15ème législature

Question N° 98
de Mme Caroline Fiat (La France insoumise - Meurthe-et-Moselle )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > déchets

Titre > Débat et études sur le dévenir des déchets nucléaires

Question publiée au JO le : 23/01/2018
Réponse publiée au JO le : 31/01/2018 page : 577

Texte de la question

Mme Caroline Fiat interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le projet de Centre industriel de stockage géologique, appelé Cigéo, qui consiste à enfouir à 500 mètres de profondeur sous la commune de Bure des résidus radioactifs à haute activité et à vie longue. En 2019, l'Agence de sécurité nucléaire devrait se prononcer sur la mise en exploitation du site jusqu'en 2140 pour un stockage supposé résister plus de 100 000 ans et contenant des éléments radioactifs un million d'années. Les risques de contamination radioactive sont évidents. Faire confiance à la roche en considérant qu'il ne va rien se passer pendant un million d'années est complètement irresponsable. En août 2017, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a pointé du doigt de nombreux dangers dont celui d'incendies liés à l'émission d'hydrogène. Face à ces risques majeurs, on garantit la réversibilité du projet. L'enfouissement profond de déchets ultimes, Stocamine, en Alsace était censé répondre au principe de réversibilité. Foutaise ! Seulement cinq ans après en 2002, un incendie rend impossible la récupération de tous les déchets enfouis et menace de contaminer la plus grande nappe phréatique d'Europe ! Jamais les conditions requises pour un réel débat n'ont été réunies. Le projet Cigéo a failli être imposé par l'article 49-3 dans la loi Macron de 2015 avant d'être invalidé par le conseil constitutionnel. D'autres options que l'enfouissement en couche géologique profonde existent mais ne sont pas étudiées de manière approfondie. C'est le cas de l'entreposage blindé en surface que réclame de nombreux scientifiques car il permettrait de garder un œil sur les déchets. Nos ancêtres ont donné en héritage il y a 30 000 ans de magnifiques peintures rupestres. On s'apprête à léguer définitivement aux générations futures, sans débat réel, le poison et la mort invisible de la haute radioactivité. Avant d'engager un projet extrêmement risqué qui coûtera, au bas mot, 35 milliards d'euros et qui engage l'humanité sur le très long terme, elle lui demande si un débat démocratique et contradictoire aura lieu, avec, à l'appui, des études poussées sur toutes les options possibles.

Texte de la réponse

CENTRE INDUSTRIEL DE STOCKAGE GÉOLOGIQUE CIGEO À BURE


Mme la présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour exposer sa question, n°  98, relative au centre industriel de stockage géologique CIGEO à Bure.

Mme Caroline Fiat. Madame la ministre chargée des transports, ma question s'adressait à Nicolas Hulot, mais je pense qu'il vous a fourni sa réponse.

Le projet de Centre industriel de stockage géologique, ou CIGEO, consiste à enfouir à 500 mètres de profondeur, à Bure, nos déchets les plus radioactifs. En 2019, l'Agence de sûreté nucléaire, l'ASN, devra se prononcer sur la mise en exploitation du site jusqu'en 2140.

Le stockage est supposé résister plus de 100 000 ans alors même que les résidus qu'il contient seront radioactifs durant des millions d'années. Enterrer ces déchets et fermer les yeux est parfaitement irresponsable : en août dernier, l'IRSN – Institut de radioprotection et de sûreté nucléaires – a pointé du doigt de nombreux dangers, dont les risques d'incendie. Le dernier avis rendu par l'ASN confirme ces dangers.

Face à ces risques majeurs, on nous garantit la réversibilité du projet. Le projet StocaMine, en Alsace, était aussi censé répondre à ce principe. Foutaises : au bout de cinq ans seulement, en 2002, un incendie a rendu impossible la récupération de tous les déchets enfouis et menace de contaminer la plus grande nappe phréatique d'Europe !

Jamais les conditions d'un réel débat n'ont été réunies. En 2015, le projet CIGEO a failli être imposé au moyen de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, avant d'être invalidé par le Conseil constitutionnel. D'autres options que l'enfouissement profond existent mais ne sont pas étudiées de manière sérieuse, comme l'entreposage blindé en surface, réclamé par de nombreux scientifiques car il permettrait de garder un œil sur les déchets.

