15ème législature

Question N° 976
de M. Gilles Lurton (Les Républicains - Ille-et-Vilaine )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > aquaculture et pêche professionnelle

Titre > Situation de la pêche en mer Celtique

Question publiée au JO le : 04/02/2020
Réponse publiée au JO le : 12/02/2020 page : 859

Texte de la question

M. Gilles Lurton appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la situation de la pêche en mer Celtique. La France reste la deuxième puissance maritime mondiale après les États-Unis et les filières de pêches des ports français constituent une richesse économique qu'il faut savoir préserver. Mais les pêcheurs s'inquiètent de la capacité du Gouvernement français à défendre leurs intérêts. Récemment l'introduction par le conseil des ministres des pêches de l'Union européenne, sur proposition de l'Irlande, de nouvelles mesures techniques en mer Celtique, visant à protéger le cabillaud et le merlan impacte très lourdement l'activité économique des pêcheurs français et principalement les pêcheurs bretons. Alors même que l'objectif porte sur le cabillaud et le merlan, les pêcheurs français s'interroge sur le choix du conseil des ministres d'introduire une série de mesures techniques qui, de fait, rendront impossible l'activité de pêche par les chalutiers bretons dans le secteur hautement stratégique de la mer Celtique. L'entrée en vigueur de cette décision européenne engendre une perte de chiffre d'affaires de 44 % pour les navires concernés car un certain nombre d'espèces comme la baudroie, la cardine ou l'églefin ne seraient plus capturables. Cette décision du conseil des ministres humilie la France. Certes la délégation française conduite par le Gouvernement français a obtenu un report de cinq mois de l'entrée en vigueur de ces nouvelles mesures. C'était bien le moins qu'il puisse faire alors même que les arguments défendus par les organisations de pêcheurs auraient dû le conduire à exiger l'annulation pure et simple de telles décisions. Mais la vérité, c'est que le pays n'est plus armé aujourd'hui pour défendre les intérêts de la pêche française qui se trouve sacrifiée sur la scène européenne. La vérité, c'est que le Gouvernement français manque d'un véritable interlocuteur capable de suivre les dossiers de la pêche et de défendre les pêcheurs. La vérité, c'est que le Gouvernement n'était pas préparé à cette négociation. Il est temps que la France relève enfin le défi de la pêche et sache tenir son rang de deuxième puissance maritime mondiale faute de quoi on pourra désormais considérer dans le pays qu'un bon pêcheur est un pêcheur qui ne pêche rien. Il souhaite donc connaître ses intentions sur cette question.

Texte de la réponse

PÊCHE EN MER CELTIQUE


M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour exposer sa question, n°  976, relative à la pêche en mer Celtique.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, la France reste la deuxième puissance maritime mondiale après les États-Unis et les filières de pêches de nos ports français constituent une richesse économique qu'il nous faut préserver. Cependant, les pêcheurs s'inquiètent de la capacité du Gouvernement français à défendre leurs intérêts.

Récemment, sur proposition de l'Irlande, le Conseil des ministres européens de l'agriculture et de la pêche a introduit de nouvelles mesures techniques en mer Celtique, visant à protéger le cabillaud et le merlan. Ces mesures ont des conséquences très lourdes sur l'activité économique des pêcheurs français, et principalement des pêcheurs bretons. Alors même que l'objectif porte sur le cabillaud et le merlan, je m'interroge sur le choix du Conseil des ministres d'introduire une série de mesures techniques qui, de fait, rendront impossible l'activité de pêche par les chalutiers bretons dans le secteur hautement stratégique de la mer Celtique. L'entrée en vigueur de cette décision européenne engendre une perte de chiffre d'affaires de 44 % pour les navires concernés, car plusieurs espèces comme la baudroie, la cardine ou l’églefin ne pourraient plus être capturées.

La décision du Conseil des ministres humilie la France. Certes, la délégation française que vous avez conduite, monsieur le ministre, a obtenu un report de cinq mois de l'entrée en vigueur des nouvelles mesures. C'était bien le moins que vous puissiez faire, alors même que les arguments défendus par les organisations de pêcheurs auraient dû conduire à exiger l'annulation pure et simple d'une telle décision !

Je pense qu'aujourd'hui, notre pays n'est plus armé pour défendre les intérêts de la pêche française, qui se trouve sacrifiée sur la scène européenne. De mon point de vue – et c'est également celui qui prévaut dans les ports bretons –, le Gouvernement français manque d'un véritable interlocuteur, capable de suivre les dossiers de la pêche et de défendre nos pêcheurs.

