Agrément judiciaire de l'association Anticor
Question de :
Mme Marie-Noëlle Battistel
Isère (4e circonscription) - Socialistes et apparentés (membre de l’intergroupe NUPES)
Mme Marie-Noëlle Battistel alerte Mme la Première ministre sur la situation de l'association Anticor à l'aune de la décision judiciaire du 23 juin 2023 portant abrogation de l'arrêté du Premier ministre d'avril 2021 qui visait à attribuer un agrément judiciaire à l'association Anticor. Effectivement, il y a deux ans, M. Jean Castex renouvelait à l'association son agrément judiciaire accordé pour une durée maximale de 3 ans, renouvelables. Cet agrément, attribué par voie d'arrêté, autorise donc l'association à ester en justice. Cela vient également permettre aux citoyens d'être représenté dans ce type d'affaires alors qu'ils n'ont pas d'intérêt direct à agir et que l'opportunité des poursuites est à l'initiative du parquet. La constitution de partie civile, permise par cet agrément ministériel, permet donc la saisie quasi automatique d'un juge d'instruction et la possibilité de relancer les investigations et procédures même lorsque le parquet a décidé de classer l'enquête. Seules trois associations disposent d'un tel agrément judicaire en France : Transparency international France, Sherpa et Anticor, qui désormais en est dépourvue. Depuis plus de 20 ans, par sa vigilance, le niveau de compétence de ses membres et son expérience de l'action publique, l'association Anticor joue donc un rôle majeur, auprès des institutions judiciaires du pays, tant par la prévention que par ses actions pour déceler et faire condamner les délits d'atteinte à la probité. L'action d'Anticor est essentielle lorsque l'on sait que le coût de la corruption en France est chiffré, a minima, à 120 milliards d'euros pour la seule année 2022. Le 23 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rendu une décision d'annulation de l'arrêté ayant attribué l'agrément deux ans auparavant, conformément à la procédure prévue par la loi de 2013, au motif que celui-ci comportait une erreur de droit commise par les services du Premier ministre de l'époque. Cette incohérence juridique avait été relevée par Anticor à l'époque où l'arrêté a été pris mais l'association n'avait pas pu justifier d'un intérêt à agir, la décision rendue à son encontre par l'administration étant de facto favorable. Pendant la procédure judiciaire, le Gouvernement aurait pu modifier la motivation de sa décision, mais il a choisi de ne pas étayer oralement ses arguments devant le juge administratif. Ainsi, Mme la députée souhaite savoir si la Mme la Première ministre compte prendre un nouvel arrêté rapidement, en bonne et due forme, afin d'attribuer de nouveau un agrément judiciaire à l'association Anticor dont le sérieux et la légitimité à bénéficier de cet agrément ne sont plus à démontrer. Également, elle souhaite savoir si le Gouvernement souhaite mener une réflexion plus large, à l'aune de cet épisode malencontreux, sur l'opportunité de modifier la procédure d'attribution d'agrément afin de la doter de garanties d'indépendance plus satisfaisantes en attribuant celle-ci à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique par exemple.
Réponse publiée le 31 octobre 2023
L'article 2 du code de procédure pénale conditionne la recevabilité de l'action civile en réparation d'un dommage, causé par un crime, un délit ou une contravention, à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction. Aux termes des articles 2-1 et suivants du code de procédure pénale et notamment de l'article 2-23, certaines associations, qui ont une activité effective dans certains domaines d'intérêt public disposent d'un agrément octroyé selon certaines conditions, qui permettent notamment de s'assurer d'une indépendance financière et d'une gestion transparente de la structure. L'association Anticor bénéficie – depuis un premier agrément délivré le 19 février 2015 – de la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, les infractions de corruption et trafic d'influence, les infractions de recel ou de blanchiment des infractions précitées ou certaines infractions du code électoral. Il n'appartient pas au Gouvernement de commenter ou de porter un avis sur les décisions de justice, notamment celle rendue par le tribunal administratif de Paris le 23 juin 2023 annulant l'agrément dont bénéficiait Anticor – ce d'autant plus que la décision n'est pas définitive en raison d'un recours pendant devant la cour administrative d'appel de Paris laquelle a tenu son audience le 19 octobre 2023. L'instruction de la nouvelle demande d'octroi d'agrément déposée par l'association Anticor à la fin du mois de juin dernier est actuellement en cours et doit se poursuivre sereinement et menée en parfaite connaissance du sens, du contenu et des effets de la décision à intervenir. Il apparaît en toute hypothèse prématuré, dans l'attente de la décision de la cour administrative d'appel de Paris, de tirer des conséquences systémiques de la décision du tribunal administratif
Auteur : Mme Marie-Noëlle Battistel
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Première ministre
Ministère répondant : Première ministre
Dates :
Question publiée le 25 juillet 2023
Réponse publiée le 31 octobre 2023