15ème législature

Question N° 96
de M. Stéphane Testé (La République en Marche - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > culture

Titre > Réforme de la chronologie des médias

Question publiée au JO le : 18/07/2017 page : 3877
Réponse publiée au JO le : 14/11/2017 page : 5563
Date de signalement: 03/10/2017

Texte de la question

M. Stéphane Testé attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la réforme de la chronologie des médias. Précisée par l'accord professionnel du 6 juillet 2009 et la loi création et internet de 2009, la chronologie des médias consiste à définir dans le temps un ensemble de règles pour l'exploitation des œuvres cinématographiques. Elle organise ainsi des « fenêtres » d'exposition d'un film à partir de sa sortie en salles : 4 mois après pour la vidéo à la demande à l'acte, 10 mois pour les services de cinéma de premières diffusions qui ont conclu un accord avec les organisations professionnelles du cinéma (comme la chaîne Canal + quand elle a préfinancé le film), 36 mois pour les offres de vidéos à la demande par abonnement (Netflix, Canal +...). Le débat est actuellement relancé depuis que deux films Netflix, qui ont été présentés lors du festival de Cannes, sont sortis directement sur la plate-forme en ligne sans passer par la case cinéma, Netflix refusant d'attendre le délai de trois ans après une sortie en salles pour qu'ils puissent être visibles sur sa plate-forme en ligne. La chaîne Canal + voudrait, quant à elle, pouvoir diffuser les œuvres six mois après leur sortie au cinéma, contre dix mois actuellement. Ces deux exemples démontrent que la chronologie des médias telle qu'elle résulte de l'accord de 2009 ne semble plus adaptée. Il apparaît donc essentiel de parvenir à un équilibre entre le système de distribution des films en salles, qui doit être préservé, et une évolution des modes de consommation, en particulier celui des jeunes. Si les négociations entre organisations professionnelles représentatives du secteur cinématographique ne parvenaient pas à déboucher sur un projet commun, il lui demande quelles pistes d'action elle envisage pour mener au mieux cette réforme.

Texte de la réponse

La chronologie des médias, qui régule l'ordre et la durée des principales fenêtres d'exploitation des films après leur sortie en salles de cinéma, constitue un pilier essentiel du système vertueux de préfinancement des œuvres cinématographiques en France. Cette chronologie, résultant d'un accord interprofessionnel étendu par arrêté, repose sur la cohérence et la proportionnalité des différentes fenêtres vis-à-vis du poids et des contributions de chacun dans le préfinancement des œuvres. Le dispositif en vigueur date de 2009. Il appelle une modernisation désormais urgente, compte tenu des évolutions importantes de marché et d'usages intervenues depuis lors, particulièrement du développement rapide de la vidéo à la demande (VàD) par abonnement, afin de préserver l'efficacité du système de préfinancement. L'amélioration des conditions de diffusion des œuvres en ligne constitue l'axe prioritaire d'une réforme de la chronologie. La chronologie a ainsi fait l'objet de négociations professionnelles dès le premier trimestre 2012, sous l'égide du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Elles ont permis de dégager, au second semestre 2015, un consensus sur 3 points : une avancée de 4 à 3 mois de l'exploitation en VàD pour la moitié des films sortant en salles chaque année ; une interdiction des pratiques de « gel » en matière de VàD en téléchargement définitif, c'est-à-dire interdiction aux chaînes de télévision de demander l'interruption d'une exploitation dans ce mode, permettant ainsi d'envisager une exploitation continue des œuvres en ligne ; une exclusion des œuvres de court métrage de l'accord. Par ailleurs, la plupart des acteurs avaient sollicité la mise en place d'un mécanisme de fenêtres glissantes : lorsqu'une œuvre n'a pas trouvé de diffuseur sur une fenêtre, les diffuseurs de la fenêtre suivante pourraient anticiper leur exploitation, évitant ainsi que le film ne se retrouve inexploité pendant cette fenêtre. La demande exprimée publiquement par Canal+, premier financeur du cinéma français, à l'automne 2016, d'avancer la première fenêtre d'exploitation en télévision payante a ensuite conduit, dans un contexte économique difficile pour la chaîne, à relancer les discussions. Le dernier projet établi par le CNC, discuté lors de la réunion du 28 avril dernier, prévoyait ainsi un délai standard de 8 mois pour la 1ère fenêtre de télévision payante, pouvant être réduit de 1 à 2 mois selon l'investissement de la chaîne dans le budget du film. Ce mécanisme innovant irait dans le sens d'un assouplissement de la chronologie et d'une meilleure prise en compte des investissements des diffuseurs dans les œuvres. Le projet prévoyait également : un raccourcissement généralisé des principaux délais de diffusion, notamment de la VàD ; une interdiction de gel totale de la VàD, y compris pour la VàD transactionnelle ; un mécanisme de fenêtres glissantes, notamment pour les services de VàD par abonnement promouvant la diversité culturelle et investissant significativement dans la création. Les positions exprimées par les différentes parties prenantes s'avérant toutefois une nouvelle fois irréconciliables, l'échec du cycle de discussions initié en 2012 a été acté. Un changement de méthode apparaît désormais nécessaire pour donner une nouvelle impulsion aux discussions. À l'initiative de la ministre de la culture, un nouveau cycle de négociations a été ouvert à l'été 2017. Dans un premier temps, l'ensemble des signataires de l'accord sont reçus de façon individuelle, afin de mieux comprendre la position de chacun et de recenser les propositions nouvelles que chaque signataire pourrait faire pour moderniser le système. Ce nouveau cycle de discussions a permis d'approfondir les points suivants : la cohérence du positionnement des différentes fenêtres, au vu de la contribution des diffuseurs à la création, dans le respect des principes fondamentaux du dispositif ; en particulier, la place de la fenêtre de VàD par abonnement, mode d'exploitation qui connaît la plus forte croissance et qui apparaît en même temps directement concurrent de la télévision payante ; l'introduction de dérogations et de possibilités d'expérimentations, dans un dispositif que de nombreux acteurs considèrent excessivement rigide. À la suite ce ces entretiens, il a été décidé de changer de méthode et de mettre en place une médiation. Cette mission de médiation a été confiée par la ministre de la culture à Monsieur Dominique D'Hinnin, président du Conseil d'administration d'Eutelsat et ancien dirigeant du groupe Lagardère. Il aura six mois pour faire aboutir un nouvel accord. À défaut, le Gouvernement n'exclut pas de proposer au Parlement de légiférer. À l'été 2017, le Sénat a également pris l'initiative d'une série d'auditions, dont il a tiré des recommandations pour une réforme de la chronologie des médias. Ces propositions sont proches des dernières propositions discutées sous l'égide du CNC. En particulier, il est proposé de placer la VàD à l'acte à 3 mois et d'aligner la fenêtre de VàD par abonnement sur celle de la télévision payante. Une intervention du législateur est recommandée pour suppléer une éventuelle absence d'accord d'ici la fin de l'année 2017. Il s'agirait notamment de consacrer un principe général prévoyant un traitement différencié des acteurs en fonction de leur contribution au financement et à la diversité de la création cinématographique.