Monsieur le ministre, il est temps que la France relève le défi de la pêche et sache tenir son rang de deuxième puissance maritime mondiale, faute de quoi nous pourrons désormais considérer, dans notre pays, qu'un bon pêcheur est un pêcheur qui ne pêche rien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le député, je vous ai connu plus nuancé dans vos analyses. L'énervement perceptible chez les uns et les autres est sans doute un effet de la tempête qui s'est abattue sur la France…

Je ne pense pas que la France ait été humiliée, car elle a tenu bon. Humiliée, elle l'aurait été si nous avions accepté le compromis à seize heures trente, alors que le Conseil s'est terminé à six heures du matin. Je n'ai pas voulu lâcher.

Vous savez très bien qu'il n'est pas possible d'annuler la mesure. Vous connaissez le fonctionnement des conseils européens : la France était isolée ; j'ai été le seul à m'opposer à la position de la Commission. À l'arrivée, il y avait deux solutions : soit on votait le compromis, soit on ne le votait pas, ce qui revenait à perdre toutes les avancées positives que nous avions obtenues.

Sur le sujet de la pêche en mer Celtique, je n'ai cessé d'être en contact avec les pêcheurs et le président du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins, une personne très écoutée mais qui a parfois des positions bien différentes selon qu'il parle avec moi ou avec les pêcheurs bretons – ce qui est bien normal. Le stock en mer Celtique est un vrai problème, nous le savons tous. Je me suis opposé à la position proposée par le commissaire européen, celle du « raise line », c'est-à-dire de la levée des filets, car cela ne règle pas le problème. Seule l'Irlande l'a demandée, mais cette solution a été acceptée par tous les pays de l'Union européenne, sans aucune exception, hormis la France – je tiens à le souligner.

On ne peut pas dire que la France n'est pas écoutée, seulement, dans l'Union européenne, c'est la majorité qui l'emporte. L'enjeu du Conseil, partagé par les pêcheurs français et les autres États membres, était de parvenir à une augmentation du total autorisé des captures en contrepartie de mesures complémentaires de gestion : nous l'avons obtenu et sommes pleinement mobilisés sur ce sujet. Une réunion trilatérale s'est tenue avec la France, la Commission et la présidence du conseil, assurée par la Finlande. Cela montre bien que nous avons fait monter la pression au point de permettre de débloquer partiellement la situation. J'ai réussi à convaincre le commissaire européen d'un compromis, celui que l'application du raise line soit décalée de cinq mois.

De ces cinq mois, il en reste désormais quatre pour travailler. Le commissaire sera à Paris demain et après-demain ; je le rencontrerai jeudi matin pour lui indiquer que je conteste totalement la méthode retenue aujourd'hui par la Commission : elle n'est pas acceptable car elle se fonde seulement sur quelques études qui n'ont pas été validées par l'ensemble des parties. Personnellement, je m'appuie beaucoup sur l'étude de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer – IFREMER.

Ce matin encore, j'étais avec le président de la région Bretagne, et nous avons abordé ce sujet. Je souhaite que nous trouvions une autre solution pour sortir de la crise. Il existe un problème de gestion durable, et tous les pays doivent être logés à la même enseigne : peut-être la pêche sera-t-elle fermée durant quelques semaines ? Mais, dans ce cas, elle sera fermée pour tout le monde. Il n'est pas question que nous acceptions la situation actuelle, qui n'est pas satisfaisante. Après-demain, je ferai au commissaire une contre-proposition, afin qu'il puisse la porter au niveau européen. Je lui ai très clairement dit que la position actuelle a été proposée par l'Irlande sur la base d'études que nous contestons. J'ai donc demandé à l'IFREMER de travailler avec le comité national et le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins et les services de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture – DPMA –, pour obtenir un résultat que j'espère positif.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, très brièvement car le temps de parole est déjà écoulé.

M. Gilles Lurton. Merci de cette réponse, monsieur le ministre. Je comprends que les choses devraient évoluer demain ou après-demain : tant mieux ! Ce qui m'inquiète, c'est de voir ces mesures tomber brutalement sur les pêcheurs : la semaine dernière, c'était le Brexit et Guernesey, cette semaine, c'est l'affaire de l'Irlande. Tout cela inquiète vraiment le monde de la pêche, et je pense que nous avons intérêt à travailler sur ces mesures bien avant qu'elles ne nous tombent dessus.

M. Didier Guillaume, ministre. C'est ce que nous faisons.