Question écrite n° 10125 :
Délocalisation chez Valéo : l'Etat, premier actionnaire, laisse faire

16e Législature
Question signalée le 30 octobre 2023

Question de : M. François Ruffin
Somme (1re circonscription) - La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale

M. François Ruffin alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sur la situation du site Valéo à Amiens Un rappel, d'emblée : l'État est, le premier actionnaire de Valéo. Et pourtant, son silence, son impuissance, semblent la règle. Mercredi 5 juillet 2023, la direction du site de Valeo Amiens a annoncé aux syndicats un « plan de sauvegarde de l'emploi » prévoyant « 89 suppressions de postes avec l'arrêt des embrayages pour boîtes manuelles simples ». Un vrai coup de massue pour les salariés : « Tout le monde est abattu » rapporte Freddy Leonardi, délégué CGT de l'entreprise. Cette annonce n'a malheureusement rien de surprenant, pour qui suit le dossier. Le 29 octobre 2019, M. le député signalait déjà à M. le ministre les inquiétudes des salariés quant à d'éventuelles délocalisations : « C'est tout l'avenir du site amiénois qui paraît bien sombre. Depuis plusieurs années, hormis le projet Self adjusting technology, aucune nouvelle production n'est proposée à Amiens. Le site périclite, avec des « embrayages » historiques, vieillissants. Ceci, alors que de nombreuses innovations sont conçues au centre de recherche Valeo-Amiens, mais sont produites ailleurs. ['] L'État, détenteur de 7,34 % du capital, est le premier actionnaire de Valeo. Le Gouvernement pourrait donc veiller à ce que [les] produits conçus au pays soient aussi fabriqués ici ». M. le ministre n'avait pas répondu à l'époque : oui, plus de trois années se sont écoulées sans la moindre réponse de sa part. Le fera-t-il cette fois-ci ? Depuis, que s'est-il passé ? Certes, la crise covid a mis à mal l'industrie automobile. Mais Valeo s'en est sorti haut la main : 175 millions d'euros de bénéfices en 2021, 230 millions en 2022, le rachat de Siemens eAutomotive, une hausse des dividendes de 17 % en 2022 puis de 9 % en 2023. Et dans le même temps, les belles promesses d'investissements pour le site d'Amiens se sont rabougries : « Le contrat avec Mercedes, ébruité dans un premier temps à un milliard d'euros d'activité sur 10 ans, a été ramené en décembre 2020 à 600 millions d'euros » (Courrier picard, 6 juillet 2023). Quant aux salariés, « en quatre ans, ce sont 120 titulaires que nous avons déjà perdus, poussés à partir » d'après la CGT. Désormais, c'est la peur qui s'installe : le fameux « nouveau produit », ce « triple-embrayage humide » pour Mercedes, qui devrait relancer la production, n'arrivera sur les chaînes qu'en 2025. Tandis que la production actuelle va partir à Bursa, en Turquie. Pour la CGT, « on nous retire un produit du passé mais qui fait encore notre présent ». En tant que premier actionnaire de Valeo, l'État doit faire en sorte que les millions investis ces dernières années servent à la production. À la production de demain, bien sûr. En s'assurant que les embrayages du futur, ceux des moteurs électriques, seront fabriqués là où ils sont conçus, à Amiens notamment. Et à la production d'aujourd'hui, aussi. En refusant les plans de délocalisation. Alors, M. le ministre va-t-il laisser péricliter un outil de production de pointe, avec des salariés au savoir-faire reconnu ? Ou va-t-il tout mettre en œuvre pour que l'usine Valeo d'Amiens demeure un fleuron, forme ses ouvriers et recrute à nouveau ? Dans la période charnière qui s'ouvre, son rôle est de proposer une vision, une stratégie. La transition écologique nécessite une mobilisation générale. De tous les capitaux, de tous les savoir-faire. L'État doit exiger le maintien et le développement de la production en France des entreprises dont il est le premier actionnaire.

