16ème législature

Question N° 10507
de Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho (Rassemblement National - Essonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Transformation et fonction publiques
Ministère attributaire > Transformation et fonction publiques

Rubrique > administration

Titre > Code des relations entre le public et l'administration

Question publiée au JO le : 01/08/2023 page : 7204
Réponse publiée au JO le : 02/01/2024 page : 103

Texte de la question

Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho appelle l'attention de M. le ministre de la transformation et de la fonction publiques sur l'absence de dispositions par le caractère opposable des informations publiques au titre II du code des relations entre le public et l'administration. En effet, il paraît surprenant de faire la liste des obligations de l'administration sur l'accès aux documents administratifs si les citoyens ne peuvent se prévaloir à l'encontre de l'administration de l'information qu'ils contiennent. D'autant plus que depuis l'abrogation de l'article 1er du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers par l'article 20 du décret n° 2006-672 du 8 juin 2006, les citoyens français sont beaucoup moins protégés. Effectivement, cet article, aujourd'hui abrogé, offrait des garanties importantes aux citoyens puisqu'il disposait que « tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi susvisée du 17 juillet 1978, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements ». Or non seulement le code des relations entre le public et l'administration ne reprend pas cette rédaction protectrice, mais encore, même si l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales prévoit l'opposabilité des instructions ou circulaires administratives publiées, celui-ci limite cette opposabilité aux seules instructions et circulaires portant sur l'assiette de l'impôt et non sur la procédure d'imposition ou de recouvrement. Ainsi, la situation actuelle constitue une régression des droits des citoyens français au regard des anciennes dispositions de l'article 1er du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983. Aussi, elle lui demande s'il serait possible d'introduire dans le code des relations entre le public et l'administration un article selon lequel « tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des documents administratifs, notamment des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article L. 311-4 du présent code » ou bien comment le Gouvernement entend rétablir cette garantie essentielle pour les justiciables.

Texte de la réponse

L'article 1er du décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers subordonnait l'opposabilité de la doctrine administrative à sa conformité à la loi et aux règlements. De ce fait, son intérêt pour les usagers était très limité puisqu'en cas de contentieux, les tribunaux ne pouvaient que faire prévaloir la règle légale. C'est la raison pour laquelle cette disposition a été abrogée. L'article 20 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, dite loi « ESSOC », a créé l'article L. 312-3 du code des relations entre le public et l'administration (CRPA). Cette disposition institue au profit de l'usager une garantie plus importante que celle du décret du 28 novembre 1983. Car outre le fait que toute personne peut se prévaloir des instructions, des circulaires ainsi que des notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat et publiés sur les sites internet prévus à cet effet, toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée et à la condition que l'application d'une telle interprétation de la règle n'affecte pas la situation de tiers, ni ne fasse obstacle à la mise en œuvre des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. Ce principe d'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine est inscrit dans le domaine fiscal, à l'article L. 80 A du Livre des procédures fiscales (LPF). Il permet au contribuable d'opposer à l'administration l'interprétation formelle qu'elle a retenue des textes fiscaux, même lorsque cette interprétation ajoute à la loi ou la contredit. Ce mécanisme de garantie a, depuis lors, été transposé à la matière douanière – article 345 bis du code des douanes. Il a également été étendu à la matière sociale, l'article L. 243-6-2 du code de la sécurité sociale garantissant le cotisant ayant appliqué la législation relative aux cotisations et contributions sociales selon l'interprétation admise par une circulaire ou une instruction du ministre chargé de la sécurité sociale régulièrement publiée contre toute demande de rectification ou tout redressement d'un organisme de sécurité sociale qui serait fondé sur une interprétation différente. En matière fiscale, ce principe a été enrichi de nombreux dispositifs de rescrit, codifiés aux articles L. 64 B, L. 80 B et L. 80 C du LPF. De plus, la loi ESSOC, a promu une relation de confiance entre le citoyen ou l'entreprise et l'administration. Cette relation de confiance se matérialise notamment par la consécration légale du « droit à l'erreur », qui permet au contribuable de bonne foi de régulariser ses erreurs déclaratives sans subir une sanction et, au surplus, de bénéficier d'une réduction des intérêts de retard de 50 % si la régularisation intervient spontanément hors contrôle ou de 30 % s'il régularise sa situation dans le cadre d'un contrôle. La loi ESSOC a également créé une nouvelle garantie fiscale, codifiée au deuxième alinéa de l'article L. 80 A du LPF, qui permet au contribuable de bonne foi de se prévaloir des positions prises par l'administration sur les points examinés au cours d'un contrôle fiscal externe, y compris ceux n'ayant pas donné lieu à rectification. Le Gouvernement met ainsi en œuvre une politique plus protectrice du citoyen dans ses rapports avec l'administration que ne le faisait le décret de 1983. En matière fiscale cette politique est équilibrée : résolument ferme vis-à-vis des fraudeurs et bienveillante avec les contribuables de bonne foi.