16ème législature

Question N° 10572
de Mme Michèle Tabarot (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droit pénal

Titre > Responsabilité pénale des mineurs

Question publiée au JO le : 01/08/2023 page : 7173
Réponse publiée au JO le : 12/12/2023 page : 11228
Date de signalement: 07/11/2023

Texte de la question

Mme Michèle Tabarot appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la responsabilité pénale des mineurs. Aujourd'hui, les mineurs âgés de moins de 16 ans voient leur responsabilité atténuée, alors que leur implication dans des infractions est croissante. En effet, entre 1992 et 2019, les forces de sécurité constatent un accroissement de près de 100 % de mineurs pénalement mis en cause. En 2019, 55 % des mineurs reconnus coupables d'infraction ont été orientés vers des mesures alternatives n'impliquant aucune sanction pénale. Lors des récentes émeutes, un tiers des personnes interpellées étaient mineurs. À l'heure où l'on observe une hausse de la violence dans le cadre des récentes émeutes, une réponse pénale adaptée est nécessaire. Dès lors, elle lui demande de préciser quelles mesures il entend mettre en œuvre pour améliorer l'efficacité de la réponse pénale s'agissant de la délinquance des mineurs.

Texte de la réponse

La lutte contre la délinquance des mineurs est une priorité du ministère de la Justice, qui est pleinement mobilisé dans le traitement pénal des infractions commises par les plus jeunes, et notamment celles survenues en lien avec les émeutes urbaines de l'été 2023. Cette préoccupation s'est notamment traduite par la diffusion de la circulaire du 5 juillet 2023 relative au traitement des infractions commises par les mineurs dans le cadre des violences urbaines et aux conditions d'engagement de la responsabilité de leurs parents. Cette circulaire invite les parquets généraux et les parquets à mettre en œuvre une réponse spécifique à l'égard des mineurs, en prenant en considération leur âge au moment des faits, leur personnalité, leurs antécédents judiciaires ainsi que la nature des faits commis. Le défèrement est ainsi privilégié pour les mineurs auxquels sont reprochés des infractions d'atteintes aux personnes ou d'atteintes graves aux biens publics. Lorsque les mineurs sont réitérants, la voie de l'audience unique, accompagnée de réquisitions aux fins de mesures de sûreté, est favorisée. Il est également rappelé la possibilité d'engagement de la responsabilité pénale individuelle des parents, en cas de manquement grave à leurs obligations. Les éléments statistiques recueillis concernant le traitement des procédures pénales mettant en cause des mineurs pour des infractions commises dans le contexte des violences urbaines démontrent la mise en œuvre par l'autorité judiciaire d'une réponse pénale réactive et adaptée aux infractions commises dans ce cadre. Ces éléments sont issus des remontées d'informations non exhaustives des parquets généraux à la DACG en application de l'article 35 du code de procédure pénale, concernant les affaires en lien avec les violences urbaines du 27 juin au 7 juillet 2023. Sur cette période du 27 juin au 7 juillet 2023, les parquets généraux ont informé la permanence action publique du bureau de la politique pénale générale du placement de 4481 personnes en garde à vue dans le cadre des violences urbaines, dont 1319 mineurs. Les mineurs représentent 29 % des personnes placées en garde à vue. Parmi eux, 317 mineurs ont fait l'objet d'un défèrement en vue d'une audience devant une juridiction pour mineurs. L'excuse de minorité découle du grand principe d'atténuation des peines applicables aux mineurs en fonction de leur âge. Ce principe constitue un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs : il a donc valeur constitutionnelle (décision du Conseil constitutionnel n° 2002-461 DC du 29 août 2002). Antérieurement consacrée par l'article 20-2 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, elle est désormais prévue par les articles L121-5 et L121-6 du CJPM. Selon ce principe, dont le corollaire est la fixation de la majorité pénale à dix-huit ans, le mineur délinquant ne doit pas être considéré comme un adulte dans son rapport à la loi et aux procédures. Il est un individu en construction et cette immaturité psychique doit être prise en compte. La responsabilité des mineurs est ainsi progressive, en fonction de la proximité avec la majorité. Cette atténuation bénéficie à tous les mineurs, qui voient le quantum de la peine applicable diminuer de moitié. Néanmoins, il peut être dérogé à ce principe dans certaines circonstances. En effet, les dispositions de l'article L121-7 du CJPM permettent à la juridiction d'écarter, par une décision motivée, l'excuse de minorité à l'égard d'un mineur âgé de plus de 16 ans, compte tenu des circonstances de l'espèce, de la personnalité et la situation du mineur. Il est donc, en l'état du droit, possible de déroger à l'excuse de minorité pour les mineurs âgés de plus de 16 ans. Les dispositions existantes apparaissent équilibrées et ménagent à la fois la nécessité de prendre en compte la spécificité des mineurs dans le traitement pénal et celle de sanctionner les actes délinquants commis par les mineurs les plus âgés. La suppression de l'excuse de minorité et l'abaissement de la majorité pénale contreviendrait aux grands principes de la justice pénale des mineurs et se heurterait à des limites constitutionnelles. Si lors des émeutes survenues entre le 27 juin et le 7 juillet 2023, la justice a rempli sa mission, le traitement judiciaire des violences urbaines ayant été effectif et empreint de fermeté et de célérité, le ministère de la justice porte actuellement des propositions de réformes visant, notamment à renforcer l'arsenal répressif envers les mineurs auteurs d'infractions et à responsabiliser leurs parents.