15ème législature

Question N° 9673
de M. Éric Pauget (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > terrorisme

Titre > Personnes radicalisées libérées : pour des mesures protégeant les citoyens

Question publiée au JO le : 19/06/2018 page : 5230
Réponse publiée au JO le : 23/07/2019 page : 6931

Texte de la question

M. Éric Pauget appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la libération à l'horizon 2019 de personnes radicalisées ayant purgé une peine de prison. Il y aurait dans les prisons françaises plus de 500 personnes incarcérées pour avoir été condamnées dans des affaires liées au terrorisme et 1 200 personnes radicalisées condamnées dans des affaires de droit commun. Ainsi, en 2019, 450 personnes radicalisées pourraient être libérées dans un contexte sécuritaire fortement dégradé avec tous les risques que cela comporte pour les citoyens. Le département des Alpes-Maritimes dont les habitants ont payé un lourd tribu lors de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice, est illustratif de cette problématique. Ce territoire est, en effet, un département à « risque » avec deux prisons, celles de Grasse et de Nice dont les détenus certainement radicalisés sont appelés à être libérés dans les années à venir. Alors même que le risque terroriste n'a jamais été aussi élevé en France, il demande que le Gouvernement lui précise, de façon exhaustive, quelles seront les mesures prises pour assurer la protection des citoyens et s'il envisage de mettre en œuvre des actions spécifiques dans le département des Alpes-Maritimes. De plus, il souhaite savoir si un dispositif d'échange d'informations relatives aux personnes radicalisées, est prévu entre les préfets et les maires, comme semble d'ailleurs le préconiser le procureur de la République du parquet de Paris.

