Question écrite n° 10636 :
« Pantouflage » au détriment du service public de l'enseignement supérieur

16e Législature

Question de : M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES

M. Stéphane Peu alerte Mme la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la récente nomination d'une ancienne rectrice d'académie à la direction d'un groupe d'éducation privé. Cette nomination, au moment même où l'on fête le 40e anniversaire de la loi « Le Pors » sur le statut de la fonction publique, est un nouvel exemple de pratiques de pantouflage qui se développent massivement depuis plusieurs années. Au prétexte de faciliter des passerelles entre « la société civile » et l'administration, c'est en réalité une porosité complète qui se développe entre le monde des affaires et la haute fonction publique. Ces « allers retours » sont d'abord sources de possibles conflits d'intérêts. Les exemples se sont d'ailleurs multipliés depuis l'élection d'Emmanuel Macron en 2017 et sont régulièrement dénoncés par la presse d'investigation. En outre, cette subordination nouvelle de la prise de décision dans la haute administration au « logiciel » du privé et à l'idéologie du new public management constitue un puissant accélérateur de la soumission complète de l'action publique à la logique du marché alors que, selon les mots de M. le Pors, « la fonction publique a vocation à servir l'intérêt général (et) s'oppose à la logique du marché, qui est la recherche unidimensionnelle du profit ». En outre, le « transfert » de cette ancienne rectrice vers une très lucrative société de l'enseignement supérieur est d'autant plus choquant que la mise en place de Parcoursup a, ces dernières années, opportunément accompagné les stratégies de développement de nombreux acteurs privés de l'éducation. En effet, les incertitudes résultantes du dispositif d'orientation Parcoursup sont un effet d'aubaine pour de nombreuses écoles privées et créées un marché juteux prospérant sur les angoisses des 37 % de bacheliers qui n'ont pas obtenu les choix d'orientation qu'ils désiraient. M. le député voit dans cette nomination un symbole de plus et un nouveau feu vert au développement du « marché » de l'enseignement supérieur en forte croissance (4,4 milliards d'euros pour 737 000 étudiants) au moment où l'université et le secteur public connaissent, eux, de très profondes difficultés et un grave sous-financement. Elle fait suite à plusieurs autres, dont l'engagement d'un ancien ministre de l'éducation nationale aux côtés d'un grand groupe pour créer un réseau « d'écoles de la transition écologique ». Dans un souci de clarification, M. le député demande à ce que cette ancienne rectrice d'académie valide son choix d'une poursuite de sa carrière dans le secteur privé en démissionnant de la fonction publique. Sur le fond, M. le député constate que l'autorisation accordée à cette nomination par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) démontre que les critères appliqués sont encore trop permissifs. Il lui demande quelles dispositions elle entend prendre pour prévenir à l'avenir ces pratiques de « pantouflage », notamment par le durcissement des règles en vigueur.

Réponse publiée le 17 octobre 2023

La nomination de l'ancienne rectrice de l'académie de Versailles à la tête d'un groupe d'enseignement privé a respecté les formes et le droit, avec un avis positif de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), rendu comme toujours sur la base d'une saisine argumentée et d'échanges complémentaires avec les parties intéressées. Les procédures de contrôle ont été renforcées par la loi fonction publique de 2019, les exigences portées par la HATVP étant plus précises et approfondies que celles de l'ancienne commission de déontologie, avec des critères mieux définis. En l'occurrence, l'intéressée quittait des fonctions de rectrice de l'académie de Versailles, dans lesquelles elle n'intervenait pas sur les sujets d'enseignement supérieur – compétence du seul rectorat de Paris depuis la réforme de l'organisation territoriale de 2020 – alors que le groupe qu'elle a rejoint s'y consacre exclusivement.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Peu

Type de question : Question écrite

Rubrique : Fonctionnaires et agents publics

Ministère interrogé : Enseignement supérieur et recherche

Ministère répondant : Enseignement supérieur et recherche

Dates :
Question publiée le 1er août 2023
Réponse publiée le 17 octobre 2023

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