Madame la ministre, il y a 300 000 ans, nos ancêtres nous ont légué en héritage de magnifiques peintures rupestres. Nous, nous nous apprêtons à léguer aux générations futures, sans réel débat, le poison et la mort invisibles, en créant une poubelle nucléaire. Avant d'engager ce projet extrêmement risqué, qui coûtera au bas mot 35 milliards d'euros et qui menace l'humanité sur le très long terme, pouvez-vous nous dire si un débat démocratique et contradictoire aura lieu, appuyé sur des études poussées à propos de toutes les options possibles ?

M. Loïc Prud'homme. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.

Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Madame Fiat, Nicolas Hulot m'a en effet chargée de vous répondre.

Aujourd'hui, 90 % des déchets radioactifs disposent d'une filière de gestion à long terme en exploitation. Les 10 % restants, des déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, représentent 99 % de la radioactivité. Ce sont justement ces déchets qui sont destinés au projet de stockage CIGEO, à Bure, dans la Meuse.

Puisque ces déchets existent, il est de notre responsabilité de les gérer de la façon la plus sûre possible. Une solution claire doit être trouvée pour les prendre en charge dans des conditions de sécurité absolue. Les travaux de recherche et débats parlementaires menés depuis quinze ans n'ont pas permis d'identifier une autre option crédible que le stockage en couche géologique profonde. Cette solution est mise en œuvre progressivement par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA.

Le ministre d'État Nicolas Hulot veillera particulièrement à ce que le projet CIGEO fasse l'objet de suffisamment de concertations avec les parties prenantes et les collectivités. L'autorisation du projet, qui n'interviendra pas avant 2022, ne sera donnée qu'après une enquête publique, un avis des collectivités locales concernées, un avis du Parlement, un avis de la Commission nationale d'évaluation et, bien entendu, une instruction conduite par l'Autorité de sûreté nucléaire. Par ailleurs, afin de veiller à la bonne information et à la participation du public jusqu'à l'ouverture de l'enquête publique, deux garants ont été nommés récemment par la Commission nationale du débat public.

Si la concertation est indispensable, elle ne saurait légitimer la violence ; le Gouvernement sera attentif à ce que la contestation autour de CIGEO s'exerce dans le respect des lois de la République.

La conception du stockage par l'ANDRA se poursuit actuellement, dans le cadre d'un dialogue exigeant avec l'ASN, qui vient de publier son avis sur le dossier des options de sûreté : elle y réaffirme que celles-ci constituent une avancée significative et elle y pointe aussi quelques difficultés.

Bien évidemment, aucune interrogation ne doit être laissée sans réponse. La question des bitumes, par exemple, a fait beaucoup parler d'elle ; Nicolas Hulot a demandé l'organisation d'une expertise renforcée et indépendante sur ce sujet afin d'éclairer toutes les parties prenantes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat.

Mme Caroline Fiat. Le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, Sébastien Lecornu, en visite à Bure, a déclaré, un peu comme vous : « Les oppositions qui ne seraient pas dans la légalité sont inacceptables. Les oppositions radicalisées, qui commettent des actes de délinquance, comme cela a pu être le cas, ont vocation à être traduites devant les tribunaux de la justice française. » Habitante de la Lorraine et native de la Meuse, je peux vous dire que, là-bas, on est loin de la violence. S'il y a une victime de la violence autour du projet CIGEO, c'est bien le militant qui a dû être amputé de plusieurs orteils. Ne faites pas croire que les opposants au projet sont des manifestants violents !

Quant au rapport rendu par l'ASN il y a dix jours, nous ne l'interprétons pas comme vous. Voici ce que l'on peut lire dans la note d'information publiée par l'ASN à propos de cet avis : « certains sujets du dossier d'options de sûreté nécessitent des compléments en vue de la demande d'autorisation [portant sur] la justification de l'architecture de stockage, le dimensionnement de l'installation pour résister aux aléas naturels, la surveillance de l'installation et la gestion des situations post-accidentelles ». Cela ne me semble pas un avis très positif !

Il est dommage que M. Hulot ne soit pas présent. Il y a quelques années, nous avions fait la fête et bu un verre ensemble sur le site de CIGEO – à l'époque, il était opposé au projet. Je vous invite, madame la ministre, avec M. Hulot, à venir sur place, dans notre beau département de la Meuse, en Lorraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)