16ème législature

Question N° 10574
de M. Jean-Marc Zulesi (Renaissance - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Santé et prévention
Ministère attributaire > Santé et prévention

Rubrique > droits fondamentaux

Titre > Soins psychiatriques sans consentement

Question publiée au JO le : 01/08/2023 page : 7188
Réponse publiée au JO le : 21/11/2023 page : 10549

Texte de la question

M. Jean-Marc Zulesi attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur les soins psychiatriques sans consentement. Ces procédures d'internement sont encadrées par le code de santé publique, qui leur attribue un caractère exceptionnel. Néanmoins, celles-ci semblent se normaliser. En effet, le rapport de l'Union nationale de familles et amis de personnes malades ou handicapées psychiques de mars 2021 met en exergue le détournement de ces procédures par l'intermédiaire de certificats médicaux biaisés, avec notamment par la « pratique de copier-coller ». À cet effet, malgré la volonté du ministère de mener une politique active de réduction du recours aux soins sans consentement, des pratiques d'isolement et de contention, ces premiers ont connu une sensible hausse entre 2012 et 2021 d'après le rapport de l'IRDES de juin 2022. Par ailleurs, s'il est possible de saisir le juge des libertés et de la détention (JDL), le système d'information relatif aux saisines mériterait d'être plus efficacement connu. Effectivement, d'après le ministère de la justice, le patient ou la famille représente seulement 2,34 % des saisines du JLD en 2021. En outre, la commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) chargée de l'évaluation des pratiques de soins rencontre des difficultés en raison d'une surcharge de travail. De ce fait, certains dysfonctionnements ne peuvent être corrigés par manque de moyens, aux dépens des patients. Ainsi, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement quant aux améliorations possibles des conditions et du suivi des soins psychiatriques sans consentement.

