Réduction du stock de médicaments non utilisés (MNU) et réemploi de ces MNU
Publication de la réponse au Journal Officiel du 19 décembre 2023, page 11581
Question de :
M. Nicolas Ray
Allier (3e circonscription) - Les Républicains
M. Nicolas Ray appelle l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la réduction du stock de médicaments à usage humain non utilisés (MNU) et sur les possibilités de réemploi de ces produits. Un an après l'entrée en vigueur de l'article 40 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire qui introduit la possibilité de dispenser des médicaments à l'unité en officine, force est de constater que ce dispositif est trop peu utilisé par la filière pharmaceutique du pays. Selon la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), sur les plus de 600 millions d'actes de délivrance de médicaments remboursables par an, seuls 772 000 médicaments à l'unité ont été délivrés dans les officines françaises entre mai et décembre 2022, soit moins de 0,1 % des actes. Ce dispositif présente pourtant un intérêt sur le plan sanitaire, environnemental et financier. Il contribue en effet à éviter l'automédication inappropriée et à réduire le gaspillage des médicaments non consommés financés par la sécurité sociale. Selon le dernier rapport de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2023, la branche maladie a porté en 2022 un déficit de 21 milliards d'euros, qui est supérieur à celui de l'ensemble de la sécurité sociale. Il y a donc urgence à lever tous les obstacles qui se dressent à la démocratisation de la dispensation à l'unité des médicaments. Dans de nombreux pays étrangers, que ce soit aux États-Unis d'Amérique, au Canada, au Royaume-Uni, ou en Nouvelle-Zélande, ce mode de délivrance est entré dans les mœurs depuis de nombreuses années. Favoriser la vente à l'unité permettrait également de réduire les impacts environnementaux et sanitaires du « sur-conditionnement » de nombreux médicaments. Pour certains produits, le nombre de doses contenues dans les boîtes sont souvent bien supérieurs au nombre de doses nécessaires pour les traitements habituellement prescrits. C'est ainsi que, chaque année, les Français jettent en moyenne 1,5 kg de médicaments par habitant. Contrairement à une idée encore largement répandue, si les pharmacies ont obligation de reprendre les médicaments non utilisés, ces médicaments, même valables, ne sont pas destinés à être réemployés pour un usage humanitaire comme cela pouvait encore être le cas avant le 31 décembre 2008. Ils sont en effet exclusivement et obligatoirement incinérés afin d'être valorisés énergétiquement. Près de 10 000 tonnes de médicaments sont pourtant récupérés chaque année dans les plus de 20 000 officines du pays. Ce sont autant de médicaments en moins qui risquent d'être ingérés de manière accidentelle ou par imprudence. La collecte de médicaments non utilisés permet également de lutter contre la pollution puisqu'un rapport du ministère de la transition écologique datant de 2019 a révélé qu'entre 2015 et 2017, une trentaine de molécules pharmaceutiques ont été repérées dans les cours d'eau français. Ainsi, bien que les médicaments rapportés en pharmacie permettent aujourd'hui de participer activement à la production énergétique du pays et de préserver l'environnement, la collecte des médicaments non utilisés et non périmés pourrait néanmoins être utile aux associations humanitaires qui apportent une aide médicale aux plus démunis. S'il est évident qu'il est impossible d'assurer la qualité sanitaire des médicaments non utilisés qui doivent être conservés au froid lorsqu'ils ont été vendus et qu'ils sont sortis du circuit pharmaceutique, la majeure partie des médicaments collectés en officines ne rentrent pas dans cette catégorie de produits fragiles et aux conditions de conservation exigeantes. Dès lors, M. le député souhaite savoir si le Gouvernement a l'intention de réintroduire la possibilité d'utiliser à des fins humanitaires les médicaments non utilisés, non périmés et dont le conditionnement n'exige pas des conditions de conservations particulières. Par ailleurs, afin de limiter à terme le stock de médicaments à usage humain non utilisés et permettre à la sécurité sociale de réaliser des économies budgétaires, il souhaite également savoir quelles mesures sont prévues pour développer le recours à la délivrance de médicaments à l'unité.
Réponse publiée le 19 décembre 2023
La loi n° 2008-337 du 15 avril 2008 a modifié l'article L. 4211-2 du code de la santé publique en interdisant la mise à disposition des médicaments non utilisés (MNU) aux organismes à but non lucratif. Cette nouvelle réglementation s'appuie sur les « principes directeurs du don de médicament » de l'Organisation mondiale de la santé datant de 1999 et sur le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales « Enquête sur le dispositif de recyclage des médicaments Cyclamed » de janvier 2005. Ces deux études pointaient les risques liés au don des médicaments inutilisés à des fins humanitaires. Il n'est en effet pas possible d'assurer la qualité des MNU, médicaments qui ont été vendus et sont à ce titre sortis du circuit pharmaceutique, en particulier de ceux qui doivent être conservés au froid. Par ailleurs, la plupart des médicaments retournés en officine ont été en partie consommés. Ainsi, la quantité de médicament non utilisée peut s'avérer être insuffisante pour assurer un traitement complet efficace. Pour l'ensemble de ces raisons, les MNU ne peuvent pas faire l'objet d'une vente. Ces derniers sont donc destinés à l'incinération avec valorisation énergétique conformément à l'article R. 4211-27 du code de la santé publique. Il existe par ailleurs des circuits sécurisés, via des associations et des organisations non gouvernementales, qui ont pour objectif de répondre sur le volet sanitaire aux situations de crise et de guerre. Ces organismes bénéficient de faciliter d'achat et de transport des médicaments qui répondent à la demande du terrain, et garantissent la qualité et la sécurité pharmaceutique des produits. Concernant la délivrance de médicaments à l'unité, l'article L. 5123-8 du code de la santé publique ainsi que les articles R.5132-42-1 et suivants du même code précisent les modalités de cette délivrance. L'objectif de cette dispensation est d'éviter le gaspillage. À ce jour, cette pratique est possible pour les antibiotiques en application de l'arrêté du 1er mars 2022 portant création de la liste des spécialités pouvant être soumises à une délivrance à l'unité. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, adopté définitivement par le Parlement, prévoit de rendre obligatoire cette pratique pour les médicaments dont la présentation le permet et qui se trouveraient en situation de rupture d'approvisionnement. Le ministère de la santé et de la prévention travaille également à optimiser les bonnes pratiques des pharmaciens pour les inciter à se saisir davantage de ce dispositif.
Auteur : M. Nicolas Ray
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Santé et prévention
Ministère répondant : Santé et prévention
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 16 octobre 2023
Dates :
Question publiée le 1er août 2023
Réponse publiée le 19 décembre 2023