Réponse publiée le 21 novembre 2023

L'accélération de la transition au tout électrique en 2035 pose de nouveaux défis aux sites qui sont exposés aux motorisations thermiques. Les sites positionnés sur les transmissions des véhicules à motorisations conventionnelle - tel que le site de Valeo Amiens - sont particulièrement concernés par cette transition, l'avènement du véhicule électrique et des transmissions automatiques exigeant un remodelage complet de cette activité pour les véhicules hybrides, puis une transition vers l'électrique. C'est dans ce contexte que la direction du site d'Amiens a annoncé le 5 juillet 2023 le projet de réorganisation et de plan social du site d'Amiens afin qu'il puisse se repositionner sur des produits d'avenir. Le plan de sauvegarde de l'emploi présenté pour accompagner les salariés de main d'œuvre indirecte (structure) qui occupent 90 postes essentiellement affectés aux activités thermiques est le fruit d'un dialogue social construit entre la direction locale et les représentants du personnel et des syndicats qui a permis d'une part de confirmer et d'affiner les contours de ce plan de transformation du site qui s'en trouve ainsi renforcé, et d'autre part de définir des mesures sociales nécessaires pour les salariés impactés par ce plan afin qu'ils soient accompagnés dans leurs démarches relatives à une future activité professionnelle. Ainsi, Valeo s'est notamment engagé à proposer pour chaque poste supprimé un poste de reclassement en France, dont une partie dans les Hauts-de-France. Ce plan de sauvegarde de l'emploi et de pérennisation du site a fait l'objet d'une négociation d'un accord collectif signé par les organisations syndicales représentant plus de la moitié des salariés, et d'une procédure de consultation et d'information du CSE qui a remis son avis début octobre. Sur cette base, la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités a validé ce plan de transformation fin octobre. Il faut souligner que ce plan s'inscrit dans un projet de pérennisation du site qui ne prévoit pas de réduction de l'emploi permanent de main d'œuvre directe mais, au contraire, des investissements et de nouvelles embauches. Ainsi, 46 millions d'euros seront investis pour repositionner le site sur des activités à haute valeur ajoutée et notamment sur des technologies liées à l'électrification des véhicules. Ces 46 millions d'euros viennent ainsi s'ajouter aux 120 millions d'euros investis par Valeo de manière continue ces 10 dernières années pour s'assurer que les activités du site demeurent en adéquation avec les besoins de ses clients. Ainsi, le site d'Amiens est désormais simplifié et concentré sur des transmissions de dernière génération pour véhicule hybride et des embrayages de camion répondant aux normes Euro 6. Le plan prévoit le maintien d'une activité industrielle permettant de pérenniser les effectifs directs inscrits grâce à des niveaux de commande sur ces deux technologies qui assurent la pérennité de l'activité sur la décennie. Enfin, si un volet formation est également prévu dans ce plan pour le personnel de production afin de développer leurs compétences sur les technologies liées à l'électrification des véhicules, 30 opérateurs de production en contrat à durée indéterminée seront également recrutés avant la fin de l'année 2024. L'État se tient aux côtés des entreprises du secteur puisque dès 2020 dans le cadre du plan de relance, puis de France 2030, l'ambition de l'État a été d'accélérer le soutien aux investissements des sous-traitants exposés à la transition vers l'électrique afin de les positionner sur le véhicule électrique ou d'autres activités de diversification. Le versement de ces aides est conditionné à la réalisation effective de ces investissements en France. Dans ce contexte, le projet triple embrayage pour les véhicules hybridés porté par le site Valeo d'Amiens a été soutenu par l'État en 2021 pour un montant de 3,1 millions d'euros. Le versement de la totalité de l'aide est conditionné à la réalisation de ces dépenses d'industrialisation sur le site. Ce projet devrait permettre de conserver plus de 50 emplois en R&D sur la période 2021-2022 et plus de 300 emplois industriels préservés à partir du lancement industriel (2024). Par ailleurs, Bpifrance, qui est actionnaire à hauteur de 5,2 % du capital de Valeo et dispose d'un représentant au Conseil d'Administration joue pleinement et activement son rôle d'actionnaire minoritaire comme dans toutes les entreprises où elle est actionnaire. À ce titre, Bpifrance reste vigilant quant à la stratégie de l'entreprise, la préservation de son intérêt social et sa pérennisation, et promeut le maintien des activités industrielles, notamment en France. Dans ce contexte, le Gouvernement reste donc plus que jamais mobilisé auprès des sites historiques de production de composants automobiles en France et notamment celui Valéo d'Amiens en vue de garantir un tissu industriel amont compétitif, innovant, résilient, décarboné, ancré dans nos territoires et créant des emplois d'avenir.

Données clés

Auteur : M. François Ruffin

Type de question : Question écrite

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Ministère répondant : Économie, finances, souveraineté industrielle et numérique

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 30 octobre 2023

Dates :
Question publiée le 18 juillet 2023
Réponse publiée le 21 novembre 2023

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