15ème législature

Question N° 9757
de Mme Frédérique Meunier (Les Républicains - Corrèze )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Rubrique > collectivités territoriales

Titre > Vote du budget des collectivités locales

Question publiée au JO le : 26/06/2018 page : 5481
Réponse publiée au JO le : 03/09/2019 page : 7848
Date de changement d'attribution: 20/11/2018
Date de signalement: 06/11/2018

Texte de la question

Mme Frédérique Meunier attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur la transmission du montant des dotations aux collectivités locales. En effet, le secteur des travaux publics est très sensible aux variations de la commande publique, notamment en zone rurale. Cette situation s'explique notamment par le mode de gestion de la plupart des infrastructures pour lesquelles l'entretien est le plus souvent à la charge de l'État (routes nationales), de collectivités (voiries communales ou départementales) ou d'EPCI/syndicats (voiries intercommunales, réseaux d'eau potable, réseaux d'assainissement), qui constituent donc les principaux donneurs d'ordre des entreprises de travaux publics. Ces travaux, sous maîtrise d'ouvrage publique sont de plus en plus concentrés sur une période de 3 à 6 mois du mois de mai au mois de novembre, le reste de l'année étant marqué par un volume d'activité beaucoup plus faible. Ces écarts se retrouvent aussi bien lors des années de récession économique que lors des périodes de croissance. Or cette concentration des travaux sur une période de plus en plus réduite vient profondément affecter l'efficacité de la dépense publique dans sa composante création d'emplois. Elle prend le cas d'une société réalisant un chiffre d'affaires annuel de 1,2 millions d'euros issu de la commande publique locale : en l'état actuel, cette entreprise va réaliser 65 000 euros de chiffre d'affaires par mois pendant 6 mois, puis 135 000 euros par mois durant les 6 mois restants. Afin d'éviter tout recours à l'activité partielle, l'effectif de l'entreprise va se caler sur la période d'étiage soit 80 000 euros par mois et le dirigeant fera appel à des emplois précaires durant la période la plus soutenue. À l'inverse, si cette entreprise réalisait un chiffre d'affaires identique lissé tout au long de l'année à raison de 100 000 euros par mois, son effectif aurait tendance à croître naturellement pour répondre à ce niveau d'activité. Un lissage de l'activité renforcerait donc l'impact de la dépense publique sur l'emploi privé, à coût constant. Or l'activité se concentre sur des périodes aussi courtes par la volonté des maîtres d'ouvrage de concentrer les travaux sur les périodes les plus chaudes de l'année et par les dates de vote des budgets de plus en plus tardives. Concernant les aspects météorologiques, ils concernent essentiellement les travaux de voirie lors de la pose du revêtement mais impactent nullement les travaux préparatoires pas plus que les travaux sur les réseaux enterrés ou aériens. Il est donc tout à fait possible techniquement de réaliser des travaux d'infrastructure quasiment tout au long de l'année. Concernant les dates de vote des budgets, une communication des différentes dotations et subventions aux collectivités dès le vote de la loi de finances serait une incitation forte à voter le budget le plus tôt possible dans l'année et donc avancer d'autant les commandes et consultations, limitant ainsi ce risque de concentration de l'activité et ses conséquences. Aussi, elle lui demande si ladite communication pourrait intervenir avant le 15 janvier de l'année N avec obligation de vote avant le 15 février.

