des dépenses engagées par les départements, sur la base d'un forfait de 500 euros par jeune évalué et de 90 euros par jour de mise à l'abri pendant quatorze jours, puis 20 euros par jour pendant neuf jours maximum. Le décret et l'arrêté mettant en œuvre ce nouveau barème ont été publiés en 2019, à la fin du mois juin.

Une participation financière exceptionnelle de l'État à la prise en charge des MNA avait été mise en œuvre en 2018, à hauteur de 12 000 euros par jeune supplémentaire pris en charge au 31 décembre de l'année 2017 par rapport au 31 décembre 2016. Ce dispositif a été reconduit en 2019, à hauteur de 6 000 euros pour 75 % des jeunes supplémentaires pris en charge au 31 décembre 2018 par rapport au 31 décembre 2017.

Pour 2019, le Gouvernement et l'ADF, l'Assemblée des départements de France, sont convenus d'une prolongation de cette aide exceptionnelle. Son montant total s'établit donc à 175 millions d'euros en 2019.

Sur un plan opérationnel, conformément à l'article 51 de la loi du 10 septembre 2018, le déploiement de l'outil d'aide à l'évaluation de la minorité vise à faciliter et à fiabiliser l'évaluation par chaque président du conseil départemental de la situation des personnes se présentant comme MNA. Cet outil est opérationnel depuis février 2019. Son recours n'a pas été rendu obligatoire, mais le Gouvernement entend mettre en place un mécanisme incitant financièrement les conseils départementaux à l'utiliser.

L'un des objectifs du traitement d'aide à l'évaluation de la minorité est de lutter contre le nomadisme. En permettant au conseil départemental où se présente un MNA de l'orienter vers le préfet, qui pourra vérifier si l'intéressé a déjà fait l'objet d'une évaluation, le traitement évite aux départements de procéder à des réévaluations coûteuses.

Nous devons avoir aussi une approche volontariste, collective et plus globale encore qu'aujourd'hui. Collective, car c'est par un travail commun entre les départements et l'État que nous pourrons trouver une réponse durable globale. Nous devons en effet travailler sur l'amont – car plus de 60 % des MNA viennent des trois mêmes pays –, ainsi que sur l'évaluation de la minorité et sur l'aval, c'est-à-dire sur la formation de ces mineurs et sur leur accès à l'emploi.

M. le président. La parole est à M. Charles de la Verpillière.

M. Charles de la Verpillière. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, pour votre réponse. Vous admettrez cependant qu'il reste encore beaucoup à faire et que l'État doit absolument venir en aide aux départements. Il n'est pas normal que ce problème des mineurs non accompagnés, qui ne concerne vraiment pas les départements en eux-mêmes, ne soit pas, avant tout, financé et pris en charge par l'État.