16ème législature

Question N° 1062
de M. Mansour Kamardine (Les Républicains - Mayotte )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > outre-mer

Titre > Délégation de l'autorité parentale à Mayotte

Question publiée au JO le : 06/09/2022 page : 3923
Réponse publiée au JO le : 28/11/2023 page : 10717
Date de renouvellement: 13/12/2022
Date de renouvellement: 01/08/2023

Texte de la question

M. Mansour Kamardine interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les délégations de l'autorité parentale à Mayotte telles qu'elles sont prévues par les articles 376 à 377-3 du code civil et les articles 1202 à 1210 du code de procédure civile. Comme le relève le rapport de septembre 2015 du Défenseur des droits intitulé « situation sur les droits et la protection des enfants à Mayotte », la situation est particulièrement inquiétante dans le 101e département français. Cette situation est d'autant plus alarmante que de nombreux enfants font l'objet d'une instrumentalisation en vue d'obtenir des avantages portant sur des aides sociales ou sont le véhicule de régularisation de situations administratives au regard du droit de séjour ou de naturalisation de parents ou de tierces personnes. La délégation de l'autorité parentale est un des outils juridiques utilisés en vue de fraudes, de contournement du droit par le droit et cela à d'autres fins que celle de l'intérêt de l'enfant. Les délégations de l'autorité parentale ne peuvent donc être délivrées qu'après un examen minutieux de la situation des requérants en mobilisant les dispositions de l'article 1183 du code de procédure civile qui prescrit d' « ordonner toute mesure d'information concernant la personnalité et les conditions de vie du mineur et de ses parents, en particulier par le moyen d'une enquête sociale, d'examens médicaux, d'expertises psychiatriques et psychologiques ou d'une mesure d'investigation et d'orientation éducative ». C'est pourquoi il lui demande de lui communiquer : le nombre de délégations de l'autorité parentale établies à Mayotte, année par année, de 2018 à 2022 ; le nombre de ces délégations concernant des enfants nés d'au moins un parent étranger ; le nombre de ces délégations ayant confié l'autorité parentale à une tierce personne dite « proche digne de confiance » ; le nombre de ces délégations ayant confié l'autorité parentale à une tierce personne dite « proche digne de confiance » de nationalité étrangère ; le nombre d'ordonnances d'information délivrées, telle que prescrites par l'article 1183 du code de procédure civile, année après année; de 2018 à 2022. Il lui demande également le nombre de poursuites engagées suites à la découverte d'infraction en la matière et les éventuelles instructions qu'il entend donner au titre de l'exercice de l'action publique à Mayotte pour lutter contre ce fléau qu'est l'instrumentalisation des enfants et le détournement du droit.

Texte de la réponse

L'article 377 du code civil encadre les conditions de la délégation de l'exercice de l'autorité parentale. Cette délégation peut être volontaire (article 377, alinéa 1er du code civil), c'est-à-dire sollicitée par les parents, ou imposée aux parents en cas de désintérêt manifeste ou d'impossibilité pour ces derniers d'exercer tout ou partie de l'autorité parentale, ou en cas de poursuite ou de condamnation d'un parent pour un crime commis sur la personne de l'autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci (article 377, alinéa 2 du code civil). La demande est alors formée par un particulier, l'établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant, ou un membre de la famille, ou le ministère public. Dans tous les cas, la délégation de l'exercice de l'autorité parentale est prononcée par le juge aux affaires familiales qui procède à une appréciation in concreto, dans l'intérêt supérieur de l'enfant (Cass. Civ 1ère, 24 févr. 2006, n° 04-17.090). Afin d'apprécier la réunion de ces critères légaux, le juge aux affaires familiales dispose d'outils – auxquels il peut même recourir d'office s'il l'estime nécessaire – tels que l'enquête sociale qui lui permet de se renseigner sur les conditions de vie de la famille (article 373-2-12 du code civil), ou des mesures d'instruction (expertise psychologique, psychiatrique ou médicopsychologique à l'égard soit de l'enfant, soit de l'un des parents, soit des deux parents et de l'enfant). Il peut également procéder à l'audition du mineur capable de discernement (article 388-1 du Code civil). Ce cadre législatif permet au juge de prendre une décision éclairée, après une appréciation de la situation de l'enfant. S'agissant plus particulièrement de la situation à Mayotte, les statistiques dont dispose la Chancellerie, et qui sont consolidées à ce jour, sont les suivantes : nombre de délégations de l'exercice de l'autorité parentale ordonnées : 65 en 2018, 98 en 2019, 59 en 2020, et 239 en 2021 ; nombre d'enquêtes sociales ordonnées dans le cadre d'une délégation de l'exercice de l'autorité parentale : 2 en 2018, 4 en 2020, et 5 en 2021. Le ministère de la Justice ne dispose pas de données relatives au nombre de poursuites engagées en cas de délégations d'autorité parentale frauduleuse. En présence d'une telle fraude, l'infraction pouvant être retenue par le procureur de la République pour qualifier les faits reprochés est celle d'escroquerie. Or, cette qualification générale ne permet pas de distinguer au sein de cette catégorie d'infraction les hypothèses spécifiques de délégations d'autorité parentale frauduleuses. Le ministre de la Justice a diffusé le 28 mars 2023 aux procureurs de la République une circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs. Dans le cadre de cette circulaire, une meilleure coordination entre les acteurs de la prévention et de la répression des violences sur mineurs est préconisée et notamment celle entre les magistrats du siège (juge civil par exemple) et du parquet afin de mieux détecter et de traiter plus efficacement les situations de mineurs vulnérables. Pour cela, il est proposé aux parquets généraux et aux parquets d'inscrire, en lien avec les magistrats du siège, les services de greffe, les associations d'aide aux victimes et les barreaux, la lutte contre les violences sur mineurs dans le cadre de véritables politiques de juridiction.