16ème législature

Question N° 10791
de M. Xavier Batut (Horizons et apparentés - Seine-Maritime )
Question écrite
Ministère interrogé > Comptes publics
Ministère attributaire > Comptes publics

Rubrique > commerce et artisanat

Titre > Les marchés parallèles du tabac en France

Question publiée au JO le : 08/08/2023 page : 7330
Réponse publiée au JO le : 26/09/2023 page : 8537

Texte de la question

M. Xavier Batut attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur les marchés parallèles du tabac en France, qu'ils soient légaux ou illégaux. Selon une étude publiée en 2022 par le cabinet KPMG, 17 % du tabac consommé en France est acheté en dehors du réseau des buralistes français. Elle distingue les marchés parallèles légaux et illégaux. Trois quarts des cigarettes acquises en dehors du réseau des buralistes français, en toute légalité, provient des achats transfrontaliers ou en duty-free. Et un quart est acquis de manière illégale, il s'agit de produits de contrebande ou de contrefaçon. Selon cette même étude, malgré une baisse régulière de la consommation de tabac observée depuis plusieurs années en France, les achats hors réseau ne cesseraient d'augmenter. Ces données doivent être prises en considération par les pouvoirs publics : ces marchés parallèles disqualifient les politiques de lutte contre le tabagisme, provoquent des pertes fiscales pour l'État sont significatives et c'est un réel manque à gagner pour les buralistes qui, en milieu rural, se raréfient. M. le député souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement pour accentuer la lutte contre ces marchés parallèles du tabac, en particulier les illégaux.

