Défense du secteur apicole
Question de :
Mme Marie-France Lorho
Vaucluse (4e circonscription) - Non inscrit
Mme Marie-France Lorho interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur les mesures potentielles à prendre en faveur du secteur apicole. Les apiculteurs en détresse ont tenté début juin 2018 d'être entendus par le Gouvernement. M. le ministre a assuré qu'il les soutiendrait tandis que le ministère de l'agriculture a annoncé un recensement des pertes d'abeilles à l'échelle nationale. Cependant, on peut s'interroger sur les mesures que compte mettre en place le Gouvernement. En effet, la situation des apiculteurs français est suffisamment dramatique pour nécessiter des mesures fermes. Ainsi, depuis 1995, date de l'apparition en France des insecticides néonicotinoïdes, la production de miel serait passée de près de 32 000 tonnes à presque 9 000 en 2017. De même le nombre de ruches est passé de 1 350 000 en 1995 à 1 250 000 en 2017. L'apiculture subit donc de plein fouet la dégradation générale de l'environnement et l'utilisation massive des produits phytosanitaires qui mettent en danger les abeilles. Ces difficultés rencontrées par les apiculteurs français ne manquent pas de provoquer une diminution du nombre des apiculteurs. Ils ne sont plus que 70 000 alors qu'ils étaient 85 000 en 1995. Cette situation fait du secteur apicole un repoussoir pour les jeunes qui souhaiterait s'y lancer. Il est évident que la récente restriction à trois néonicotinoïdes décidée par le tribunal de l'Union européenne et devant s'appliquer sur le territoire de celle-ci ne suffira pas à relever l'apiculture en France. Elle lui demande donc ce que le Gouvernement compte mettre en place pour soutenir les apiculteurs français.
Réponse publiée le 14 août 2018
Plusieurs organisations apicoles ont fait état de surmortalités de colonies d'abeilles particulièrement marquées en sortie d'hiver 2017/2018 dans plusieurs régions françaises. Face à cette situation, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a demandé le 7 juin 2018 à ses services d'organiser un état des lieux précis des mortalités sur l'ensemble du territoire national. Un dispositif d'enquête combinant une appréciation qualitative et quantitative a ainsi été mis en place. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation a interrogé ses services pour recueillir rapidement toutes les informations disponibles concernant d'éventuelles augmentations des mortalités hivernales constatées en sortie d'hiver 2017/2018. Cette enquête fait état de remontées d'informations auprès des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de mortalités hivernales 2017/2018 en augmentation par rapport aux hivers précédents en Bretagne, Nouvelle-Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Bourgogne-Franche-Comté principalement, même si des cas ponctuels de mortalités significatives sont également signalés dans d'autres régions, et touchent toutes les catégories d'apiculteurs (de loisir et professionnels). Afin de préciser le premier état des lieux dressé par les services officiels, une enquête « quantitative » à destination des apiculteurs français, élaborée dans le cadre de la plateforme nationale d'épidémiosurveillance en santé animale (plateforme ESA), sera lancée cet été. Les apiculteurs seront informés individuellement de l'ouverture de l'enquête à laquelle ils seront invités à répondre par mail ou par courrier. En termes de surveillance, l'observatoire des mortalités et des affaiblissements des colonies d'abeilles, mis en place en 2017 de manière exploratoire dans deux régions pilotes (Bretagne et Pays de la Loire), doit notamment permettre d'objectiver la situation du cheptel apicole. Les apiculteurs ont participé activement au dispositif en portant à la connaissance de l'observatoire les événements de santé rencontrés sur leurs ruchers. Un premier bilan de fonctionnement a été publié le 6 juin 2018. Des réflexions sont menées au niveau national avec les différents acteurs pour préciser les modalités d'investigation dans les recherches, sur le plan technique et analytique incluant le volet toxicologique. Cet observatoire a pour vocation à terme d'être déployé dans l'ensemble des régions françaises. Concernant la surveillance plus particulière des risques toxicologiques liés à d'éventuels mésusages ou effets non intentionnels de produits chimiques (produits phytopharmaceutiques, biocides, médicaments vétérinaires), un dispositif de surveillance des mortalités massives aiguës des abeilles existe depuis plusieurs années. Suite à son évaluation par l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) en 2017, ce dispositif a été revu début 2018, en lien avec un groupe de travail technique associant experts et parties prenantes pour améliorer le dispositif à court et à moyen terme. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation finance également l'étude « BAPESA », impliquant notamment l'institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation, l'institut national de la recherche agronomique et l'Anses, qui a pour objectif d'évaluer l'exposition de colonies d'abeilles aux substances antiparasitaires et biocides utilisées en élevage et d'étudier les éventuels effets de santé associés sur les colonies d'abeilles. En termes de lutte contre les agents biologiques responsables d'affaiblissement et de mortalités, compte tenu des enjeux sanitaires et économiques liés à varroa destructor, une stratégie nationale de prévention, surveillance et lutte a été élaborée afin de réduire la pression d'infestation des ruchers avec des travaux techniques menés par GDS France. La filière, éventuellement par son interprofession nouvellement créée, doit s'emparer de façon prioritaire de ce sujet en s'engageant dans une stratégie règlementaire face à ce parasite. En ce qui concerne la réduction de l'impact des produits chimiques et des produits phytopharmaceutiques en particulier, la loi no 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages interdit l'utilisation des produits de la famille des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018. Toutefois des dérogations pourront être accordées jusqu'au 1er juillet 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé. Elles devront se fonder sur un bilan établi par l'Anses comparant les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives néonicotinoïdes avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles. L'avis et le rapport de l'Anses « risques et bénéfices relatifs des alternatives aux produits phytopharmaceutiques comportant des néonicotinoïdes » sont parus le 30 mai 2018. Les éventuelles dérogations seront décidées sur la base des conclusions de ce rapport, des évolutions et de l'encadrement de ces molécules au plan européen. En effet, des restrictions complémentaires ont été votées fin avril, visant trois néonicotinoïdes (clothianidine, imidaclopride et thiaméthoxame) et restreignant leur usage uniquement sous serre, avec application effective le 19 décembre 2018. Par ailleurs, le thiaclopride a été récemment classé reprotoxique (R1) par l'ECHA (agence européenne compétente). Par ailleurs, le plan d'actions gouvernemental sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides a été présenté le 25 avril 2018. Il prévoit, parmi les mesures destinées à préserver l'environnement, un renforcement du dispositif réglementaire de protection des abeilles et autres insectes pollinisateurs. Il repose actuellement sur différentes dispositions de l'arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d'utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole en vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs, de l'arrêté du 13 janvier 2009 relatif aux conditions d'enrobage et d'utilisation des semences traitées et de l'arrêté du 7 avril 2010 relatif à l'utilisation des mélanges extemporanés de produits phytopharmaceutiques. Ce dispositif transversal vient en complément des conditions d'emploi spécifiques à chaque produit, qui sont précisées dans l'autorisation de mise sur le marché délivrée à l'issue de l'évaluation des risques du produit, incluant l'évaluation des risques pour les pollinisateurs. À la lumière des nouvelles données scientifiques, l'Anses a été saisie pour formuler des propositions d'évolution de ce cadre réglementaire. Enfin, l'amélioration de l'information du consommateur est un enjeu important auquel le ministre est particulièrement sensible, comme il a pu le rappeler lors de l'examen des amendements au projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire. Un amendement a été adopté en ce sens et figure désormais dans le projet de loi. Mais le sujet doit aussi être appréhendé au niveau européen et le ministre s'est engagé à porter une initiative auprès de ses collègues européens afin de faire évoluer la réglementation européenne en la matière.
Auteur : Mme Marie-France Lorho
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 19 juin 2018
Réponse publiée le 14 août 2018