Texte de la réponse

Le consentement aux soins est un principe fondamental du droit de la santé. Cependant, l'une des manifestations de la maladie mentale peut être, pour la personne concernée, l'ignorance de sa pathologie et l'incapacité à formuler le besoin d'une prise en charge sanitaire. Ainsi, afin de garantir un accès aux soins aux personnes se trouvant dans cette situation, un encadrement rigoureux des « soins psychiatriques sans consentement », conciliant tant le besoin de soins, la sécurité des patients et des tiers, que le respect des droits des personnes malades, a été conçu. Parmi les procédures de soins sans consentement, il existe deux procédures d'urgence. Elles permettent au directeur d'un établissement, dans l'intérêt du patient, de prononcer à titre exceptionnel l'admission en soins psychiatriques d'une personne malade, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade (soin psychiatrique à la demande d'un tiers en urgence, article L. 3212-3 du code de la santé publique - CSP) ou un péril imminent pour la santé de la personne (article L. 3212-1, II, 2° du CSP) et ce au vu d'un seul certificat médical, compte-tenu de la situation d'urgence pour la personne, que la Haute autorité de santé (HAS) qualifie d' « immédiateté du danger pour la santé ou la vie du patient ». Comme toutes les autres procédures de soins sans consentement, ces mesures sont strictement encadrées juridiquement dans le temps et font l'objet de contrôles de la part du Juge des libertés et de la détention (JLD). En effet, suite à l'admission, une période d'observation et de soins d'une durée maximale de 72 heures est prévue sous la forme d'une hospitalisation complète pour permettre au psychiatre d'adapter au mieux les modalités de la prise en charge. Cependant, rien ne s'oppose à ce que la mesure soit levée dans les 24 heures si elle se révèle injustifiée. Si les deux certificats médicaux établis, l'un dans les 24 heures, l'autre dans les 72 heures de l'hospitalisation, concluent à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, un psychiatre de l'établissement d'accueil détermine la forme de prise en charge la plus adaptée : hospitalisation complète ou bien soins sous une autre forme comportant des soins ambulatoires, des soins à domicile ou, au besoin, des hospitalisations partielles. Pour favoriser le rétablissement du patient, sa réadaptation ou sa réinsertion sociale, le directeur de l'établissement peut le faire bénéficier de sorties de courtes durées. Le JLD exerce un contrôle systématique des hospitalisations complètes, au plus tard le douzième jour d'hospitalisation, puis au bout de six mois d'hospitalisation complète continue. Le juge peut décider de mettre fin ou non à l'hospitalisation complète. Les travaux de recherche de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) de 2022 portant sur les soins sans consentement ont démontré une augmentation moins marquée du recours aux soins sans consentement depuis 2015, avec une légère diminution de ce recours depuis 2020, qui semble se poursuivre en 2021. Parallèlement, ces travaux démontrent également une augmentation du recours aux soins dans le cadre de la procédure de péril imminent. Cette mesure d'exception permet une prise en charge en urgence de personnes isolées, dans l'intérêt des patients, pour lesquelles aucune demande de soins n'est émise par un tiers. L'IRDES formule deux hypothèses concernant l'augmentation du recours à cette mesure : elle viendrait remplacer une demande de soins sur demande d'un tiers lorsque les proches préfèrent ne pas être impliqués ou serait utilisée en urgence lorsque les équipes soignantes ne peuvent contacter les proches de la personne nécessitant des soins, faute de temps. En complément des contrôles obligatoires effectués par le JLD et de la possibilité ouverte de le saisir à tout moment d'une demande de mainlevée, la Commission départementale des soins psychiatriques (CDSP) a pour rôle de garantir le respect des droits fondamentaux des usagers en soins psychiatriques. Parmi ses membres, figure un représentant d'association agréée de familles de personnes atteintes de troubles mentaux » (article L. 3223-2 du CSP). Créées par la loi du 27 juin 1990 et renommées par la loi du 5 juillet 2011, les CDSP sont chargées d'examiner la situation des personnes admises en soins psychiatriques sans consentement (dont obligatoirement celle des personnes admises en cas de péril imminent), au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes et, en cas de besoin, elles peuvent notamment proposer au JLD d'ordonner la mainlevée de la mesure (article L. 3223-1 du CSP). L'action 22 de la feuille de route Santé mentale et psychiatrie officialisée en juin 2018 prévoit de réduire le recours aux soins sans consentement, à l'isolement et à la contention. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une politique déterminée de prévention, de réduction et de contrôle des pratiques d'isolement et de contention, partagée au niveau européen. Elle s'est traduite en France par le déploiement depuis 2016, sous l'égide du Centre collaborateur de l'OMS pour la recherche et la formation en santé mentale de Lille, de l'initiative de l'Organisation mondiale de la santé Quality Rights, basée sur la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Cette démarche a également guidé les travaux du comité de pilotage de la psychiatrie, puis de la commission nationale de la psychiatrie, qui ont permis d'engager un plan d'actions de réduction déterminée des mesures d'isolement, de contention et de soins sans consentement les plus attentatoires aux droits des patients. Ce plan d'action comprend 4 axes : - améliorer la qualité des données qualitatives et quantitatives sur le recours aux soins sans consentement et les pratiques d'isolement et de contention ; - identifier et diffuser les bonnes pratiques de prévention et de gestion de crise à même de réduire de façon déterminée et significative le recours à l'isolement, à la contention et aux soins sans consentement ; - encourager et faire connaître les mesures améliorant le respect des droits des patients ; - créer et installer un observatoire des droits des patients en psychiatrie et santé mentale au sein du comité national de pilotage. On note également la publication par la HAS en mars 2021 d'un guide de bonnes pratiques professionnelles contenant près de 44 préconisations et des outils pratiques pour aider les professionnels à mettre en œuvre les programmes de soins sans consentement, afin d'en améliorer la qualité et la pertinence. Par ailleurs, dans le cadre de la réforme des autorisations, une mention "soins sans consentement" a été créée. Les établissements devront donc remplir les conditions techniques d'implantation et de fonctionnement afin d'être autorisés à dispenser des soins sans consentement au sein de leur structure. Ces conditions encadrent la prise en charge des patients en soins sans consentement, à travers notamment la nécessité de disposer à minima d'un espace d'apaisement, d'une chambre d'isolement individuelle comprenant le nécessaire (aération, dispositif d'appel accessible, sanitaires, point d'eau, horloge, mobilier adapté), un espace d'accueil de l'entourage du patient et un espace extérieur sécurisé (article D. 6124-265 du CSP). Enfin, le ministère de la santé et de la prévention mène depuis plusieurs années une politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention comme en témoigne l'instruction n° DGOS/R4/DGS/SP4/2017/109 du 29 mars 2017 relative à la politique de réduction des pratiques d'isolement et de contention au sein des établissements de santé autorisés en psychiatrie et désignés par le directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) pour assurer des soins psychiatriques sans consentement. L'importance de celle-ci a été réaffirmée dans l'instruction N° DGOS/R4/2022/85 du 29 mars 2022 relative au cadre juridique des mesures d'isolement et de contention en psychiatrie et à la politique de réduction du recours aux pratiques d'isolement et de contention, qui a accompagné la réforme du cadre juridique des mesures d'isolement et de contention de janvier 2022. En effet, ces pratiques sont des « pratiques de dernier recours » et ne doivent être utilisées que « pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui » comme le prévoit l'article L.3222-5-1 du CSP. Une attention particulière est portée par les ARS à la mise en œuvre effective de la politique de réduction de ces pratiques dans les établissements de santé. Cette réforme a été accompagnée financièrement puisqu'une première délégation de crédits pérennes à hauteur de 15 millions pérennes d'euros est intervenue en 2021, assortie de 20 millions d'euros non reconductibles. Des financements à hauteur de 15 millions d'euros pérennes ont également été accordés en 2022 aux établissements. Les crédits ont permis notamment de financer, selon les besoins de chaque établissement et après évaluation par les ARS en tenant compte du contexte local : - les recrutements nécessaires à la nouvelle organisation et au renfort éventuel de la permanence médicale et/ou soignante ; - la mise en place de binômes médecin/ infirmier « référents isolement contention » ; - le financement des actions de formation ; - la création d'espaces d'apaisement. Enfin, sur le plan international, le Gouvernement français a soutenu à plusieurs reprises une évolution du projet de protocole additionnel à la Convention d'Oviedo relatif à la protection des droits de l'homme et de la dignité des personnes atteintes de troubles mentaux à l'égard du placement et du traitement involontaires. Cette évolution devrait conduire pour 2025 à un texte européen accordant une plus grande place aux mesures alternatives, pour guider les États membres dans la mise en œuvre du principe selon lequel les soins sans consentement sont mis en œuvre en dernier recours.