Texte de la réponse

Le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics a pris connaissance avec intérêt de la préoccupation du député sur le trafic de tabac. Il n'existe pas de marché « parallèle » de produits du tabac manufacturé, en France, qui soit considéré comme légal. La vente au détail de ces produits constitue, en effet, un monopole d'État (article 568 du code général des impôts). La commercialisation de produits du tabac manufacturé, en dehors du réseau des débitants de tabac, constitue donc une infraction réprimée au code général des impôts et, dans certains cas, au code des douanes. Afin de lutter contre les trafics de tabac, la France s'est engagée dès le 3 avril 2014 dans le cadre de la directive 2014/40/UE à mettre en œuvre un dispositif de traçabilité et de sécurité sur les produits du tabac. Ces dispositifs sont actuellement appliqués sur les paquets de cigarettes et les paquets de tabac à rouler. Ils seront étendus à partir du 20 mai 2024 à tous les produits du tabac (tabac à chicha, à priser, à mâcher, cigares, cigarillos…). Le dispositif de sécurité vise à garantir l'authenticité des produits présents sur le territoire pour lutter plus efficacement contre la contrefaçon, et le dispositif de traçabilité permet quant à lui, de suivre un produit du tabac de son usine de production jusqu'au détaillant chargé de la vente au consommateur. Ces dispositifs ont pour ambition de sécuriser toute la chaîne de valeur du tabac, et toutes les étapes successives de l'acheminement du produit afin d'empêcher les falsifications et de renforcer la lutte contre le commerce illicite de produits du tabac sous ses différents aspects (fiscal, sanitaire, financement criminel, vol et recel). Le dispositif de traçabilité est fondé sur l'identification de chaque acteur de la chaîne logistique, décliné jusqu'au produit lui-même. À ce titre, toutes les unités de conditionnement et les emballages agrégés produits au sein de l'Union européenne (UE) ou destinés à être commercialisés dans un pays de l'UE sont marqués d'un identifiant unique. Toutes les données collectées par les États membres sont agglomérées dans une base de données européenne. Le dispositif de sécurité est appliqué par le biais d'une vignette infalsifiable, sur l'ouverture des paquets et directement sur les unités de conditionnement, afin de jouer un rôle de scellé. En outre, un plan national de lutte contre les trafics illicites de tabacs 2023-2025 a été présenté par le ministre délégué, chargé des comptes publics, au mois de décembre 2022. Il vise à renforcer la capacité d'action douanière contre toutes les formes de commerce illicite de tabacs. La douane intervient, en effet, comme administration cheffe-de-file dans la lutte contre ces trafics, qui est une des priorités de la direction générale des douanes et droits indirects. Articulé autour de quatre engagements qui structureront l'action douanière contre ce fléau jusqu'à la fin d'année 2025, ce plan portera sur de nouvelles mesures importantes, qui correspondent à autant de nouveaux moyens déployés par la douane. D'abord, de nouveaux moyens de détection seront déployés sur les routes et sur les plateformes logistiques, notamment des scanners mobiles. Ils seront complétés par l'expérimentation et le développement de dispositifs de détection et d'analyse innovants. Ensuite, des groupes de lutte anti-trafics de tabac (GLATT) ont été créés dans les bassins de fraude prioritaires. Ils permettent de faire travailler de façon plus efficace l'ensemble des services douaniers intéressés, en coopération avec des services partenaires. Cette bonne coopération a été illustrée par l'opération nationale conjointe « COLBERT », qui a eu lieu du 31 mai au 6 juin 2023. Parallèlement, un réseau déconcentré de lutte contre la fraude sur Internet, dit « Cybertabac », est en cours de formation, dans le cadre d'une stratégie nationale. Son objectif principal sera d'identifier les trafiquants locaux qui vendent du tabac sur internet. Dans le domaine scientifique, les modalités d'analyse des produits du tabac saisis, mises en œuvre par le service commun de laboratoires (SCL), sont en cours de développement. La douane va en effet investir pour développer une capacité de « profilage », c'est-à-dire d'analyse approfondie des tabacs saisis, pour mieux identifier les filières et les schémas de fraude. Par ailleurs, la douane va entamer des travaux, en coopération avec la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), visant au développement d'une capacité publique souveraine d'estimation et d'analyse du marché parallèle des produits du tabac. Celle-ci devra permettre de mieux comprendre, de façon indépendante, les ressorts criminologiques et socio-économiques du marché parallèle de tabacs. Cette démarche sera complétée par une analyse toxicologique complète des produits du tabac de fraude, afin de pouvoir mieux cerner les enjeux de santé publique issus de ces trafics. Cette meilleure maîtrise permettra une communication publique argumentée en la matière, et améliorera le niveau de connaissance douanière des marchandises de fraude. Ensuite, une déclinaison particulière du plan d'action sera adoptée par la direction nationale garde-côtes des douanes (DNGCD), pour renouveler sa pleine implication dans la lutte contre les trafics illicites de tabacs. En effet, plusieurs types de contrôles (notamment des plaisanciers ou du bâtiment de certains navires commerciaux) et plusieurs techniques de contrebande relèvent directement du périmètre de la mission des garde-côtes. En outre, le législateur a d'ores-et-déjà fait évoluer le régime juridique entourant la lutte contre les trafics de tabacs, conformément aux objectifs fixés par le « plan tabac », via la loi n° 2023-610 du 18 juillet 2023 visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces. Il s'agit, en particulier : de l'augmentation, d'un an à trois ans, de la peine d'emprisonnement prévue par le code général des impôts (et de cinq à dix ans pour la bande organisée) encourue pour certains trafics ; de la peine complémentaire d'interdiction du territoire jusqu'à dix ans pour tout étranger commettant ce délit désormais prévue au code des douanes ; de l'aggravation, de 3 mois à 6 mois, de la durée de la fermeture administrative encourue par les commerces revendant du tabac de manière illicite ; de la création d'une sanction de non-respect de l'arrêté préfectoral de fermeture, qui s'élève à deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende encourus. Enfin, le contrat d'objectifs et de moyens de la Douane 2022-2025 prévoit un renforcement des effectifs en matière de lutte contre les fraudes douanières, dont les trafics illicites de tabacs.