16ème législature

Question N° 10679
de M. José Gonzalez (Rassemblement National - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Non-exécution des peines de prison ferme

Question publiée au JO le : 01/08/2023 page : 7174
Réponse publiée au JO le : 14/11/2023 page : 10241

Texte de la question

M. José Gonzalez alerte M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'exécution des peines de prison ferme. En effet, lorsque l'on analyse les derniers chiffres du ministère de la justice, deux estimations attirent tout particulièrement l'attention. Premièrement, 41 % des « condamnés ferme » ne mettent pas réellement les pieds en prison. Leur peine est généralement courte et aménagée d'emblée. Pourtant, elle est considérée comme « exécutée »... Ces condamnés échappant totalement à la prison sont parfois des délinquants récidivistes. Deuxièmement, les condamnés ferme effectuent en moyenne 62 % de la durée de leur peine en prison ferme. Pendant le temps d'aménagement de leur peine, certains commettent de nouvelles infractions. On observe aujourd'hui malheureusement une industrialisation des aménagements de peine, engendrant ainsi une inadaptation aux situations particulières, pire encore, une promotion sans égal de la libération anticipée ainsi que de l'érosion des peines. La peine réellement subie par le condamné n'a souvent plus rien à voir avec celle choisie par la juridiction répressive. En parallèle de cela, une petite minorité de peines de prison ferme restent purement et simplement inexécutées : selon les derniers chiffres du ministère de la justice, 8 % des peines d'emprisonnement ferme n'ont toujours pas été mises à exécution cinq ans après leur prononcé, représentant ainsi plus de 10 000 peines chaque années. Pour les peines de moins d'un mois ferme, c'est 12 % d'entre elles qui n'ont toujours pas été mises à exécution cinq ans après. Le Rassemblement National propose pourtant des solutions efficaces. En effet, les réductions de peine ne doivent jamais être automatiques et ne doivent pouvoir aller jusqu'à 6 mois par an, comme c'est le cas avec la loi Dupont-Moretti de novembre 2021. Elles ne doivent être accordées qu'aux détenus dont le comportement peut conduire à prendre à leur égard une mesure de clémence et dans des proportions limitées, la durée de la période de sûreté doit également être rallongée. Par conséquent, il lui demande ce qu'il compte faire pour enrayer les problèmes découlant directement de la non-exécution des peines de prison ferme.

