Question écrite n° 10702 :
Inclusion des outre-mer dans le mémoire sur le changement climatique à la CIJ

16e Législature
Question signalée le 9 octobre 2023

Question de : Mme Mereana Reid Arbelot
Polynésie Française (3e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine - NUPES

Mme Mereana Reid Arbelot appelle l'attention de Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'inclusion des collectivités d'outre-mer dans le mémoire que la France s'apprête à adresser à la Cour internationale de justice (CIJ) dans le cadre de la procédure consultative sur les obligations des États en matière de changement climatique. Le 29 mars 2023, à l'issue de quatre années de campagne initiée par un collectif d'étudiants des îles du Pacifique puis soutenue par le Vanuatu, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution demandant un avis consultatif à la Cour internationale de justice au sujet des obligations des États à l'égard des changements climatiques. Par une ordonnance du 20 avril 2023, la cour a fixé les délais relatifs à cette procédure. Les États auront ainsi jusqu'au 20 octobre 2023 pour présenter leurs premiers exposés écrits sur ces questions. Une procédure analogue a été introduite par la Commission des petits États insulaires sur le changement climatique et le droit international devant le Tribunal international du droit de la mer. La France a présenté un exposé écrit dans le cadre de cette procédure en date du 16 juin 2023. Elle y a rappelé son engagement dans la lutte contre les changements climatiques et leurs effets et a tenu à saluer « les initiatives visant à apporter les clarifications qui pourraient s'avérer nécessaires à l'interprétation des obligations internationales applicables aux États ». La présente demande d'avis consultatif à la CIJ a un champ plus large que celle formulée devant le Tribunal international du droit de la mer. En effet, au lieu de se limiter aux obligations incombant aux États parties à une convention internationale, telle que la convention des Nations unies sur le droit de la mer, celle-ci vise l'ensemble des obligations de l'ensemble des États au vu du droit international. De plus, sont visés à la fois les dommages causés aux États en tant que sujets du droit international et notamment aux « petits États insulaires en développement, qui, de par leur situation géographique et leur niveau de développement, sont lésés ou spécialement atteints par les effets néfastes des changements climatiques ou sont particulièrement vulnérables face à ces effets », mais également les dommages causés de façon plus générale aux « peuples et (...) individus des générations présentes et futures atteints par les effets néfastes des changements climatiques ». Or les territoires d'outre-mer, encore appelés overseas territories lorsqu'ils sont rattachés à d'autres États que la France et notamment les îles, sont en première ligne face aux effets des changements climatiques. Ceux-ci y sont déjà observables et ont des impacts à la fois sociaux, sanitaires et économiques dans ces territoires déjà fragilisés. L'un des effets du changement climatique est l'élévation du niveau de la mer. Depuis 1992, le niveau de la mer a augmenté à une vitesse moyenne de +2,9 mm/an à Tahiti, des tendances qui conduiraient en 2050 à des élévations bien plus importantes que celles envisagées dans le 5e rapport du GIEC. La montée des eaux mènera au déplacement de populations - les ultramarins vivant en majorité sur le littoral - et peut-être même à la disparition de territoires à l'importance stratégique capitale pour la France. Dans une tribune, les urbanistes Laurent Perrin et Jean-François Henric alertent sur l'urgence de la prise en compte du relogement des « premier réfugiés climatiques de la République » vivant dans l'archipel des Tuamotu (Le Monde, 12 décembre 2022). La France peut donc difficilement s'affranchir de considérer la situation de ces collectivités ultramarines lorsqu'elle aborde la question du changement climatique. Les collectivités ultramarines françaises ne peuvent intervenir dans cette procédure, ne détenant pas le statut d'État en droit international et n'entrant pas non plus dans la définition de « peuples », en tout cas pas au sens du droit français actuel. Elles partagent en revanche des caractéristiques communes avec les petits États insulaires en développement, notamment au vu de leur situation géographique isolée et de leur faible niveau de développement ; elles font partie des « individus » particulièrement affectés par les changements climatiques mentionnés dans cette procédure. Le droit français prévoit déjà la consultation des collectivités d'outre-mer sur de multiples sujets les affectant directement et de nombreux textes internationaux incitent à leur consultation pour les questions environnementales. Il serait donc parfaitement bienvenu de consulter ces collectivités sur cette question qui les affecte particulièrement. Une telle initiative confèrerait à la France un statut de pionnier, puisqu'elle serait le premier État au monde à mentionner et à consulter ses territoires d'outre-mer dans un mémoire devant une cour internationale. Ainsi, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer si, dans le mémoire que la France présentera à la CIJ pour cet avis consultatif et au regard des obligations de l'État envers ses collectivités d'outre-mer, elle compte non seulement les mentionner, mais également les consulter au sujet des conséquences des changements climatiques subies dans ces territoires.

Réponse publiée le 6 février 2024

La France a soutenu la résolution A/RES/77/276, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 29 mars 2023, qui prie la Cour internationale de Justice (CIJ) de donner un avis consultatif sur « les obligations des États en matière de changement climatique ». La France soutient, en effet, cette initiative, qui pourra contribuer à clarifier les obligations de droit international incombant aux Etats dans le contexte de la lutte contre les changements climatiques. Les questions posées à la CIJ concernent les obligations incombant aux Etats en ce qui concerne la protection du système climatique et d'autres composantes de l'environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, d'une part, et les conséquences juridiques pour les Etats qui auraient causé des dommages significatifs au système climatique et à d'autres composantes de l'environnement, d'autre part. Comme l'y autorise le statut de la CIJ, la France a l'intention de déposer un exposé écrit dans le cadre de cette procédure. Dans le cadre de sa préparation, la France entend prendre en compte l'ensemble des vulnérabilités face aux effets des changements climatiques, y compris celles des collectivités d'outre-mer. La préparation de cet exposé écrit est pilotée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, qui assure la représentations de la France devant la CIJ. Dans ce cadre, l'élaboration des observations françaises s'effectuera en étroite coordination avec l'ensemble des services et ministères concernés, dont le ministère de l'intérieur et des outre-mer.

Données clés

Auteur : Mme Mereana Reid Arbelot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Signalement : Question signalée au Gouvernement le 9 octobre 2023

Dates :
Question publiée le 1er août 2023
Réponse publiée le 6 février 2024

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