Rubrique > entreprises
Titre > Loi PACTE commissariat aux comptes
Mme Emmanuelle Anthoine alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur une des mesures du projet de loi PACTE visant à supprimer, pour certaines entreprises, l'obligation de faire appel à un commissaire aux comptes pour certifier leurs comptes annuels. En effet, le Gouvernement en proposant le projet de loi « PACTE » (Plan d'action pour la croissance et la compétitivité des entreprises) prétend vouloir faciliter la croissance des entreprises et rapprocher les Français de leurs employeurs. Or, parmi les mesures envisagées, l'une d'elle vient modifier le périmètre d'intervention du commissaire aux comptes en relevant le seuil déclenchant l'obligation de certification des comptes pour les entreprises de 2 à 8 millions d'euros de chiffre d'affaires. Or, en se passant de la certification du commissaire aux comptes, les petites entreprises ne bénéficieront plus de la garantie de la sincérité des comptes, argument essentiel pour asseoir les ambitions d'innovations, de transformation et de croissance auprès des organismes financiers et des acteurs publics. À défaut de créer des emplois, cette mesure en supprimerait même. Avec le relèvement des seuils, de nombreux commissaires aux comptes indépendants seront contraints de cesser leur activité puisque les grosses structures font appel majoritairement à des cabinets spécialisés. Le rapport de l'Inspection générale des finances, qui recommande ce relèvement des seuils, note que l'impact de cette mesure entraînera mécaniquement la concentration du marché au profit des 7 plus grands cabinets mondiaux, étrangers, implantés à Paris et dans les grandes métropoles, au détriment des l'économie locale des territoires et de la proximité. Appliquée en Suède depuis 2010, l'augmentation des seuils est remise en question car elle a permis l'augmentation de la criminalité économique et fragilisé la croissance des petites entreprises. Cependant, le Gouvernement n'est pas sans ignorer que le commissaire aux comptes est le seul garant de comptes réguliers, sincères et fidèles à l'égard des parties prenantes de l'entreprise (investisseurs, financeurs, partenaires économiques) et des salariés. Le commissaire aux comptes est la clé de voûte de la confiance avec un rôle majeur d'alerte et de prévention des défaillances d'entreprise. Selon une étude d'Ellisphère (décembre 2017 tous secteurs confondus), les entreprises avec commissaire aux comptes présentent un taux de défaillance de 10,9 % contre 18,4 % sans commissaire aux comptes. Par ailleurs, de plus en plus d'entreprises font appel à de l'épargne de proximité. La loi PACTE entend d'ailleurs favoriser le retour de l'épargne vers les entreprises. Or la confiance dans l'entreprise se base d'abord sur des faits et une appréciation indépendante des comptes et des pratiques, d'où là encore l'importance du rôle du commissaire aux comptes. Par ailleurs, la mission de sécurisation de la base fiscale par le commissaire aux comptes est d'autant plus fondamentale que les entreprises devront prochainement mettre en œuvre le prélèvement à la source et qu'à l'évidence les risques d'erreurs, de fraude ou de défaillance concernent majoritairement les plus petites entreprises. Ne serait-ce d'ailleurs pas un paradoxe de la part de l'État lui-même qui, d'une main, introduit plus de transparence dans les comptes de la sphère publique à travers notamment la certification des hôpitaux, des universités, bientôt des collectivités locales, pour de l'autre, retirer à certaines entreprises cette même garantie ? Et n'est-ce pas étonnant, au moment où nos responsables aspirent à libérer les énergies créatrices, de songer à supprimer l'une des clés de cette liberté, la sécurité financière ? Le Gouvernement ne semble pas vouloir prendre la mesure des conséquences réelles qu'entrainerait une telle réforme tant pour les PME que pour les petits cabinets d'audit. Aussi, nombre de citoyens et de parlementaires s'interrogent également sur la pertinence du choix du Président, désigné par le Gouvernement, de la mission sur l'avenir de la profession qui vient d'être mise en place. Celui-ci est, en effet, président l'Autorité des normes comptables mais également président d'honneur d'un groupe privé, grand cabinet d'audit et de conseils, qui profitera pleinement de cette réforme, si elle était adoptée. De là à se demander s'il n'y aura pas conflit d'intérêt, il n'y a qu'un pas. Aussi, avant d'opérer une évolution qui pourrait s'avérer contre-productive, elle demande au Gouvernement de reconsidérer la question des seuils obligatoires de contrôle légal des entreprises et d'envisager de manière concertée avec la profession les aménagements acceptables et profitables aux ambitions du projet de loi PACTE.