Texte de la réponse

Le ministère de la Justice est pleinement mobilisé pour garantir l'effectivité des sanctions pénales prononcées et leur exécution dans les meilleurs délais, afin d'assurer la crédibilité de la justice pénale et prévenir la récidive. Depuis la loi dite « Perben 2 » du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, qui a notamment inscrit la nécessité d'assurer la mise à exécution des peines de manière effective et dans les meilleurs délais comme principe directeur de la politique pénale en matière d'exécution des peines (article 707 du code de procédure pénale), les réformes législatives successives ont œuvré en faveur d'une meilleure individualisation de la peine (principe à valeur constitutionnelle) et d'une réduction des délais d'exécution des sentences pénales. La réforme du bloc peines introduite par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation pour la justice (LPJ) s'inscrit dans la continuité des réformes engagées depuis 2004 en faveur d'une meilleure prévention du risque de récidive. Modifiant en profondeur la politique et l'échelle des peines, la LPJ repose sur un principe simple : redonner sens et efficacité à la peine, ne plus faire de l'emprisonnement la peine de référence, en évitant le prononcé des courtes peines de prison jugées désocialisantes et de nature à nourrir la récidive, en développant les peines alternatives à l'emprisonnement, et en favorisant les aménagements de peine dès l'audience. Dans le même temps, la LPJ assure une exécution effective des peines d'emprisonnement prononcées par la juridiction de jugement dans de meilleurs délais, en posant le principe de l'exécution systématique de toutes les peines d'emprisonnement supérieures à un an. Des efforts soutenus ont été fournis par les juridictions pour améliorer le taux et les délais d'exécution des peines. Le garde des Sceaux attache une importance particulière à ce que les peines prononcées par les juridictions puissent être exécutées rapidement et effectivement. Cet impératif est régulièrement rappelé aux parquets, et récemment encore dans la circulaire de politique pénale générale du 20 septembre 2022. Le stock de peines en attente d'exécution dans les tribunaux judiciaires a diminué entre 2022 et 2021. 95 % des peines prononcées en présence des condamnés sont mises à exécution et le taux de peine d'emprisonnement ferme en attente d'exécution au moment du jugement est en recul de 7 points, en 2022, par rapport à 2021 (- 23 points par rapport à 2018). En 2021, la moitié des peines d'emprisonnement ferme était mise à exécution 3 jours après l'acquisition de leur caractère exécutoire. Le délai moyen de l'ensemble des peines mises à exécution était de 6,4 mois (il est de 4,4 mois pour les peines prononcées par jugement contradictoire). Pour les peines de plus d'un an, une peine sur deux est exécutée immédiatement, et le délai moyen d'exécution est de 2,4 mois. 50 % des peines de plus d'un an prononcées par jugement contradictoire à signifier étaient exécutées en 2,3 mois. Le délai moyen étant de 8 mois pour ces peines. Le stock des peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution ne doit pas être considéré comme un volume inerte de peines jamais exécutées mais comme un stock en renouvellement permanent. En outre, la dynamique de l'aménagement des peines et de la mise à exécution des peines obéit à un processus temporel avec des délais. La quasi-totalité des peines d'emprisonnement ferme en attente d'exécution sont des peines susceptibles d'être aménagées par le juge de l'application des peines et sont en grande majorité en cours d'instruction dans les services de l'application des peines et les services pénitentiaires d'insertion et de probation. Le processus d'exécution de ces peines a donc déjà commencé, et l'aménagement de ces peines, lorsqu'il est ordonné, est une modalité d'exécution de la peine. S'agissant des réductions de peine, la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 dite « confiance dans l'institution judiciaire » a procédé à une réforme en profondeur du régime des réductions de peine en mettant fin à l'automaticité du crédit de réductions de peine. Il est désormais prévu un dispositif unique de réductions de peine que peut octroyer le juge de l'application des peines, après avis de la commission de l'application des peines, lorsque le condamné donne des preuves suffisantes de bonne conduite et manifeste des efforts sérieux de réinsertion (article 721 du code de procédure pénale). Le quantum est attribué dans la limite des quanta maximums prévus par la loi. En conséquence, les réductions de peine ne sont plus automatiques mais fonction de la conduite et du mérite du condamné. Il n'est pas envisagé de rallongement des périodes de sûreté, qui s'appliquent notamment aux condamnations criminelles prononcées par la cour d'Assises, et dont l'article 367, alinéa 2, du code de procédure pénale, modifié par la loi du 22 décembre 2021 dite « confiance dans l'institution judiciaire », en assure une exécution immédiate. En l'état, les quanta des périodes de sûreté varient selon qu'il s'agit d'une période de sûreté de plein droit ou facultative. La période de sûreté de plein droit s'applique en principe à la moitié de la peine prononcée. En cas de réclusion criminelle à perpétuité, elle est de 18 ans. Toutefois, par décision spéciale, la juridiction de jugement peut la diminuer ou porter la durée de la période de sûreté aux deux tiers de la peine ou, s'agissant de la réclusion criminelle à perpétuité, à 22 ans. La cour d'assises peut également, par décision spéciale, décider d'élever la durée de la période de sûreté à 30 ans en cas de condamnation pour certains crimes (notamment des faits de terrorisme, d'assassinat d'un mineur de 15 ans précédé, accompagné ou suivi de viol, de tortures et d'actes de barbarie, meurtre d'un mineur de 15 ans précédé, accompagné ou suivi de viol, de tortures et d'actes de barbarie), faisant encourir la réclusion criminelle à perpétuité. Pour la période de sûreté facultative, le tribunal correctionnel ou la cour d'Assises peut la prononcer dès lors qu'une peine privative de liberté d'une durée supérieure à 5 ans non assortie du sursis a été prononcée et qu'il est établi qu'une telle mesure s'impose eu égard à la gravité des faits poursuivis ou à la personnalité de la personne condamnée. Enfin, une peine incompressible est prévue pour certaines infractions [1], entrainant l'impossibilité, pour la personne condamnée, de bénéficier d'une suspension ou d'un fractionnement de peine, d'un placement à l'extérieur, de permissions de sortir, d'une semi-liberté ou d'une libération conditionnelle. [1] Crime d'assassinat d'un mineur de 15 ans précédé ou accompagné de viol, de tortures ou d'actes de barbarie et au crime d'assassinat d'un magistrat, fonctionnaire de la police nationale, militaire de la gendarmerie, membre du personnel de l'administration pénitentiaire ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, à l'occasion de l'exercice ou en raison de ses fonctions ; crime de meurtre d'un mineur de 15 ans précédé ou accompagné de viol, de tortures ou d'actes de barbarie et au crime de meurtre commis sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, à l'occasion de l'exercice ou en raison de ses fonctions ; crimes prévus au 1er chapitre du titre II du livre IV du code pénal sur le terrorisme.