Rubrique > accidents du travail et maladies professionne
Titre > La France championne de l'insécurité au travail : quelles suites pénales ?
M. François Ruffin alerte M. le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion sur l'insuffisance des suites pénales données aux procès-verbaux dressés par l'inspection du travail en cas de risque pour la santé et la sécurité des salariés. Avec 645 morts recensés en 2021, la France se classe parmi les pires pays d'Europe en matière de sécurité au travail. 2 morts par jour en moyenne et environ 2 000 accidents du travail avec arrêt chaque jour. Pour tenter de prévenir ces accidents du travail, les inspectrices et inspecteurs du travail effectuent des contrôles au quotidien partout en France. Et lorsqu'ils relèvent des manquements graves en matière de santé ou de sécurité des salariés, ils dressent un procès-verbal qui est ensuite transmis au procureur de la République pour que celui-ci engage des poursuites à l'encontre de l'employeur. Mais une fois entre les mains de la justice, ces PV ne sont pas suffisamment suivis d'effets. Le traitement judiciaire des accidents du travail est « un naufrage » selon la CGT travail, emploi, formation professionnelle (TEFP). En Seine-Saint-Denis, par exemple, ce syndicat a compté seulement un tiers de poursuite sur un total de 150 procès-verbaux dressés entre 2014 et 2020. Voici le décompte précis publié récemment par le magazine Santé et travail : sur ces 150 PV relevant des infractions à la santé ou à la sécurité, 43 seulement ont donc été - ou vont être - jugés et 7 autres font l'objet d'une alternative (ordonnance pénale ou comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité). Un autre tiers (51 PV) a été classé sans suite, dont un PV contre une entreprise qui avait refusé d'arrêter des travaux malgré un échafaudage non conforme. Un dernier tiers est toujours en enquête, comme ce PV relevé en 2016 après qu'une machine non conforme a causé de multiples fractures à un salarié. Pour la même publication dans Santé et travail, en Seine-Maritime, des inspecteurs du travail ont remonté la trace de 250 dossiers transmis à la justice entre 2017 et 2022. Au 1er janvier 2023, seuls 14 % de ces affaires ont fait l'objet de poursuites et 5 % d'alternatives (rappel à la loi ou régularisation à la demande du parquet). Près d'un quart (24 %) des dossiers ont donné lieu à un classement sans suite et 42 % font toujours l'objet d'une enquête, dont certains PV arrivant à la limite du délai de prescription de six ans. Et ce problème de l'insuffisance des suites pénales n'est pas nouveau ! Au point qu'en 2007, le ministère du travail a créé un Observatoire des suites pénales (OSP) pour recenser l'ensemble des procès-verbaux transmis à la justice, dans le but d'en améliorer le suivi. Mais aujourd'hui, ce recensement ne semble toujours pas effectif et en tout cas ces données ne sont pas publiques : est-il possible d'obtenir les chiffres de cet observatoire ? Alors que M. le ministre promet une loi « d'ici l'été » pour améliorer les conditions de travail, il lui demande s'il ne serait pas temps de se soucier des suites judiciaires données aux procédures engagées par les inspectrices et inspecteurs de son propre ministère, afin de réprimer effectivement les manquements à la sécurité des employeurs et ainsi mieux protéger les salariés.