Texte de la réponse

La procédure de mise en ligne des montants de dotation attribués aux collectivités territoriales et à leurs groupements leur permet de voter leur budget dans les délais impartis par la loi. En effet, l'article L.1612-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) fixe la date du 15 avril comme limite pour l'adoption du budget avant que celui-ci ne soit réglé par le préfet. Le même article précise cependant que cette date ne s'applique pas si la collectivité ne dispose pas des « informations indispensables » à l'établissement du budget avant le 31 mars, la date-limite étant alors reportée quinze jours après la communication de ces éléments. La dotation globale de fonctionnement (DGF) fait partie de ces informations indispensables. Les différentes composantes de la DGF sont mises en ligne sur le site de la direction générale des collectivités locales (DGCL) entre la fin du mois de mars et le début du mois d'avril. Cette année, la mise en ligne s'est échelonnée entre le 16 mars et le 3 avril. Ainsi, les communes avaient jusqu'au 18 avril pour voter leur budget. Le calcul de la DGF nécessite d'obtenir et de fiabiliser un grand nombre de données individuelles, que la direction générale des collectivités locales recense auprès d'autres administrations ou directement auprès des collectivités, via les services déconcentrés de l'État, comme le périmètre communal et intercommunal au 1er janvier de l'année ou encore la longueur de voirie (qui implique de faire remonter les délibérations des conseils municipaux en cas de variation du kilométrage déclaré). En outre, il est indispensable que les calculs prennent en compte les données les plus récentes, afin d'assurer aux collectivités que les dotations perçues soient en rapport avec la situation effective de la collectivité l'année de la répartition. À titre d'illustration, le CGCT prévoit que le potentiel fiscal d'une commune soit calculé sur la base des bases et produits fiscaux afférents à l'année précédente. Le potentiel fiscal comprend également l'attribution de compensation perçue l'année précédente et constatée dans le dernier compte de gestion. Cette contrainte légale nécessite de conduire de lourds exercices de fiabilisation dans un délai très réduit, le recensement de cette dernière donnée étant en pratique achevé la dernière semaine de mars. Dès lors, pour avancer la date de communication de la DGF, il faudrait modifier la loi pour prendre en compte, dans un certain nombre de cas, des données afférentes au pénultième exercice et non les données les plus récentes. Un tel recul en termes d'adéquation entre les dotations versées aux collectivités et les réalités aurait pour principale conséquence de distendre le lien entre la dotation versée et la situation du bénéficiaire, et poserait, à terme, d'importantes difficultés pour les collectivités concernées. Actuellement, la fermeture d'une entreprise et la disparition des bases et produits de contribution économique territoriale se traduit dès l'année suivante, et toutes choses égales par ailleurs, par une diminution du potentiel financier et potentiellement par une augmentation de la péréquation dont bénéficie la commune. En calculant la DGF à partir de données plus anciennes, les pertes subies par la commune ne pourraient être prises en considération qu'après deux exercices. Au demeurant, la législation actuelle prévoit des dispositions transitoires en cas d'adoption tardive d'un budget local. S'agissant par ailleurs des inconvénients qui résulteraient de la date d'adoption tardive des budgets locaux, tels que des variations nuisibles à l'activité économique, il convient tout d'abord de rappeler que la limite temporelle fixée pour l'adoption des budgets locaux résulte d'un assouplissement au principe qui voudrait que le budget soit voté au 1er janvier ; cet assouplissement vise à faciliter les pratiques des collectivités. L'article 7 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions commence ainsi par rappeler le principe avant d'envisager les exceptions : « dans le cas où le budget de la commune n'a pas été adopté avant le 1er janvier de l'exercice auquel il s'applique […] ». Ainsi, même si le budget primitif a valeur d'autorisation préalable et devrait donc être voté avant le 1er janvier, la date limite de vote du budget est fixée, sauf exception, au 15 avril de l'exercice. Ce décalage permet l'établissement et le vote d'un budget respectant notamment les principes d'équilibre réel et de sincérité. Ainsi, les articles L. 1612-2 et L. 1612-9 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoient une date limite de vote du budget fixée au 15 avril de l'exercice sauf dans quelques cas précis où une date plus tardive est possible. L'année de renouvellement des assemblées délibérantes, la date limite est repoussée au 30 avril ; en cas d'absence de communication par l'État des informations indispensables à l'élaboration des budgets (la liste fixée à l'article D. 1612-1 du CGCT) avant le 31 mars, les assemblées locales disposent alors d'un délai de 15 jours, à compter de la date de notification de ces informations, pour voter le budget primitif ; lorsque le budget de l'exercice précédent d'une collectivité a été réglé d'office par le préfet suite à une saisine pour déséquilibre au titre de l'article L. 1612-5, la date limite de vote du budget est fixée au 1er juin (ou au 15 juin l'année de renouvellement des assemblées locales). Pour autant, les collectivités peuvent engager des dépenses avant le vote de leur budget. Ces différentes possibilités sont prévues à l'article L. 1612-1 du CGCT. La circulaire n° NOR/INT/B/89/00017/C du 11 janvier 1989 venant préciser les dispositions des articles 15 à 22 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation détaille que c'est bien pour répondre à la pratique des collectivités qui adoptent en majorité leur budget à une période proche du délai limite que la pratique des « délibérations budgétaires spéciales » a été consacrée. Ainsi, pour les dépenses de fonctionnement, la collectivité a la possibilité « de mettre en recouvrement les recettes et d'engager, de liquider et de mandater les dépenses […] dans la limite de celles inscrites au budget de l'année précédente ». Pour les dépenses d'investissement, la collectivité peut « engager, liquider et mandater les dépenses […], dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l'exercice précédent, non compris les crédits afférents au remboursement de la dette ». Enfin, la collectivité peut « mandater les dépenses afférentes au remboursement en capital des annuités de la dette venant à échéance avant le vote du budget ». Ces diverses possibilités, inscrites dans la loi, permettent de pallier les déséquilibres dans le temps que vous soulevez. Par ailleurs, modifier les dates d'adoption des budgets locaux, en revenant au principe d'adoption du budget au 1er janvier, pourrait contrevenir à la libre administration des collectivités qui élaborent leur budget.