Texte de la réponse

Le nombre des détenus radicalisés diminue depuis 2 ans (de 1662 au 1er juin 2017 à 1439 au 1er juin 2019) ; l'administration pénitentiaire a professionnalisé ses capacités de détection, d'évaluation et de renseignement, permettant d'avoir une approche par risque, moins subjective. La prise en charge des personnes radicalisées en détention et la préparation de leur sortie est une préoccupation majeure du Gouvernement qui a adopté, le 23 février 2018, le plan national de prévention de la radicalisation (PNPR), puis, le 13 juillet 2018, le plan d'action contre le terrorisme (PACT). Ces deux plans prévoient des actions fortes afin de répondre aux craintes légitimes liées à la sortie de détention d'individus radicalisés ou condamnés pour des faits de terrorisme. Ainsi, l'action 6 du plan d'action contre le terrorisme (PACT) prévoit la création d'une unité permanente au sein de l'unité de coordination et de lutte antiterroriste (UCLAT) du ministère de l'intérieur. Cette unité permanente est chargée d'anticiper la prise en charge, par les services de renseignement, des individus prévenus ou condamnés pour des faits de terrorisme, à leur sortie de prison. Cette cellule, à laquelle participe le bureau central du renseignement pénitentiaire (BCRP) de la direction de l'administration pénitentiaire, fonctionne depuis le mois de juillet 2018. Des réunions mensuelles auxquelles participe le ministère de la justice sont par ailleurs organisées afin de s'assurer de l'effectivité de la prise en compte de chaque individu sortant de prison. L'action 8 du PACT renforce par ailleurs les mesures de contrôle et de suivi des condamnés pour faits de terrorisme, en prévoyant la création, au sein du tribunal de grande instance de Paris, d'un troisième poste de juge d'application des peines antiterroriste. Le plan national de prévention de la radicalisation (PNPR) a également prévu, dans ses actions 55 et suivantes, des mesures visant à améliorer le suivi des publics radicalisés. En milieu ouvert, la direction de l'administration pénitentiaire a expérimenté, pendant deux ans à partir du mois d'octobre 2016, un dispositif de prise en charge intensive des radicalisés (RIVE) en Ile-de- France. L'objectif était de mettre en place, en complément de la prise en charge par un service pénitentiaire d'insertion et de probation qui demeure titulaire du mandat judiciaire, un suivi renforcé et pluridisciplinaire de personnes faisant l'objet d'une procédure ou exécutant une peine en lien avec une infraction terroriste. L'évaluation de ce dispositif a mis en exergue l'efficacité d'un accompagnement intensif dans le processus de désengagement de l'idéologie violente. Aussi, le plan national de prévention de la radicalisation a-t-il étendu et rénové ce dispositif en prévoyant dans sa mesure 58 la création de trois nouveaux centres destinés à la prise en charge individualisée des personnes radicalisées ou en voie de radicalisation, et placées sous-main de justice. Ces centres s'appuient sur l'expérimentation parisienne dont le bilan a permis de faire évoluer les modalités de prise en charge notamment vers une plus grande modularité des suivis (de 3h à 20h/semaine), la réalisation d'un diagnostic ou encore la possibilité d'hébergement en diffus. Le centre de Paris, qui a ouvert le 4 octobre 2018, a poursuivi son activité en assurant le suivi des personnes précédemment suivies par RIVE. Le centre de Marseille, ouvert le 29 octobre 2018,  effectue ses premiers suivis et poursuit sa montée en charge progressive. Le centre de Lyon a ouvert au mois de juillet et celui de Lille débutera son activité à l'automne. A cette période, la direction de l'administration pénitentiaire disposera de 110 places dédiées à la prise en charge intensive des personnes suivis en milieu ouvert pour des faits de nature terroriste ou radicalisées. En milieu fermé, dès 2015, la direction de l'administration pénitentiaire a expérimenté des modalités de prise en charge spécifiques des personnes détenues radicalisées, terroristes ou de droit commun, qui ont été généralisées sur l'ensemble du territoire. Ces actions sont aujourd'hui développées à travers plusieurs dispositifs cohérents consacrés notamment par le PNPR : l'administration pénitentiaire a élaboré des grilles de détection de la radicalisation et défini des programmes de prévention de la radicalisation violente (49 PPRV ont été conduits en 2018, et l'objectif poursuivi en 2019 est l'élargissement de ces programmes à l'ensemble des établissements accueillant effectivement des détenus impliqués dans des affaires de terrorisme) et créé des quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) et de prise en charge des personnes radicalisées (QPR). L'évaluation des détenus radicalisés et leur gestion constitue bien une priorité. A cette fin, en complément des trois quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER) de région parisienne, deux nouveaux QER ont été ouvertes les 14 mai 2018 et 7 janvier 2019 au centre pénitentiaire de Vendin-le-Vieil. Afin de poursuivre l'extension de ses capacités d'évaluation, la direction de l'administration pénitentiaire procédera à l'ouverture en 2019 de 2 QER supplémentaires portant ainsi à 7 le nombre de quartiers de ce type. Ces ouvertures permettent au-delà de l'évaluation des détenus terroristes de procéder à l'évaluation des détenus de droit commun radicalisés. L'expérience pénitentiaire de la radicalisation violente incite par ailleurs l'administration à ne plus subordonner les conditions de l'évaluation au seul déterminant de la catégorie pénale : les distinctions juridiques prévenus/condamnés ou terroristes/radicalisés de droit commun limitent une approche par les risques, qui est pourtant au cœur de la stratégie de prise en charge, après évaluation. La DAP retient donc une priorisation des détenus à évaluer qui tient compte de critères de dangerosité et de la date prévisionnelle de libération, afin par exemple d'éviter autant que possible qu'un détenu hautement radicalisé ne soit libéré sans avoir été évalué en prison. Enfin, le service du renseignement pénitentiaire a intégré le deuxième cercle de la communauté française du renseignement au 1er février 2017 et concourt activement aux politiques de lutte contre la menace terroriste. Poursuivant notamment la finalité de prévention du terrorisme (L.811-3 4° CSI), il dispose de pouvoirs d'investigations étendus, notamment le recours possible aux technologies de recueil de renseignement. Les effectifs du bureau central du renseignement pénitentiaire ont quadruplé depuis deux ans, pendant qu'un réseau territorial de renseignement pénitentiaire était développé. Aujourd'hui, ce service dont les progrès et la maîtrise sont reconnus des services partenaires, collabore étroitement pendant et après le temps d'incarcération avec ceux-ci. Ainsi, le Gouvernement a adopté une stratégie globale face au défi de la radicalisation violente : la détection et l'évaluation des publics en sont le cœur, avec pour finalité la dispersion dans des établissements et des quartiers adaptés et l'individualisation de la prise en charge des détenus radicalisés, qu'ils soient terroristes ou de droit commun. Le Gouvernement organise par ailleurs un dialogue efficace entre les diverses autorités concourant à la détection et à l'entrave des individus porteurs d'une menace de radicalisation violente. A ce titre, le ministère de l'intérieur a diffusé, le 13 novembre 2018, une instruction précisant le cadre et les modalités de l'échange d'informations entre le représentant de l'Etat dans le département et les maires s'agissant des individus susceptibles d'être radicalisés. Cette instruction a vocation à être prochainement complétée par une dépêche du Ministère de la Justice s'agissant du rôle de l'autorité judiciaire dans le mécanisme de transmission d‘informations entre le préfet et le maire. Cette instruction et cette dépêche rappellent la possibilité d'échanger des informations nominatives confidentielles dans le cadre des groupes restreints des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD). Cette collaboration entre partenaires institutionnels constitue l'une des réponses les plus efficaces au défi sécuritaire posé par les individus radicalisés et/ou terroristes.