15ème législature

Question N° 9705
de Mme Emmanuelle Ménard (Non inscrit - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Sur la commercialisation de l'huile de palme en France

Question publiée au JO le : 26/06/2018 page : 5445
Réponse publiée au JO le : 14/08/2018 page : 7307

Texte de la question

Mme Emmanuelle Ménard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la commercialisation de l'huile de palme en France. Lors de l'annonce de son plan climat en 2017, M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, a promis de « mettre fin à l'importation de produits forestiers ou agricoles contribuant à la déforestation ». Dans cette même dynamique, en janvier 2018, les députés du Parlement européen ont voté l'interdiction, d'ici 2021, des importations d'huile de palme nécessaires à la production d'agrocarburant. Cependant, M. le ministre est revenu sur ses propos, et a annoncé le 16 mai 2018 ne pas soutenir cette interdiction européenne. Le gouvernement a aussitôt autorisé l'importation de 300 000 tonnes d'huile de palme à la bio-raffinerie Total de La Mède. Ce revirement de situation a suscité l'incompréhension des agriculteurs. Dès le lundi 11 juin 2018, 17 raffineries et dépôts de carburant ont été bloqués. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et les Jeunes agriculteurs craignaient en effet que de nouvelles autorisations d'importation affectent dangereusement la filière du colza. L'huile de palme étant 30 % moins chère sur le marché international, Mme Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, a affirmé que « 100 000 producteurs de colza [étaient] menacés en France ». Le président des Jeunes Agriculteurs, M. Jérémy Decerle, a dénoncé de son côté une concurrence inégale qui « tue » progressivement le monde paysan. Cette importation d'huile de palme pose également un problème écologique. Selon l'ONG WWF, 12 millions d'hectares de terre sont couverts de palmiers à huile, et 90 % des forêts d'Indonésie ont été décimées. L'organisation dénonce également l'incohérence du Gouvernement qui, d'un côté interdit le recours à l'huile de palme dans des produits alimentaires et, de l'autre, autorise son utilisation pour produire du bio-carburant moins cher. Aussi, elle l'interroge sur les mesures qu'il compte prendre pour répondre aux inquiétudes croissantes des producteurs de colza.

Texte de la réponse

Le Gouvernement soutient le développement des biocarburants car ils constituent un débouché pour les produits agricoles français et contribuent à la décarbonation du secteur des transports. Le plan d'action bioéconomie, présenté le 26 février 2018 au salon de l'agriculture, met en avant la nécessité de valoriser les bioénergies durables, dont font partie les biocarburants français. Dans le cadre des négociations portant sur la révision de la directive européenne relative aux énergies renouvelables dite RED II, la France s'est opposée à l'abaissement du plafond de biocarburants conventionnels dans les carburants. La France a également soutenu la fixation d'un objectif sectoriel ambitieux de 15 % pour les transports, cohérent avec les objectifs inscrits dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte. S'agissant d'huile de palme dans les biocarburants, les négociations en trilogue portant sur la révision de la directive RED II ont abouti à un compromis, adopté par le Conseil le 27 juin 2018. Il devrait l'être par le Parlement européen en septembre 2018. Le texte prévoit de plafonner, dans l'atteinte des objectifs d'énergies renouvelables, les biocarburants présentant un risque élevé de changement d'affectation des sols indirect au niveau de leur référence 2019 jusqu'en 2023, avant de les réduire jusqu'à zéro en 2030. La Commission européenne déterminera les critères permettant de distinguer ces biocarburants. Les biocarburants issus d'huile de palme sont aujourd'hui considérés comme présentant un risque élevé de changement d'affectation des sols. S'agissant de la durabilité des matières premières importées, la France soutient un renforcement de la traçabilité et des contrôles pour s'assurer du respect des critères de durabilité (préservation des terres, réduction des émissions de gaz à effet de serre). Il est nécessaire d'obtenir, pour les commodités agricoles importées, un niveau de garantie de durabilité similaire à celui exigé pour la production des biocarburants produits dans l'Union européenne. Le recours à des matières premières importées ne doit pas être source de déforestation. Le Gouvernement souhaite par ailleurs favoriser les initiatives et les engagements volontaires des acteurs privés en faveur de la préservation des forêts dans les autres utilisations de matières premières agricoles, comme la construction automobile ou l'alimentaire. Il a élaboré un projet de stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée qui va dans ce sens. Ce projet est actuellement soumis à la consultation du public. Enfin, s'agissant de la prochaine entrée en fonctionnement de la bioraffinerie de la Mède, le Gouvernement est particulièrement attentif au plan d'approvisionnement de la bioraffinerie et veillera à ce que les filières agricoles françaises contribuent à son approvisionnement.